mercredi 22 juillet 2009

Le droit de propriété dans la protection de l’environnement, mieux que l’enclavement.


Par Cyrus Sibert
Radio Souvenir FM, 106.1 :
souvenirfm@yahoo.fr
Le Ré.Cit. :
www.reseaucitadelle.blogspot.com/

Cap-Haïtien, le 22 Juillet 2009

L’environnement, l’un des arguments pour protéger les monopoles de Port-au-Prince.
Au début de l’année 2004 nous avions pris part à une conférence débat sur la situation du département du Nord. Au local du ‘‘Feu vert Night Club’’, nous étions plusieurs jeunes, commerçants, militants, professeurs, à suivre attentivement le conférencier du jour. Il s’agit d’un employé du Ministère des travaux publics, un intellectuel marxiste, ancien communisme ’’. Il nous présentait un tableau complet de la situation du Nord, des dangers qui menacent la ville du Cap-Haitien. Pour l’Aéroport, il participe de la même logique de l’ancien Ministre des Travaux publics Verella, à savoir : il faut attendre la construction d’un grand aéroport à Madras, non loin de la commune de Trou du Nord, et ne pas investir des millions dans le développement de l’actuelle aviation du Cap-Haitien. Argument rejeté certainement par le public, car dans une salle où il y a des gens du nord habitués aux dilatoires des experts de la capitale - les principaux stratèges et protecteurs des groupes monopolistiques-, on ne saurait accepter de renvoyer à une période hypothétique, un investissement sur une infrastructure déterminante pour le développement du Nord. Cela fait déjà 20 ans qu’on attend l’exécution de ce projet. Les dirigeants du pays ont déjà placé au moins deux « première pierre. » pour annoncer le lancement des travaux.

Durant tout le débat entre l’assistance et notre expert-Port-au-Princien, nous avions gardé silence. C’était pour nous le temps de sonder l’opinion publique du Nord. Nous en avons profité pour évaluer notre position : Est-elle conforme à la volonté du peuple ? La chaleur du débat nous avait donné raison. Le Nord dans sa totalité veut un aéroport. Et, « chat échaudé craint l’eau froide », nous n’allons pas attendre. S’il faut un plus grand investissement à Madras, pas de problème. Pour le moment nous allons commencer par l’agrandissement de l’Aéroport de Cap-Haitien : « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ».

Un fait nous a marqué ce jour là. L’insensibilité des dirigeants face aux problèmes de la population.

Abordant la faisabilité de la construction de la route de Borgne, l’expert de la République de Port-au-Prince déclare à qui veut l’entendre : Au bureau des gestions de projets du Ministère des travaux publics, nous avons décidé d’arrêter la construction de la route à la commune de Borgne. Nous avons décidé de ne pas continuer jusqu’à Anse à Foleur, Saint-Louis du Nord et Borgne. Nous agissons en vue de protéger l’environnement de Borgne. Une route dans la zone facilitera la coupe des arbres dans la région. Comme solution, nous pensons qu’il est mieux d’attendre.

Voilà la réflexion des experts haïtiens : pour protéger l’environnement, ne faites pas de route, même si la vie de plusieurs millions de personnes en dépend.

Nous lui avons posé la question suivante : Je ne vous comprends pas. En République Dominicaine, il y a des routes et des arbres. Donc, c’est possible d’avoir des infrastructures routières et un bon environnement.

La réponse a été : de l’autre coté de la frontière, il y a l’ordre. L’Etat est fort et bien organisé. Il y a moyen de gérer l’environnement.

Paradoxalement, ces mêmes experts sont contre l’armée, contre les chefs sections et encourageaient le non respect de la propriété privée. Ce sont eux qui avaient encouragés le démantèlement avec empressement et sans planification des forces de sécurité traditionnelle au nom du changement et de la révolution. Ils étaient à la tête de tout mouvement de dechoukaj de terre (spoliation) au nom de la réforme agraire.

A ce point, nous avions médité et nous avons pensé à une approche d’un ami Capois qui dirige une Institution connue sous le nom d’IRLEP (Institut de Recherches pour la Libre Entreprise et le Progrès). Michel Georges répète souvent : le problème de la couverture végétale d’Haïti, comme tant d’autres problèmes environnementaux, trouve sa cause dans le nom respect du droit de propriété. Le comportement de tout spoliateur est d’abattre les arbres, de se livrer à l’exploitation des mines de roches et de sable trouvées, souvent des bois précieux gardés par des générations en souvenir d’un évènement familiale. Etant conscient de n’avoir aucun droit sur l’espace envahi, on se livre à la déforestation, à la dévastation.

En 2009, quand notre père décida de consolider ses droits sur l’habitation de nos grands parents en arpentant les terres du coté de l’Acul du Nord, il était revenu découragé et déçu. Les arbres ont été détruits. L’arbre sous lequel il avait l’habitude d’étudier le week-end n’était plus. Papa était triste. C’était comme si un membre cher de notre famille avait disparu. Nous avions compris que la protection de l’environnement dépend de l’histoire qui existe entre l’homme et cet environnement. Car, notre père racontait les services rendus par ces arbres, en septembre quand grand’mère devait payer l’écolage, les manguiers de l’habitation, les avocatiers, les cocotiers, tous contribuaient par leurs fruits. De plus, il y a les petites histoires de campagne, les randonnés, les ballades entre amis…

Le 08 juillet 2009, sur un vol à destination de Port-au-Prince, nous avions pris le temps d’observer l’environnement. Les quelques arbres qui existent se trouvent autour des habitats. Ailleurs, la terre est dénudée. Il n’y a presque rien. Cela nous fait penser à l’argument de notre ami Georges. Les arbres qui restent sont ceux sur lesquels il y a un droit de propriété, libre et incontestable.

A l’Atelier de formation sur la gestion des Risques et Désastres, nous avons rencontré Dr Yolène Surena qui, dans un débat informel, nous encourageait à ne pas être des haïtiens en transit en Haïti mais de vrais haïtiens qui plantent des arbres pour et aux noms des enfants. Elle nous racontait ses regrets du fait de ne pas pouvoir protéger les arbres précieux plantés par son père. C’était des arbres précieux : acajou, caliptus, cèdre, chaine… Chaque enfant de la famille avait ses arbres. Ils devaient servir à construire des meubles le jour de son mariage. Son premier enfant a eu le temps d’avoir 31 arbres. « Papa les avaient mis en terre de coutume, à sa naissance. » A chaque fois quelle rentre dans un endroit meublé à partir du cèdre, l’odeur fait penser à Papa et à ses arbres que nous avions perdus.

Nous avons ainsi tiré la conclusion que la protection de l’environnement ne saurait être seulement une question de mesure prise à partir d’analyses pseudo-scientifiques faites par des experts. Nous avons assisté à une multitude de campagnes de distribution de plantules. Quel est le résultat ? Insignifiant. La protection de l’environnement est d’abord une question de propriété. Une institution, c'est-à-dire une règle de droit, qui traverse le comportement de classe et les préférences temporelles. Un lien social que seul l’engagement des autorités établies peut protéger et faire respecter pour le développement économique. Les mesures qui consistent à maintenir une commune enclavée pour éviter l’abatage des arbres sont inhumaines. Des paysans de Borgne meurent faute de route. La zone est enclavée. Ceux de Port-de-Paix qui sont obligés de se rendre au Cap-Haitien doivent passer par Gonaïves pour remonter la nationale#1 et le morne Puilboreau. Alors qu’avec une ouverture de la Route Borgne/Anse à Foleur, plusieurs communes du Nord-ouest auraient accès au département du Nord, du Nord-est et de la République Dominicaine en un temps record. Sur les hauteurs de Cap-Haitien, on peut déjà voir l’Ile de La Tortue à l’œil nu.

Il faut y voir la main invisible des monopoles. Ils ont beaucoup d’experts à leur service pour justifier l’exclusion, renforcer la mainmise du pouvoir central et défendre le statu quo inhumain imposé par la « République de Port-au-Prince ». A cette fin, ils utilisent toutes sortes d’arguments et la protection de l’environnement fut au menu de cette conférence. La « Cote Atlantique d’Haïti » qui regroupe les départements du Nord-ouest, du Nord et du Nord-est se développera envers et contre tous. Cette cote constituera le parc de l’industrie touristique de la zone. Elle sera au service de tout le Grand Nord et contribuera à sauver la capitale inondée de citoyens aux abois, obligés d’abandonner les villes de province. C’est notre combat au seuil du bicentenaire de la mort du Royaume de Christophe.

RESEAU CITADELLE (Le Ré.Cit), le 22 Juillet 2009, 11 heures 55.

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