vendredi 19 septembre 2014

Laurent Lamothe dirige l’Etat vers une Culture d’Exécution.- (Texte retrouvé)

Diriger l'Etat vers une Culture d'Exécution (1) 


(Leadership et Exécution) 

Par Ray Killick, 1er octobre 2005 

RayHammertonKillick-conscience@yahoo.com


1. Introduction 

Depuis quelques mois, je ne cesse de parler et de discuter de la culture d'exécution en l'associant, à dessein, avec le leadership indispensable à son intégration dans la direction, l'administration, les stratégies et les opérations de l'Etat. On en discute comme si le verbe d'action "exécuter" n'était pas le plus difficile à conjuguer dans toute entreprise humaine. Des interlocuteurs d'expériences diverses participent à ces discussions, certains en mettant l'accent négatif sur le caractère superflu des notions d'exécution et de leadership, d'autres en soulevant des questions judicieuses et plus positives pour tenter de comprendre et éliminer toute ambiguïté. C'est dans ce contexte que j'ai décidé de développer ce sujet difficile, qu'est l'exécution, sur la demande expresse du docteur Gérard Etienne, demande renforcée par le docteur Sandra Blanchard récemment. Toute chose arrive en son temps. 

Qu'est ce que l'exécution ? Pourquoi cet impératif dans la direction de l'Etat haïtien ? Quel est le rôle d'un leadership dans l'exécution ? Ces trois questions font l'objet de ce premier chapitre de Diriger l'Etat vers une Culture d'Exécution. Une série d'articles qui nous permettront d'élever la barre pour nos dirigeants, de soulever le grand débat et d'articuler la priorité des priorités qu'est l'exécution de manière formelle. Je ferai paraître régulièrement un article de la série par semaine. 


1.1. Exécution 

L'exécution est avant tout et surtout une discipline dans deux connotations du terme. Discipline en tant que savoir-faire. Discipline également dans le sens de comportement. Sans le comportement qui adopte la discipline d'exécution, la répète et l'applique systématiquement dans la spécification et la résolution des problèmes, l'exécution restera lettres mortes et simplement une discipline de savoir-faire. 

L'exécution est une discipline rigoureuse qui permet de poser les problèmes avec réalisme, dans leur contexte, avec toutes leurs contraintes et leurs paramètres non négligeables pour pouvoir les résoudre. L'exécution est la discipline du quoi et du comment basée sur le dialogue, le questionnement d'abord systématique (black box) et ensuite élémentaire (white box/subsystem). Les quatre leviers de l'exécution sont : 

Le réalisme. 
La définition et l'attribution des rôles. 
Le suivi. 
Responsabilité (Accountability) 

Le réalisme permet de déterminer le contexte national et global dans lequel évolue l'Etat ainsi que ses capacités réelles ; ce qu'il peut accomplir avec ses ressources, les prêts qu'il peut obtenir, la meilleure politique au coût le moins élevé ; quelle économie pour quel pays dans un contexte global, le genre de préparation des masses pour la nouvelle économie, etc. Le réalisme n'est possible que si le comportement du leadership participe de la composante importante de la discipline d'exécution qu'est le questionnement systématique de tous les aspects de la direction de l'Etat. 

Pour illustrer, prenons l'exemple du Premier ministre (PM) Gérard Latortue qui en novembre 2004 à Montréal exhortait la communauté haïtienne à venir investir au pays dans le climat d'insécurité totale d'alors. Point n'est besoin d'être grand clerc pour savoir, qu'investissements et insécurité sont incompatibles. Le PM avait manqué de réalisme, car la priorité de l'heure a été et demeure la question de l'insécurité, le problème primordial à résoudre. Par contre, quand Henri Christophe décide en 1807 de construire des fortifications et une société laborieuse contre le retour éventuel des Français, il fait montre de réalisme. Compte tenu du contexte international et précaire de l'indépendance nationale. Le réalisme est la chose la plus difficile dans les entreprises humaines qui connaissent du succès mais paradoxalement également dans l'Etat qui échoue. 

La définition et l'attribution des rôles aux divers échelons de l'administration publique doivent être en relation directe avec les objectifs d'exécution. 

Sans suivi, il ne peut y avoir d'exécution. En effet, livrés à eux-mêmes, les cadres et leaders de l'administration publique choisiront la voie facile qui est celle de l'inefficacité, de la gabegie administrative, du népotisme et de la corruption. Quand les grands dossiers publics sont délégués à des ministres d'Etat avec lesquels on ne fait pas le suivi, laisser traîner les choses par procrastination, mauvaise foi et gangstérisme devient comportement de norme. 

Le sens de responsabilité est déterminant dans l'exécution. Celui qui a la responsabilité pour certains résultats devra en rendre compte (accountability) périodiquement. On devra lui demander de communiquer les progrès vers la réalisation des objectifs dont il a la charge. En tant que gestionnaire d'un projet, il a la responsabilité de produire les résultats escomptés. En tant que leader, un ministre d'Etat est responsable de la performance de son administration et des initiatives susceptibles d'améliorer stratégie et opérations. 

L'exécution à travers ses quatre leviers permet d'identifier nos capacités et de les canaliser à dessein de refonder l'Etat et de le replacer avantageusement dans le concert des nations. Elle associe stratégies et opérations avec flexibilité pour mener à bien cette tâche difficile. Rien n'est rigide dans la discipline d'exécution. Le plan directeur doit être suffisamment flexible pour permettre un changement de stratégie quand les données et les contraintes changent. 

Si ce n'est pas déjà apparent dans la définition qui précède, l'exécution requiert trois éléments constitutifs fondamentaux : 
Le leader, c'est-à-dire ses valeurs, ses croyances et son comportement 
La culture d'exécution. 
Le choix des dirigeants dans l'administration d'Etat. 

Ce sont là les éléments qui doivent être en place, avant ou parallèlement à l'action d'exécuter à proprement parler. Cependant la présence de ces éléments n'est toujours pas suffisante sans les logiciels suivants de l'exécution : 
Le procès Ressources Humaines. 
Le procès Stratégie. 
Le procès Opérations. 

Ces éléments constitutifs et ces procès d'exécution feront l'objet d'autres articles à venir. 


1.2. Pourquoi l'Exécution est-elle impérative pour l'Etat ? 

Aucun gouvernement de la planète n'incarne la culture d'exécution telle que je l'ai vécue durant les deux dernières décades dans le secteur privé des Etats-Unis d'Amérique. Nul gouvernement ne la vit telle que je la décris dans cette série d'articles. Il est alors de bon ton de se demander pourquoi vouloir proposer qu'Haïti devienne la première exception à cet état de fait. Ma réponse est simple : la gravité de la crise haïtienne bicentenaire. 

Je n'ai pas inventé la culture d'exécution. D'ailleurs, l'exécution a toujours existé depuis les temps les plus reculés des êtres les plus démunis. Par contre, ce qui a changé durant ces dernières années est sa formalisation en tant que discipline du savoir humain ; savoir-faire qui est la cristallisation de pratiques « best-in-class » dans un secteur caractérisé par sa créativité hors de pair et ses prouesses technologiques sans précédents. L'exécution tire ses méthodes directement d'un siècle d'expériences et de pratiques ; d'échecs et de réussites dans la conduite des affaires du secteur privé le plus puissant de toute l'histoire de l'humanité. 

Dans le cas d'Haïti, les 95% d'illettrés ne peuvent constituer une main-d'œuvre désirée et désirable pour la sous-traitance de technologies avancées. Cette situation marginalise notre peuple qui n'a aucune chance de ravir aux autres les investissements étrangers, voire ceux des industriels haïtiens qui, préoccupés par le climat d'insécurité, percevront finalement leurs intérêts ailleurs. 

Sans investissements du secteur privé, l'Etat se trouvera toujours aux dépens de l'aide internationale dans un contexte économique mondial qui marginalisera à l'extrême. Le népotisme, la corruption, le despotisme, toutes les caractéristiques de l'Etat jusqu'ici féodal se renforceront et continueront à avoir droit de cité. 

Une société totalement détruite requiert un leadership d'envergure pour pouvoir se relever. Cette société requiert un leadership d'ailleurs supérieur au leadership de n'importe quelle autre nation. D'où ma recommandation d'une culture d'exécution qu'amorcera un leadership ayant la volonté et la capacité d'exécuter. 

La barre est extrêmement haute quand nous considérons la gravité de la crise haïtienne et la performance médiocre de nos dirigeants depuis notre existence en tant que nation. La probabilité de l'émergence d'un leadership d'exécution est très faible sans être pour autant nulle. 


1.3. Rôle du Leadership relatif à l'Exécution 

Certains parlent de ressources naturelles, de plans comme conditions pour l'efficacité d'un leadership. Cependant, il faut remarquer que plans et ressources sont des entités inertes sur lesquelles on agit. Il faut du leadership pour une action bénéfique. Le Nigeria est l'un des plus grands producteurs de pétrole du monde. Pourtant, sa population soufre atrocement à cause de la corruption qui règne dans l'administration de l'Etat. Ce ne sont pas les plans et les ressources qui manquent, c'est la tête pensante et la volonté d'exécuter dans l'intérêt national qui fait défaut. 

Le rôle fondamental d'un leadership est de résoudre un problème donné. C'est la reconnaissance de sa capacité à résoudre un problème qui fait choisir un leader dans le monde des affaires. En politique, le leader qui se présente aux urnes doit déjà avoir une idée du quoi et du comment pour résoudre la crise haïtienne. Parmi cette quarantaine de candidats aux présidentielles de fin d'année, on n'exagère point en faisant remarquer que la grande majorité poursuit des fins égoïstes. 

Résoudre un problème est d'abord savoir le poser avec réalisme selon la discipline d'exécution. Le leader qui pose le problème n'a pas les réponses à tout, donc il facilite la recherche de solutions par le questionnement. Une fois une solution trouvée, le leader d'exécution, épaulé par des cadres qualifiés, leaders et gestionnaires (self-starters), applique la discipline d'exécution, fait le suivi et demande de l' « accountability ». 

Contrairement à ce que pensent une grande majorité d'individus, un leader est également un gestionnaire, pas seulement quelqu'un qui pense les grands rêves. Il doit gérer l'exécution de sa vision, de ses objectifs, s'immerger dans la réalité de l'administration d'Etat ; descendre à tous les niveaux pour comprendre et résoudre les problèmes qui entravent l'exécution. Le leader, même en déléguant les tâches d'administration, ne peut pas se contenter des rapports de subalternes qui lui offrent des perspectives qui ne sont pas nécessairement correctes. 
Le leader d'exécution est un auditeur de l'administration publique. Ses collaborateurs immédiats doivent également avoir la capacité d'exécution et être à leur tour, des auditeurs de leurs départements respectifs. 

Le leader d'exécution encourage le leadership à travers l'administration. Entre lui et l'administration d'Etat, il n'y a aucun mur, aucune séparation artificielle. Il encourage le dialogue. Il choisit des champions de la discipline d'exécution à travers l'administration. 

Le leader d'exécution appréhende la réalité de l'Etat dans son contexte national et international pour l'influencer de manière positive dans l'intérêt de la société. Le leader d'exécution sait trouver les ressources nécessaires à l'exécution. 

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"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles? 
Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation  prend la forme de monopole au 21e Siècle.
WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI(U.S. Senate report.)

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