vendredi 1 février 2008

Nationalité du Sénateur Boulos : « l’arbre qui cache la forêt ».

Cyrus Sibert, AVEC L’OPINION,
Radio Kontak Inter 94.9 FM
Cap-Haïtien, Haïti
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Depuis plusieurs semaines un débat existe sur la nationalité du Sénateur du Nord-est Rudolph Boulos. On en fait une priorité nationale. Tout le monde en parle. Le Sénat est allé jusqu’à proposer une commission d’enquête pour faire le point sur cette affaire, vu qu’elle affecte son fonctionnement. Beaucoup de textes circulent sur internet. Pour certains Boulos est un menteur, un imposteur qui doit partir, pour d’autres, c’est une affaire entre noirs et clairs, dans une logique de cohésion nationale, il doit garder son poste, on devrait, du même coup, en profiter pour exiger l’intégration de la diaspora.

Pour l’intéressé lui-même, Rudolph Boulos, c’est un complot. Au lieu d’une question de Clairs contre Noirs, il est victime d’une rivalité entre Clairs et Clairs :

… la bataille des Patriotes en face des Patripoches,

Il se réclame du groupe de patriotes :

ceux qui veulent la victoire sur la République de Port-au-Prince au profit des Provinces,

ceux qui veulent garantir à la jeunesse haïtienne un avenir,

ceux qui veulent que la population des villes et des campagnes puisse vivre avec un minimum,

ceux qui veulent que la Diaspora puisse devenir le moteur économique, intellectuel et politique en vue de Sauver ce pays des grands Mangeurs qui exploitent la plantation depuis l’indépendance en 1804.

Et c’est dans ce contexte qu’on peut placer la déclaration du Sénateur Joseph Lambert : « l’arbre qui cache la forêt ».

Pour avoir observé de très près la campagne électorale de 2005, nous comprenons vite l’approche du sénateur Boulos. Il y a une confrontation entre clairs et clairs dans ce pays : une sorte de guerre froide de sécession entre les féodaux conservateurs de toutes couleurs et les libéraux modernes qui voient en Haïti la possibilité de créer un marché national suivant une logique capitaliste en vue de faire fortune. Ils sont aussi de toutes couleurs, ceux qui veulent le changement en Haïti et qui se sacrifient tous les jours pour faire bouger le pays.

Lors des dernières élections, dans les deux camps, il y avait des clairs et des noirs. Et la constitution est utilisée comme arme pour acculer ceux qui n’acceptent pas le système. L’article sur la nationalité a été soulevé dans l’unique but de conserver le statu quo. Car les dirigeants de ce pays ne respectent pas les lois de la République ; ils les utilisent pour persécuter leurs adversaires.

Nous sommes des souverainistes qui condamnent le fait qu’un citoyen haïtien renonce pour quelque raison que ce soit à sa nationalité. Tous les jours nous nous posons la question suivante: en cas de conflit d’intérêts entre Haïti et un autre pays, le dirigeant qui a une double nationalité ne pourrait pas défendre le pays. Les Etats-unis pourraient, au nom de la nationalité américaine d’un dirigeant haïtien, procéder à son arrestation et le traiter comme un délinquant américain.

Mais, pour une fois, soyons sérieux ! Est ce qu’on n’arrête pas les citoyens haïtiens pour les extrader vers les Etats-Unis sans passer par la justice haïtienne ? Préval avait signé un contrat en ce sens le ‘‘17 octobre 1999’’. C’est le cas pour les kidnappeurs et les trafiquants de drogue. Ils sont arrêtés par des agents de la police fédérale américaine, sur le sol haïtien, puis extradés sans aucune forme de procès aux Etats-Unis. Le président Jean-Bertrand Aristide a été exfiltré contre son gré par les forces spéciales américaines vers la République Centre-Africaine. Nos chefs d’Etat de nationalité haïtienne ne défendent pas moins les intérêts des étrangers. Ils sacrifient continuellement les intérêts de la nation pour faire plaisir aux étrangers.

Aussi, sommes-nous des démocrates qui militent en faveur d’une armée nationale. Mais cela ne nous empêche pas de comprendre les faits : les militaires haïtiens étaient et sont encore très politisés. Nous nous souvenons avoir vu le diplôme d’un officier de l’armée d’Haïti. Au nombre des matières enseignées figurait : DOCTRINE DUVALIERISTE. C’est un fait. Cela ne nous empêche pas de continuer à militer en faveur d’une armée nationale, mais nous le faisons en prenant en compte les faits.

Nous nous ridiculisons quand nous refusons de voir la réalité. L’étranger nous prend pour des ânes, des idiots, des singes. C’est qui nous pousse à dire la vérité même quand elle dérange. Il doit y avoir en Haïti au moins une voix courageuse pour troubler le silence des lâches et la sénilité des conformistes-affairistes.

Aujourd’hui le sol national est foulé par des troupes étrangères. Le Président René Préval fait l’éloge des soldats étrangers. Il ose survoler le territoire national, en hélicoptère, le 18 novembre 2007. Il était accompagné des soldats de l’ONU, pour inspecter les travaux de la MINUSTAH, le jour sacré de la bataille de Vertières. Alors peut-il en même temps exiger le respect de la constitution sur la double nationalité et violer cette même constitution quand il s’agit de demander aux forces étrangères de protéger son pouvoir ?

Comme des moutons, tout le monde rentre dans le jeu, exigeant le respect de la constitution sur la nationalité. Satisfait René Préval rentre chez lui en misant sur la faiblesse d’esprit de tous les citoyens haïtiens et du patatisme de la classe politique. Car, il les manipule à volonté. Pour preuve, il a été porté à la tête de l’Etat une nouvelle fois en 2006, sans débattre.

Comment peut-on exiger le respect de la constitution sur la nationalité et garder des troupes étrangères en Haïti ? Comment peut-on cautionner la violation de la loi électorale lors des élections présidentielles et en même temps se poser en légaliste?

Les féodaux imposent au peuple exploité des accords politiques inconstitutionnels et illégaux pour maintenir le statu quo. Face aux efforts de modernité, de décentralisation et d’ouverture, ils se barricadent derrière la constitution et prônent le respect de la loi.

Haïti est à un carrefour où nous devons faire des choix. Comme les européens en 1945 et les dominicains dans les années 60, nous devons comprendre la réalité de notre situation de pays occupé par des troupes étrangères. Cet état de fait est inconstitutionnel et affecte notre souveraineté nationale. Au lieu de nier les faits et de naviguer la tête dans les nuages, regardons la réalité en face et agissons pour une fin irréversible de cette situation humiliante.

Nous sommes conscients que l’amendement de la constitution est une boite de pandore capable de réveiller les vieux démons de la Présidence à vie et sans limite. Nous devons respecter les procédures prévues dans les dispositions générales de la loi mère. Toutefois, au même titre qu’on a pu négocier la répartition des votes blancs pour mettre fin à la violence, dans le même esprit qui nous a guidé pour négocier le maintien des sénateurs à leur poste, suivant les mêmes considérations qui nous forcent à accepter des soldats étrangers sur le sol national, nous devons négocier l’intégration de la diaspora pour la modernité, la décentralisation, le retour des ressources humaines et financières.

La stabilité en Haïti passe par la reconstitution d’une classe moyenne solide : une classe d’hommes et de femmes bien formés, propriétaires et à l’abri de la précarité (ayant accès au crédit et aux polices d’assurance). Nous devons réparer les dégâts causés par François Duvalier et Jean-Bertrand Aristide. Ils ont détruit la classe moyenne haïtienne. D’après les aînés dont le Doyen Charles Manigat - Cap-Haïtien, dans le temps, il y avait une masse critique. Chaque parti politique avait son organe de presse. Les clubs littéraires publiaient des œuvres. Cap-Haïtien comptait plusieurs journaux. Sans perdre notre temps à critiquer François Duvalier – car tout le monde sait ce qu’il a fait de bien et/ou de mal – il est un fait qu’au terme de son régime, Haïti était vidé de cette masse critique. Avec Jean-Bertrand Aristide, surtout avec le phénomène des coopératives, roch nan dlo konen mizè roch nan solèy : tout moun jwen. La classe moyenne s’est appauvrie. Avec le kidnapping et la violence des gangs, la situation s’est empirée, les cadres qui nous restaient ont dû abandonner le navire. Hors, on ne change pas un pays sans ressources humaines et financières. Avec 400 milliards de dollars d’actifs et la culture d’exécution (Ray H. Killick), cette diaspora représente une mine à exploiter.

Ne perdons pas notre temps à parler de pétrole. Le pétrole haïtien est sa diaspora. On n’a qu’à suivre ce que font les israéliens avec leur diaspora.

La constitution haïtienne ne doit pas servir de moyens pour endiguer ceux qui veulent participer. Si nous acceptons en silence qu’on la viole pour permettre aux étrangers de venir se bronzer et s’enrichir chez nous, il est illogique de la brandir contre nos frères et sœurs de la diaspora qui sont plus brillants, plus expérimentés, plus riches et plus modernes que nous. Tout de même, nous ne voulons pas dire que tous les haïtiens de la diaspora sont compétents et intègres. Nous en avons fait l’expérience durant la transition 2004-2006 avec des technocrates sans scrupules. Mais, nous devons trouver un moyen pour relancer Haïti sans démagogie avec les enfants du pays.

Le dossier de la nationalité de Rudolph Boulos est, comme disait le Sénateur Lambert, l’arbre qui cache la forêt. Beaucoup de citoyens honnêtes sont tombés dans le piège de René Préval. Ils ont exigé le respect de la constitution. Alors que ce même René Préval a au sein de son régime un nombre important de fonctionnaires ayant d’autres passeports, il fait de la nationalité de Rudolph Boulos une affaire d’Etat.

D’après une source confidentielle, le Président serait, lui aussi, détenteur d’un passeport Belge. Durant son premier mandat, Préval nous avait pris pour des imbéciles. Il avait procédé illégalement à l’arrestation du Directeur de la compagnie d’Etat de ciment CIMENT D’HAITI au Palais National. Les citoyens pouvaient voir sur le petit écran un président-juge qui combattait seul, la corruption en Haïti. Tout le monde connaît l’histoire, la corruption battait son plein après l’arrestation de ce bouc émissaire malheureux. La banque mondiale avait même fermé les portes de son bureau en Haïti à cause de la corruption qui régnait sous le gouvernement du Président René Préval.

Rudolph Boulos se dit clame. Il ne se laissera pas perturber : Je sais qu’il ne m’aime pas, parce que je contribue à renforcer la diplomatie parlementaire. Il n’aime pas des parlementaires autonomes. Ils n’aiment pas ceux qui sont capables de porter le débat entre l’exécutif et le parlement jusqu’aux grandes capitales. Ils sont tellement habitués avec des parlementaires fanatiques, des sous-hommes au service de l’exécutif.

Au lieu de défendre le Sénateur Rudolph Boulos dont l’extrait d’archive de son acte de naissance circule sur Internet, nous nous contentons de signaler la mesquinerie et la démagogie qui entoure cette affaire. Nous rappelons à nos lecteurs que René Préval aime les boucs émissaires et la démagogie est sa science. C’est le propre des anarchistes et des populistes. Haïti à plus d’intérêt dans un leadership provincial moderne que dans un Chef d’Etat féodal, sans programme, au service des monopoles concentrés dans la République de Port-au-Prince.

Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
1er février 2008

1 commentaire:

Tony Saint Festin a dit…

Cyrus,Je vous felicite pour cette reflection.Je pense qu'ily a beaucoup
de gens serieux qui veulent l'avancement d'haiti du me^me tour
un petit secteur tre`s vocal pratique
la panique.Rene Preval offre tout a`
Haiti sans aucun projet.La pauvrete'
et la vie che`re d'Haiti exigent ceux
qui n'ont pas la chance de patir de
manger et de vivre dans la boue.Les
dirigeants haitiens pratiquent la mediocrite's.Ils ne sont pas hontes
de parler de la constitution haitiennes.