mercredi 25 février 2009

Dr Jean C. Alexandre : pour une diplomatie haïtienne à la hauteur de nos ambitions

Par Adyjeangardy
lundi 16 février 2009Jean C. Alexandre

Le Dr Jean C. Alexandre est l’un de ces rares Haïtiens qui restent accrochés à la vision diplomatique d’Anténor Firmin qui rêvait en son temps d’imposer au monde entier la République d’Haïti comme référence en matière de succès dans les négociations stratégiques internationales. Ex-ambassadeur d’Haïti aux Nations unies, Jean C. Alexandre, qui accumule chaque jour dans son bureau un nombre impressionnant de dossiers sur l’histoire des relations internationales et qui continue de réaliser d’importantes recherches sur la présence diplomatique haïtienne dans le monde, croit que la République d’Haïti a le devoir d’imprimer dans ses relations extérieures de nouvelles marques d’intelligence en relations avec les approches diplomatiques mondiales actuelles. Dans la banlieue de Chicago où on peut le rencontrer ces jours-ci, en attendant qu’il reprenne du service, le Dr Jean C. Alexandre estime qu’il est prêt à répondre à nouveau à l’appel de son pays afin de participer nous a-t-il dit « au noble combat de remettre debout une diplomatie haïtienne à la hauteur de nos ambitions », saluant au passage les efforts accomplis ces jours-ci par la Chancellerie haïtienne.

Le champ d’influence international

Spécialiste des Nations unies, il estime que le champ d’influence de l’opinion publique mondiale exige qu’Haïti s’adapte à de nouveaux concepts de repositionnement stratégique tout en faisant entendre sa voix sur des propositions relatives aux problèmes écologiques, énergétiques et sociologiques, incluant le solaire, le nucléaire, les droits de l’homme, l’aide au développement et la gestion interne de la sécurité des citoyens par l’État. La conduite des affaires mondiales ne procède pas nécessairement d’un acteur unique désigné pour cela à la tête des Nations unies par exemple, mais plutôt d’un vaste système d’acteurs à qui s’ajoutent des valeurs et procédures consolidées par la tradition et des courants d’idées en cours d’enracinement. D’où la nécessité pour nous autres Haïtiens de définir les nouvelles orientations de nos Affaires étrangères, le monde ayant changé depuis 10 ans et continue de se transformer avec une vitesse vertigineuse, précise-t-il. « Nous ne pouvons plus nous permettre, de pratiquer une politique étrangère sur la base des incertitudes, mais nous devons planifier chaque mission nationale dans le cadre de la vitesse des décisions mondiales sur la base de la solidarité internationale, en fixant des délais qui permettent une certaine prévisibilité des actes et donc une limitation des risques liés à l’incertitude », estime-t-il.

Représenter Haïti avec dignité

Jean C. Alexandre explique qu’un ambassadeur d’Haïti à l’étranger a pour devoir de suivre les règles imposées par la Chancellerie tout en informant, dans ses rapports, sur les opportunités du pays d’accueil, les normes en cours qui peuvent concerner non seulement le comportement collectif, mais aussi, par exemple, des attitudes individuelles, au niveau de l’immigration, du travail et des investissements financiers. « Le diplomate ne peut être un portrait ou un mannequin élégant qui se laisse habiller sans regarder le futur et proposer des changements adéquats pour le futur! Une diplomatie haïtienne à la hauteur de nos ambitions signifie rechercher les moyens d’apporter la prospérité à son pays, en représentant son pays à l’étranger avec dignité, en comprenant le fonctionnement du marché mondial, avec ses mécanismes et ses acteurs spécifiques, les facteurs financier, monétaire, énergétique ou technologique, aussi bien que dans la vie socioculturelle et politique, les décisions, les impacts et les crises qui peuvent nous affecter! », estime Alexandre.

Il a raison, les normes relatives à la démocratie de marché, à l’intervention humanitaire, à la définition et la régulation du système d’échanges et de relations ont changé depuis cinq ans et il faut nous adapter. Il cite au hasard la philosophie des années soixante, fondée sur la substitution d’importations et signale que la nouvelle philosophie de la Banque mondiale contrairement encourage aujourd’hui la croissance des exportations. Ceci implique l’assistance au développement du secteur privé par le financement des investissements et la création de marchés financiers capables de mobiliser l’épargne locale. Dans ces conditions idéales, le problème du risque politique peut, en principe, changer de nature et de degré. Surveillé en amont par l’incitation à conduire des politiques raisonnables, étalé donc modéré par l’échelonnement de la dette, il peut devenir un simple incident de parcours sur une voie bien balisée, un écart parfaitement réversible entre partenaires de bonne compagnie à condition que des ambassadeurs conscients, prudents et intelligents étudient dès le départ les contours des actions à proposer au pays. Mais, avant toute littérature, nous devons étudier le partenariat.

Partenariat avant tout

Haïti doit savoir, insiste Jean C. Alexandre, que, depuis l’an 2000, le fameux «Economic Report of the President », remis au Congrès américain en février 1997 ainsi que la « National Export Strategy » ont énoncé clairement les nouvelles stratégies en matière de relations extérieures, prenant comme cibles principales les pays émergents. Si, durant les huit dernières années, ces rapports ont été ignorés, aujourd’hui ils sont en train de refaire surface. Le concept « trade not aid » est appelé à partir de 2010 à s’imposer partout dans le monde. « On ne pourra plus envoyer nos ambassadeurs pour aller demander de l’aide, mais pour analyser les voies et moyens du partenariat, terme cher au président Barak Obama, les moyens d’accroître les flux financiers de part et d’autre, sans accroître le déficit budgétaire et donner au pays d’accueil une image de partenaire responsable plutôt que de continuer à le voir comme un donateur bienfaiteur. Avec la crise actuelle les données sont en train de changer! », constate Jean C. Alexandre.

Déjà la mise en place a commencé avec toute une série de représentations à caractère diplomatique autour de l’International Trade Administration (ITA) qui regroupe notamment les Us and Foreign Commercial Services présent dans 68 pays, les Trade Development Industry Officers (spécialisés par secteur industriel), l’International Economic Policy Country Desk Officers (spécialisé par pays), le Multilateral Development Bank Operations et les Grands Projets du ministère du Commerce américain. Ces derniers concernent le monde entier et s’étendent au SBA (Small Business Administration in the World), à la USAID (Agency for International Development), à l’Eximbank, à l’OPIC, et aux Export Assistance Centers (USEAC) qui sont des guichets régionaux uniques d’information alliés au Big Emerging Markets (BEM) installés entre autres au Brésil, en Argentine, en Inde, au Mexique, en Pologne, en Corée du Sud, en Turquie, dans la zone Asie-Pacifique et prochainement à travers la Caraïbe.

Haïti doit aussi savoir que les nouvelles lois aux USA font tourner un « War Room » qui est une cellule interministérielle, appelée en fait à surveiller les grands projets d’infrastructures internationaux et à mettre en œuvre une politique de soutien aux propositions américaines dans le cadre des appels d’offres, destinée à contrer celles des entreprises concurrentes dans certains pays comme le nôtre. Le Département d’Etat et les Nations unies, jour après jour, revisitent leurs stratégies.

L’USAID, créée en 1961 pour gérer les programmes d’aide en faveur des pays pauvres et des pays en transition vers des économies de marché, travaille aujourd’hui de pair avec la « Trade and Development Agency » (TDA) dont le rôle est d’aider les sociétés américaines à remporter à l’étranger des contrats prioritairement dans les secteurs de l’énergie, des transports et autres infrastructures, en initiant des études de faisabilité technique, financière et juridique des projets et en ayant recours à un fichier de consultants. Et, maintenant, la Eximbank, créée en 1934, se rajeunit avec de nouveaux objectifs : faciliter les exportations américaines en fournissant aux entreprises des services d’assurance à court et moyen termes, des services de garantie et de prêts à moyen et long termes. Les garanties et assurances proposées par la Eximbank sont destinées à couvrir les risques politiques et commerciaux dans des zones à haut risque ou d’insécurité. La diplomatie s’est accompagnée d’instruments financiers tels le « Tied Aid Capital Projects Fund » de la Eximbank ou le War Chest mis en place pour contrer les projets d’aide. La diplomatie haïtienne doit pouvoir se situer par rapport à ces mouvements en fonction de ses intérêts immédiats et futurs.

À la question de savoir si le président qui gère, avec son ministre des Affaires étrangères, la politique extérieure d’Haïti peut parvenir à s’entendre avec le Parlement sur certaines orientations, Jean C. Alexandre répond franchement: « La diplomatie n’a rien à inventer, elle a simplement à planifier sur la base d’exemples internationaux. Par exemple, aux États-Unis, tout n’est pas parfait non plus: le Congrès s’oppose au président, les États limitent le pouvoir fédéral, les entreprises ne sont pas toujours d’accord, l’opinion publique pousse à certaines décisions, comme les sanctions ou la politique anti-corruption etc., mais l’effort de cohérence et la vision à long terme de cette administration sont réels et sa politique, plus offensive que jamais, permet d’aboutir à des résultats concrets et aux ambassadeurs placés à l’étranger d’être efficaces et de suivre une seule politique! ».


Profil et actions du médecin-diplomate

La fonction de communication des missions diplomatiques devra valoriser toutes les autres. Pour ce faire, le diplomate doit connaître ses interlocuteurs et en être connu. C’est le cas de Jean C. Alexandre, un médecin reconnu de l’American College of Obstetricians and Gynecologists, formé à St-Louis de Gonzague et gradué en 1967 à la faculté de Médecine d’Haïti. Dans les années 70, il entreprit sa première expérience internationale à l’Illinois Central Hospital de Chicago, après avoir, pendant deux ans, consacré son temps aux patients de la Maternité Isaïe Jeanty et de la cilinique Paul Desmangles. De 1971 à 1974, il se retrouva à Loyola University Medical Center (Maywood, lll) à la section d’Obstétrique et de Gynécologie.
Ses expériences se poursuivirent ensuite au Oak Brook Surgical Center et au Edgewater Hospital, de Chicago, Illinois depuis 1992. Il a aussi été PDG du Center for Women de Melrose Park et directeur médical de Westlake Community Hospital, directeur des Services obstétriques et gynécologiques de Madden Mental Health Center, chef des Services chirurgicaux de Northlake Community Hospital, directeur médical de ALMA Comprehensive Medical Center, directeur des Services obstétriques et gynécologiques de Martin Luther King Center, directeur médical de Maywood Proviso 90mmunity Health Center, médecin traitant de FosterG. McGaw Hospital, Loyola University, Maywood, etc.

Jean C. Alexandre a décidé ensuite de se former dans le domaine des Relations internationales. Après avoir obtenu des spécialisations dans le domaine de la sexologie et de la médecine reproductive, il est devenu professeur d’université, et s’est engagé dans la politique active, avec des convictions démocratiques profondes. Dans la mouvance démocratique, il devint coordonnateur du FNCD pour l’État d’Illinois, et président du club culturel « Poto Mitan » de Chicago. Il prit la direction de la HaitianAmerican Voter Participation Organization, puis de la Progressive Haitian American Organization et se positionna en même temps comme président -fondateur de Solidarity with Bishop Romelus Crusade, soutenant les actions sociales de l’Église. Il ferma ses cliniques pour aller s’établir en Haïti, devint Membre du Conseil électoral d’Haïti. Lors des élections de 2005, on le retrouve à Chicago où il accepte le poste de coordonateur de « Lespwa ». Jean C. Alexandre a aussi été ambassadeur en Israël, puis ambassadeur d’Haïti aux Nations unies où il devint vice-président de l’Assemblée générale et président par intérim.

Durant deux ans, il a présidé le Fonds des Nations unies pour la population, en même temps faisait partie de l’équipe spéciale contre le VIH/Sida. Il a dirigé le bureau de la Caricom aux Nations unies, a milité pendant deux ans contre la suppression d’un programme Ecosoc d’aide soutenue à la République d’Haïti, puis a initié et milité en faveur de l’’inclusion de la République d’Haïti à l’Ecosoc, à titre partenaire, en favorisant 50 votes favorables. En sa qualité de vice-président de l’Association LDC (Less Developed Countries), en collaboration avec le Haut Commissaire de LDC-SIDS et Landlocked Countries (pays enclavés), l’ambassadeur Alexandre a imposé les besoins de la République d’Haïti en termes de partenariat. Alexandre a représenté Haïti au Congrès ministériel du LDC à Cotonou, Benin, a fait adopter, par l’Assembles générale des Nations unies, la résolution faisant de l’année 2004 « L’Année Internationale de l’abolition de l’esclavage».

Cet Haïtien, ami personnel du secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, a permis la création du Programme d’aide de l’Onu à Haïti. Jean C. Alexandre a travaillé avec le sous-Secrétaire des Affaires humanitaires, M. Egeland, pour lancer un appel de fonds à 60 pays donateurs, dans le but d’obtenir 35 millions de dollars U.S. en aide urgente pour Haïti, et pour en assurer la logistique de distribution par la création d’un corridor humanitaire. Il insista auprès du président de l’Ecosoc sur la nécessité d’une réorganisation de l’aide vers Haïti en recherchant les axes d’un partenariat à long terme. « La multiplication des accords de partenariat avec les pays amis et l’adhésion croissante à des associations régionales de développement pourraient être des méthodes à utiliser par le pays pour développer notre influence dans le monde », croit Jean C. Alexandre.

« L’efficacité ne pourra s’obtenir que par une vision anticipatrice, une synergie des acteurs et la capacité d’atteindre nos cibles de manière multiforme car, ajoute Jean C. Alexandre, notre diplomatie doit comprendre que les enjeux du futur dépendront d’un appui certain sur une vision à long terme et une application multiforme des politiques ! À ce niveau je reste toujours disponible pour mon pays! »

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