lundi 22 mars 2010

Charles-Henri Baker: l'entrepreneur au grand coeur.


Charles-Henri Baker, dans un épisode différent de sa... (Photo: AP)

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Charles-Henri Baker, dans un épisode différent de sa vie, alors qu'il était candidat à l'élection présidentielle d'Haïti en février 2006.

Photo: AP


Philippe Mercure
La Presse


(Port-au-Prince) Si vous croyez que rien ne fonctionne à Port-au-Prince ces jours-ci, allez faire un tour du côté de l'usine de One World Apparel.

Au son d'une musique créole, plus de 750 employés s'activent ici à dérouler d'immenses rouleaux de tissu blanc, à le tailler puis à le coudre à la machine pour en faire des uniformes médicaux qui seront exportés partout dans le monde.

 

Le patron, Charles-Henri Baker, a donné congé à ses employés pendant près de deux semaines après le tremblement de terre. «Le 25 janvier, ils ont commencé et on a eu une production moyenne. Le 26, on a eu une bonne production. Le 27, on est revenu au niveau d'avant le tremblement de terre», dit-il.

 

Ses approvisionnements ? Ses expéditions ? M. Baker est presque irrité lorsqu'on lui demande comment il fait pour les gérer dans le contexte actuel. «À moins de trois heures de route d'ici, j'ai accès à quatre ports qui sont en parfait état de fonctionnement. Le plus près est à 20 minutes. Et il y a l'option de passer par la République dominicaine. Pourquoi est-ce que tout le monde ne pense qu'à tout envoyer à Port-au-Prince ?»

 

Charles-Henri Baker dégage une énergie peu commune. Industriel, politicien (il dirige le parti Respè, qui est arrivé au troisième rang aux élections de 2006 et qui se battra pour le pouvoir à celles de novembre prochain), il s'est aussi transformé en secouriste lorsque le tremblement de terre a frappé sa ville.

 

Parti à la recherche d'amis à l'hôtel Montana, il y a finalement passé trois jours à tirer vivants et morts des décombres.

 

«On entendait les gens crier à l'aide. On ne pouvait pas ne rien faire, on a dû s'y mettre», dit celui qui dit avoir tremblé de tout son corps lorsque les répliques l'ont surpris à travailler sous les structures chancelantes.

 

Entre-temps, il a fourni la nourriture pendant une semaine à tous ses employés. Et quand il a appris que des médecins étrangers dormaient à l'aéroport entourés de médicaments parce qu'ils ne savaient où s'installer, il a transformé les bureaux de son parti politique en clinique.

 

Aujourd'hui encore, 30 médecins et infirmiers du Bangladesh s'y activent aux côtés d'une dizaine de collègues américains. L'endroit est couvert de sacs de couchage sur lesquels le personnel se repose quand il n'est pas en train de s'occuper des dizaines de patients qui s'entassent dans les lieux.

 

«Le local était là et, de toute façon, il n'était pas question de faire de la politique», dit-il.

 

Quand on lui suggère qu'il est peut-être justement en train de faire de la politique, il plante son regard dans celui de son interlocuteur : «Je ne suis pas un imbécile. Nous sommes conscients qu'il y a un gain politique. Mais dans tout ça, je ne fais pas de réclame pour le parti. Personne ne travaille en maillot du parti, avec des camions aux couleurs du parti. Nous sommes en train d'aider. Et si tout ce qu'on fait de bien est un gain, tant mieux.»

 

Ses ambitions, d'ailleurs, sont claires. Charles-Henri Baker a demandé au gouvernement de nommer immédiatement un nouveau premier ministre pour gérer la reconstruction d'Haïti. Et il est évidemment prêt à combler le poste si on l'invite à le faire.

 

«Il faut former un gouvernement de crise avant qu'il y ait une explosion. Si les pluies commencent à tomber, nous n'en avons pas pour deux semaines. Les gens vont monter prendre le président», prédit-il.

 

Controversé, M. Baker? Certainement. Il s'était d'ailleurs attiré des critiques l'an dernier quand il s'était opposé à la hausse du salaire minimum, arguant qu'elle pourrait entraîner des pertes d'emploi dans le domaine de la sous-traitance.

 

On pourrait reprocher bien des choses à cet homme qui déplace beaucoup d'air. Mais ceux qui voudraient l'accuser de s'être tourné les pouces depuis le tremblement de terre auront bien du mal à faire valoir leur point de vue.


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