samedi 1 août 2015

RéseauCitadelle en Rép.-Dominicaine : Daniel Supplice aurait pu faire mieux ! (Texte de Cyrus Sibert)

Cyrus Sibert, RéseauCitadelle

Dans le cadre de mes activités de journaliste enquêtant sur la pédophilie et apportant un encadrement à des jeunes victimes d’abus sexuels, au cours du weekend écoulé, j’ai séjourné en République Dominicaine.

De l’autre côté de la frontière, la question haïtiano-dominicaine domine l’actualité. Le dominicain n’hésite pas à vous aborder en vue de démentir les informations qui circulent les présentant comme des racistes qui pratiquent une politique d’apartheid contre les haïtiens.

J’ai ainsi rencontré un ami dominicain du nom d’Eduardo s’exprimant correctement en français qui m’a demandé si j’étais haïtien et si, je résidais en Haïti. Face à des réponses affirmatives, il a ajouté : “Nous devons vivre en paix sur l’ile comme des frères, c’est dommage que votre gouvernement ait révoqué son Ambassadeur pour avoir dit la vérité.”

Quelle vérité? Lui ai-je répliqué, sans hésitation. “C’est Haïti qui n’a pas fourni les papiers nécessaires pour permettre à ses ressortissants de bénéficier du programme de régularisation mis en place par le gouvernement dominicain,” a-t-il rétorqué.

Cette assertion reprise de la bouche de M. Daniel Supplice, Ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine, a recadré le débat. J’avoue mon admiration pour l’intellectuel Daniel Supplice. Mais, franchement, aucune “Lettre ouverte” ne pourra effacer son erreur de fournir au peuple dominicain un argument contre Haïti surtout en cette période de crise entre les deux pays sur une question d’immigration. Monsieur Supplice ferait mieux de présenter des excuses au peuple haïtien. 

Confronté à cette réalité en république voisine, j’ai expliqué à mon interlocuteur que l’Ambassadeur est mal placé pour faire une telle déclaration. Aucun dominicain n’apprécierait que son Ambassadeur en Haïti dénonce les conditions des déportations faites par son pays, ni le niveau de corruption des soldats dominicains déployés le long de la frontière. Un Ambassadeur qui aura lâché un argument en défaveur de son pays, en conflit ouvert avec son pays hôte, au point que le pays hôte en fasse un argument pour combattre le pays dont il représente, trahira son pays, sa mission, son intellect, son aptitude, et le bon sens.

Aussi, lui ai-je dit, pour mieux l’appréhender et l’y apporter des solutions durables, le dossier haitiano-dominicain doit-être compartimenté en trois (3) sous dossiers à savoir : (1) la criminalité transfrontalière, (2) l’immigration, et (3) la nationalisation ou dénationalisation.

1- La criminalité transfrontalière:

Il existe en effet un problème de criminalité transfrontalière avantageux à des dominicains et à des haïtiens des deux côtés de la frontière. Des soldats dominicains et des officiers de l’Armée font fortune sur la frontière haitiano-domincaine. Les mesures de déportation arrangent ces criminels et/ou corrompus qui en profitent pour dépouiller les pauvres expulsés et font grimper les prix du passage clandestin. La drogue, la contrebande, le trafic humain, le trafic de biens volés et le trafic d’armes est une réalité qui intéresse des criminels des deux côtés de la frontière qui s’entendent parfaitement. C’est la mafia transfrontalière. Ainsi, le gouvernement haïtien et le gouvernement dominicain doivent faire un faisceau  contre ce fléau. C’est une question de police, de justice, et de lutte contre la corruption que les deux pays doivent résoudre de façon conjointe. 

2- L’immigration:

Le problème de l’immigration auquel fait face la république voisine découle aussi de cette criminalité transfrontalière. Car, les passeurs et les criminels qui travaillent avec la complicité des autorités frontalières ont des démarcheurs en Haïti qui incitent des jeunes à traverser la frontière illégalement. A ce niveau se pose le problème du trafic d’enfants, des femmes et de l’esclavage moderne. C’est une réalité pourrie qui pose même un problème de sécurité publique transnationale. 

Nous ne disons pas que la majeure partie des immigrants n’ont pas fait le déplacement volontairement à la recherche d’un bien-être économique. Mais, une part importante des émigrés paie de fortes sommes d’argent pour traverser la frontière. L’erreur de l’Ambassadeur Supplice est d’oublier que le clandestin fonctionne mieux sans papiers. Un anonymat qui offre un grand avantage parce qu’il empêche aux autorités de retracer les illégaux. L’existence d’immigrants sans papier n’implique pas automatiquement qu’Haïti ait totalement échoué dans la provision de ce service. D’ailleurs, ce sont des travailleurs qui envoient de l’argent en Haïti pour nourrir des membres de leur famille ; et si la détention d’un papier était obligatoire pour travailler en terre voisine, beaucoup d’entre eux en auraient déjà fait la démarche sans attendre le PIDIH.

3- La nationalisation ou dénationalisation:

Haïti n’est pas obligée de fournir des papiers à des dominicains, ni d’accueillir sur son sol des dominicains sans papiers. La République Dominicaine doit comprendre que les descendants d’Haïtiens font partie de son histoire socioéconomique. De même que les Etats-Unis ne pouvaient pas expulser les anciens esclaves après l’abolition de l’esclavage, la République Dominicaine ne peut pas expulser les enfants des travailleurs qui se sont sacrifiés durant  des décennies dans les champs de canne ou “bateys” pour son développement économique. Le gouvernement dominicain doit plutôt adopter un plan d’intégration sociale de ces dominicains d’origine haïtienne. Haïti n’a rien à voir dans ce dossier qui est un problème dominicain. Président Fidel Castro n’avait pas expulsé les coupeurs de canne haïtiens ni leur descendants après sa révolution socialiste.

Mon pote dominicain est d’accord qu’on ne peut pas exiler vers Haïti des gens n’ayant aucun attachement avec ce pays, et qui ne parlent même pas le créole. Il a même renchéri en affirmant que dans sa région, il y a des descendants d’haïtiens qui y résident durant des décennies, même avant sa naissance (la quarantaine) et ses parents ont connu ces gens depuis leur enfance. 

Sur le racisme, je lui ai dit que ce n’est pas normal que la couleur de la peau puisse définir la citoyenneté d’un dominicain. Je reconnais qu’au sein de la police et de l’armée dominicaine il y a beaucoup de noirs ; mais, quand un dominicain voit un noir, il pense qu’il est haïtien. Il faut une éducation à ce niveau en République Dominicaine. La société dominicaine ne doit pas se laisser intoxiquer par les coloristes de l’extrême droite.

C’était des échanges cordiaux durant lesquels mon interlocuteur à soulever le caractère social du programme de régularisation. Car, dit-il, les sans-papiers sont exploités par des grands patrons capitalistes qui les traitent comme des esclaves. Dans un langage gauchisant, il a posé le problème d’exploitation des travailleurs sur l’Ile entière où les patrons payent moins de 2 dollars US l’heure. Il pense que les deux peuples doivent discuter, échanger et ne pas abandonner ces sujets à des gouvernements obsédés par les intérêts des patrons, ou des dirigeants corrompus. Il en a profité pour soulever des problèmes plus sérieux, entre autres, l’eau, la santé, le choléra introduit par les Nations Unies, et les désastres naturels.

La dure réalité qui devrait sensibiliser les politiques d’Haiti:

En fin de journée, nous avons fait la connaissance d’une famille haïtiano-américaine à la retraite, venue des Etats-Unis pour s’installer en République Dominicaine où , selon elle, il est plus facile d’ouvrir un business, de le faire fonctionner sans trop de souci en terme de sécurité, de respect des droits de propriété et d’accès au crédit. Cette famille a pu bénéficier d’une banque dominicaine, un financement pour acheter une maison dans un quartier chic pour la somme de 160,000 dollars US, avec obligation de verser, seulement, 6,000 dollars l’an. Une bonne affaire, car la maison est en bon état. Elle compte ouvrir un business en République Dominicaine, un restaurant et m’invite à venir, l’un de ces jours, passer du bon temps dans un resto haïtien à Puerto Plata. Des fonds de pension venus des USA, un business et des investissements dans l’immobilier, cette famille qui aime tant Haïti et l’orchestre Tropicana a préféré s’installer juste à côté pour se guérir de la nostalgie de la terre natale et du dégout la vie “Busy” et “Bills” américaine. Aussi, se dit-elle découragée par les rivalités politiques et les tensions sociales qui sont monnaie courante en Haïti.

Ceux qui organisent ou supportent les agitations et la violence politiques en Haiti, sont les vrais alliés de la République Dominicaine.

Cyrus Sibert, Cap-Haïtien, Haiti
01 Aout 2015
@reseaucitadelle
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 (
  
 
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