jeudi 22 novembre 2007

Le Secteur privé capois plaide en faveur d'une amnistie fiscale.

Cyrus Sibert, AVEC L’OPINION,
reseaucitadelle@yahoo.fr
http://www.reseaucitadelle.blogspot.com
Radio Kontak Inter 94.9 FM
Cap-Haïtien, Haiti

Dans le texte qui suivre, nous nous proposons de présenter des faits sans rentrer dans les détails techniques de la fiscalité. Sans les innocenter, il ne s’agit pas de voir la situation des commerçants capois avec ressentiments. Nous allons présenter une réalité avec l’idée de ‘‘justice’’ qui doit caractériser toute décision, même quand elle ne correspond pas souvent à la ‘‘législation’’. Nous s’avons que beaucoup d’hommes d’affaires sont des corrompus et possèdent chez eux plusieurs cahiers comptables. Il y a toute de même parmi eux des gens honnêtes ou d’autres qui se sont trompés de bonne foi. Malgré tout ce qu’on pourra dire de nous, il faut des hommes capables de plaider pour que leur dossier soit traité en toute justice, sachant que les conséquences sociales d’une mauvaise décision aggraveront la situation d’une grande partie de la population.

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On n'en parle pas en public, l'économie capoise est menacée d'extinction. Le secteur privé capois est pressuré par la Direction Générale des Impôts et le Ministère des Finances. Des inspecteurs venus de la capitale Port-au-Prince réclament des sommes faramineuses. Beaucoup d'hommes d'affaires optent pour l'exile. Ils liquident leurs stocks, mettent leurs immeubles à la vente. Ce qui crée un ralentissement des activités commerciales dans la cité christophienne. Les prix et le chômage augmentent considérablement.

En effet, avec la nouvelle politique économique du gouvernement Alexis-Préval qui applique sans réserve les exigences du Fonds Monétaires International, la Direction Générale des Impôts et le Ministère des Finances réclament le plus de taxes possible aux commerçants. Les dirigeants à la tête de l'Etat doivent augmenter l'assiette fiscale et du même coup augmenter la solvabilité d'Haïti devant les bailleurs de fonds internationaux. Suivant les statistiques recueillies à partir des principaux ports d'exportation vers Haïti, si l'Etat haïtien percevait normalement 15% de taxes sur les produits qui entrent sur son territoire, le pays pourrait fonctionner sans problème à partir de ses recettes. Des fonds d'investissement viendraient des bailleurs internationaux et l’Etat serait plus autonome face aux groupes d’intérêts. Les dirigeants auraient la latitude d’agir dans le sens de l’intérêt général.

Le secteur privé capois ne voit aucun inconvénient à respecter la loi. Il faut payer à l’Etat ce qui lui est dû. Mais le problème est l’arrogance des inspecteurs qui en profitent pour les humilier et réclamer des sommes non conformes à la réalité de leur commerce. De façon arbitraire, sans prendre en considération les circonstances qui ont entouré les cinq années passées, la DGI et le Ministère des Finances réclament plusieurs millions de dollars. Les inspecteurs exigent des compléments.

Toujours des compléments, la majorité des commerçants est sur le banc des accusés. Les responsables de la DGI qui durant ces cinq années pataugeaient avec les collecteurs au niveau des départements dans la corruption et rançonnaient le commerce capois arrivent de Port-au-prince en hommes saints à la poursuite des bandits qui refusent de payer l’Etat. Ils reprochent aux commerçants capois de ne constituer que 3% de l’assiette fiscale oubliant que les plus grands établissements ont leur siège social à Port-au-prince donc ils paient leurs taxes à la capitale.

Depuis toujours, le secteur privé capois est l’objet de rançonnement de la part des collecteurs régionaux. Les bilans ont été majorés par les inspecteurs locaux de la DGI de façon à exiger une somme impossible comme impôt et d’amener le contribuable à négocier. Un bordereau de 1 million de gourdes peut facilement être réduit à 25,000 gourdes si le commerçant accepte de verser des pots de vin au responsable de la Direction Régionale des Impôts. 50,000 étant le montant légal, le commerçant accepte la proposition du collecteur local pour ne pas avoir un million de gourdes dans son dossier. De grosses sommes ont été versées en ce sens. Et tout le monde était au courant de ces pratiques. Aujourd’hui avec leur quitus en main, ces contribuables doivent subir l’harcèlement de nouveaux inspecteurs de la Direction Centrale.

De plus, avec le chaos installé dans le pays par le régime d’Aristide, les bureaux de l’administration publique ont été bondés de membres d’organisations populaires et de chimères qui réclamaient aux contribuables de l’argent. Les commerçants furent rançonnés par les politiques durant les évènements de 2001 à 2004. Ne pas contribuer au financement des activités du parti Lavalas au Pouvoir était s’exposer à de graves dangers. Les multiples variations du dollar, l’inflation, l’absence totale de service, ajoutée à l’insécurité, faisaient de ces hommes, des patriotes qui préféraient tenir ferme la barre au lieu de quitter le navire.

De 2003 à 2004, le commerce capois fonctionnait au ralenti. Chaque semaine un événement politique obligeait les investisseurs à baisser le rideau de leur magasin. Quelques mois avant le départ d’Aristide chaque 2 heures de l’après midi on devait rentrer chez soi, quitter la rue pour les civils armés commandés par les autorités de la ville - délégué et autres représentants du palais national - dans le but d’organiser la défense armée du pouvoir Lavalas. Pour le secteur touristique ce fut une situation de perte nette. Avec les consignes des Etats Unis, du Canada et de l’Europe, il n’y avait pas d’étrangers dans la ville. Seuls quelques journalistes de médias étrangers. Les missionnaires étrangers avaient reçu l’ordre de rentrer chez eux. Les hôtels et les restaurants fonctionnaient très mal. Malgré tout les hommes d’affaires du Nord n’avaient pas renvoyé leurs employés.

Au contraire, avec l’absence de service d’assistance sociale en Haïti, chaque commerçant fait face à des demandes qui constituent la pression sociale de son entreprise. En cas de maladie, de décès, de communion, de mariage, lors des fêtes de fin d’année et surtout à l’occasion de l’ouverture des classes, on doit en tant que commerçant supporter plus d’un. Sur le plan culturel, il faut supporter les groupes musicaux, les groupes religieux, le carnaval, le festival culturel, les activités récréatives des écoliers, les activités de quartiers, les Club sportifs, etc.

Aujourd’hui, le pouvoir en place ignore cette réalité. Le gouvernement ne défend pas les nationaux. Comme on l’a vu dans l’affaire PHARVAL : on n’accompagne pas les investisseurs nationaux face aux partenaires étrangers. Si au 21e Siècle, avec la globalisation, chaque pays essaie d’attirer le maximum d’investisseurs possible, en Haïti on les repousse sans alternative pour le petit peuple qui ne cherche qu’à vendre sa force de travail. Le gouvernement se lance dans une politique de répression fiscale qui risque de ralentir l’économie, d’appauvrir les ménages et de provoquer un éclatement socio-politique que les forces internationales, ni les partis membres du gouvernement ne pourront contenir.

Dans leur enquête au niveau des restaurants et des hôtels de la ville du Cap-Haïtien, la DGI rejette tout achat de produits venant du secteur informel. Un restaurant qui achète des légumes et des fruits de mer ne pourra pas justifier cette dépense. Les achats faits au marché public sont automatiquement rejetés par les contrôleurs de la DGI parce que le vendeur illettré ne pouvait pas signer une pièce justificative. Donc, les paysans ne pourront plus vendre aux hôtels ni aux restaurants de la ville du Cap-Haïtien s’il faut respecter les consignes de la DGI.

Une situation lamentable ! L’unique compagnie de production de sachets en plastique et qui avait permis de stopper les importations de ce produit venant de la République voisine se prépare à traverser la frontière. Pourtant, elle achetait des bouteilles plastiques usées pour les recycler. Ce qui contribuait à nettoyer l’environnement et représentait une petite source de revenus pour les plus démunis de la région. Une compagnie de production de céramique a fermé ses portes. Tous les hôtels et restaurants de la ville sont menacés de fermeture. Les commerçants commandent peu ou pas. On n’octroie plus de crédits. On achète un petit stock pour une brève revente. On ne planifie plus à long terme. Le secteur privé capois est très stressé. Sur les lèvres de tous les hommes d’affaires : On ne sait pas ce qui va se passer. Les millions de dollars US réclamés par la Direction Générale des Impôts sont une réclamation injuste, stupide et illogique. On ne pourra pas honorer ces dettes. Ils font exprès pour nous faire payer notre prétendue contribution au renversement d’Aristide. Face à cette situation, on est prêt à plier bagages.

L’ironie du sort, les plus faibles ne font pas confiance à cet Etat qui réclame des fonds en son nom. Les ouvriers ne veulent pas que leur patron envoie leur argent à l’ONA (Office d’Assurance Vieillesse). Le luxe des fonctionnaires de l’Etat de passage dans les villes de province comparé à l’état lamentable des départements reculés et exclus, des routes, des écoles, des hôpitaux, justifie la méfiance des gens qui préfèrent assurer leur vieillesse en investissant dans l’éducation de leurs enfants.

Pour le secteur privé capois, il attend que le gouvernement accepte de négocier une amnistie fiscale ou du moins un plan de paiement tenant compte de tous les paramètres passés, présents et des conséquences économiques et sociales. Aux dires d’un homme d’affaire très connu de la ville : Si l’Etat exige des compléments et des arriérés d’impôts, il devrait pouvoir nous fournir les arriérés de service, les biens perdus et les pertes encourues avec l’insécurité – le kidnapping. Pour le bien du pays et la relance de l’économie les dirigeants devraient passer l’éponge, annoncer les nouvelles mesures et à nous aider à mettre en place le système fiscal y relatif.

Aussi, faudrait-il embaucher des jeunes cadres en vue de moderniser les entreprises.

Entre-temps les ménages se plaignent d’une diminution dans la circulation de la monnaie. Les membres du secteur privé sont très prudents. La construction qui habituellement embauchait du monde fonctionne au ralenti. C’est la même situation pour d’autres secteurs. L’Education nationale et la PNH constituent les principales opportunités pour les jeunes en quête d’emploi.


Il faut sortir le secteur privé capois de ce bourbier et de préférence, encourager des investissements dans le nord.


In medio virtus !


Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
22 Novembre 2007

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