lundi 24 mars 2008

Le 1er sénateur du Nord-est Rudolph Henry Boulos fait le point !


Thèmes de l’Emission de la semaine

Orlando le 21 mars, 2008

Actualités Politiques : Grandes Lignes



Bonsoir chers auditeurs. Vous écoutez sur les ondes de Radio Classique Inter, l’émission Actualités Politiques, Grandes lignes, animée par Robert Bénodin.

Nous avons avec nous, sur les ondes de Radio Classique inter, le 1er sénateur du Nord-est Rudolph Henry Boulos, qui va nous parler de son odyssée politique.

Rudolph Henry Boulos, nous vous souhaitons la bienvenue une fois de plus sur les ondes de Radio Classique Inter.

RB : Commençons par le commencement. Vous êtes pharmacien de profession, commerçant et industriel.

Qu’est-ce qui vous a porté à briguer le poste de sénateur du Nord-est ?

RHB : C’est une mission que j’ai reçue de mon père. Mon arrière grand père est venu en Haïti en 1890, et jusqu’aux environ des années 1920, 1930, ma famille a habité les zones du Nord et du Nord-est, principalement Ouanaminthe. Mon père m’avait dit que dans la mesure où je pourrais, de retourner dans le Nord-est, pour évaluer ce qui peut se faire pour rendre à la population de la zone, l’accueil que ma famille a reçu dès l’arrivé de mon arrière grand père Simel Boulos en Haïti. C’était plus qu’une obligation, mais un devoir, que mon père m’avait fait. Mon père m’a toujours dit : « Quand on a beaucoup reçu, il faut savoir beaucoup donner. » C’est un peu comme ce que John Fitzgerald Kennedy avait dit lors de sa prestation de serment : « Ask not what your country can do for you, but what you can do for your country. » En d’autres termes, quand on a réussi dans une certaine mesure, on doit se faire l’obligation de manifester sa reconnaissance envers le pays qui vous a permis de réussir.

RB : Vous avez dû faire face à de nombreuses difficultés pour être élu 1er sénateur du Nord-est, après 3 élections.

Comment expliquez-vous toutes ces difficultés ?

RHB : La classe politique traditionnelle n’avait pas vu d’un bon œil et même avec hostilité, qu’un industriel, qu’un commerçant, qu’un professionnel, qu’un bourgeois devienne acteur à part entière de l’échiquier politique haïtien. Elle n’avait pas compris, ni accepté ce fait. Que vient-il chercher là ? Ce n’est pas son rôle dans cette société. Il ne s’y connaît pas. Elle a cherché par tous les moyens comment m’en empêcher. Le parti LESPWA ne voulait pas qu’un parti ait de l’influence au sein du parlement. LESPWA voulait d’un contrôle total du parlement. En d’autres termes LESPWA voulait d’un parlement docile. Il fallait à tout prix ne pas avoir au parlement des gens ayant le potentiel pour résister à la domination de Prévale soit au Sénat ou à la chambre des députés. Mais c’était surtout au niveau du Sénat que cette inquiétude c’est manifestée le plus ostensiblement. Préval voulait au départ avoir un contrôle de l’Etat dans toutes ses composantes. Cette préoccupation, cette façon de penser, cette vision de l’arène politique et du pouvoir n’est pas une notion qui est unique à Préval.

Il nous faut admettre qu’en Haïti nous avons des castes. Caste de paysans (moun endeyor) qui reste dans son domaine de cultivateur. Caste de classe moyenne dont les membres peuvent évoluer pour devenir des professionnels, aspirant, à cause du manque d’opportunité, à aller à l’étranger, ou à entrer dans le bloc politique. Ce bloc politique tient à maintenir jalousement l’arène politique comme sa chasse gardée. C’est ce qui explique le réflexe de vouloir garder fermement le monopole du pouvoir politique.

Ils nous ont forcé de participer à trois élections. Ils ont annulé le premier tour de manière anachronique et maladroite. Ils voulaient savoir, dans quelle mesure il pouvait décourager le peuple et le candidat. Ils n’ont pas, après tous ces efforts et manœuvres, atteint leurs objectifs.

RB : Elu 1er sénateur du Nord-est le 3 décembre 2006, pourquoi a-t-on pris autant de retard pour valider vos pouvoirs ?

RHB : Ça fait suite à la même logique de la volonté, de vouloir me barrer le chemin. Le peuple à chaque tour a augmenté sa participation en me donnant un plus grand nombre de voix. Le peuple du Nord-est a manifesté et maintenu sans équivoque sa volonté de m’élire au poste de 1er sénateur.

Il nous faut dire aussi que nous avions bénéficié du fait que ces élections ont eu lieu sous un gouvernement intérimaire. Les deux élections, qui ont eu lieu avec le plus de transparence, sont ceux d’Ertha Pascal Trouillot et de Boniface/Latourtue. Ils n’ont pas pu nous bloquer. Ils ont publié les résultas des élections du 3 décembre à la fin mois de décembre. Cependant ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour ne pas faire la validation des pouvoirs au mois de janvier. Ils ont avancé le fait que les règlements intérieurs n’acceptent que 27 sénateurs pour la chambre haute. Qu’il faut les modifier. En effet, les règlements intérieurs n’avaient pas encore pris en considération le nouveau Département du Nippes. Après c’est le problème de la publication au Moniteur. Toute une multitude de petits obstacles qui manifestait leur réticence à ma présence au Sénat, mais qui en fin de compte n’a pas réussi à m’en exclure.

RB : Siégeant maintenant pour la première fois au Sénat de la république, quelle a été l’attitude de vos nouveaux collègues à votre endroit ? Quelles ont été vos premières impressions de l’institution ?

RHB : Il faut tenir compte du fait, qu’à la date où nous devrions être installés, au mois de janvier, c’est ce soir là que l’on avait adopté cette fameuse résolution concernant le scandale de la SOCABANK. On nous a installé que le 6 février. A ce moment là, on était en train d’organiser une commission d’enquête pour investiguer les dessous de cette résolution. En entrant on s’est trouvé immédiatement dans un moment de crise. On a vite compris que c’était un moment assez délicat et dangereux pour le Sénat. Le seul jeu que nous pouvions faire c’était de protéger l’institution, pour sa consolidation, pour éviter sa fragilisation. Le poids et le prestige d’un sénateur sont proportionnels à ceux de l’institution sénatoriale, à laquelle il appartient.

RB : Votre baptême de feu a été le 26 janvier 2007, le scandale de la SOCABANK, où des sénateurs ont été accusés d’avoir reçu des pots-de-vin.

Quelles ont été les réactions des sénateurs non impliqués, face à ce scandale ? Comment avez-vous réagi ?

RHB : La validation des pouvoirs n’a eu lieu que le 6 février à cause de l’adoption de la fameuse résolution du 26 janvier. Je continue dans la même vaine. Mon unique souci était de trouver comment calmer a tension. Comment éviter une enquête qui allait provoquer des tas de problèmes pour tous les sénateurs. Il fallait traiter ceci avec beaucoup de sagesse. Notre rôle à ce moment là était de parler aux membres de la commission d’enquête, pour temporiser la tension. C’est l’ironie du sort. Il y a un an, quand nous étions à peine arrivés au Sénat, nous avions choisi de jouer le rôle de temporisateur, pour protéger le Sénat et ses membres qui étaient accusés. Un an plus tard l’ironie du sort veut que ce soit précisément ceux que nous nous sommes évertués à protéger contre les conséquences du scandale de la SOKABANK, qui aujourd’hui m’attaquent, moi qui ne voulait que protéger l’intégrité de l’institution sénatoriale. Dès notre entrée au Sénat nous avons toujours usé de sagesse pour calmer le jeu.

RB : Est-ce, que les pressions, pour faire publier le résultat des élections du 3 décembre 2006 pour les ASEC et les Délégués de ville et leur installation, ont été le début du conflit Préval/Boulos ? Si oui, qu’avez-vous fait comme pression, et comment Préval a-t-il réagi ?

RHB : Depuis le mois de mai 2007, nous avions commencé à subir des pressions de la part de la population du Nord-est, et surtout des élus ASEC et Délégués de ville. Mes mandants m’ont toujours rappelé que le pouvoir que j’ai, comme sénateur, vient d’eux. Ils m’ont fait savoir qu’ils n’aimeraient pas que je me comporte comme mes prédécesseurs, qui ne reviennent à eux qu’au moment des élections, pour solliciter leur suffrage. Je me suis fait le devoir de retourner mensuellement et parfois deux fois par mois. J’y vais chaque mois pour circuler à travers le Département et dialoguer avec la population entière du Nord-est.

Donc, je subissais des pressions des ASEC et des Délégués de ville qui étaient élus aux mêmes élections que mois, le 3 décembre 2006 et qui n’étaient pas encore installés. Nous n’étions pas tout à fait certain d’où venait la volonté politique de ne pas vouloir les installer. On n’avait pas encore compris pourquoi le CEP agissait de cette façon. C’est en cherchant que nous avions découvert que c’était le pouvoir central qui pressurait le CEP, lui donnant l’ordre de ne pas les installer.

La pression que nous avions faite, a eu lieu à la réunion de Kaliko avec des législateurs le 28 juillet. Une vingtaine de députés et 6 sénateurs, ont adopté une résolution qui exigeait du CEP et de la primature l’installation immédiate de tous les ASEC et Délégués de ville. On a eu un succès assez intéressant. Avant le 15 aout, ils ont été tous installés.

RB : Pourquoi Prévale n’a pas voulu installer les ASEC et les Délégués de ville, que craint-il ?

RHB : Là je peux utiliser les informations directes que j’ai obtenues d’un membre du CEP, Pasteur Borice. Ils ont des problèmes, sachant que la loi électorale ainsi que la Constitution, disent, qu’immédiatement après l’installation des ASEC et des Délégués de ville, on devrait organiser les élections indirectes. Ces élections indirectes allaient déboucher sur la formation du régime d’Assemblées territoriales. Le Conseil interdépartemental allait exercer son droit constitutionnel pour choisir et proposer la liste des noms à partir de laquelle les trois pouvoirs devraient choisir les neuf membres du CEP permanent. Il y a là un enjeu énorme, sortir du cercle vicieux de la création à tout bout de champ de CEP provisoires contrôlés par le pouvoir en place. Nous sommes aujourd’hui, après vingt ans, à notre énième CEP provisoire choisi par une formule encore plus boiteuse que celles utilisées antérieurement. Ce que Prévale détestait le plus, c’est le fait que les conseillers départementaux viendraient s’assoire aux réunions du conseil des ministres. « M’pas vlé moun ça yo vini chita laa ! » Voilà comment il a exprimé son dédain à leur endroit. Il faut remarquer le fait que Préval ne peut pas les révoquer, comme il peut se débarrasser d’un ministre. Donc ils craignaient tout le processus que les élections indirectes allait déclancher, qui allait leur faire perdre le contrôle total dont ils jouissent maintenant sur l’appareil d’Etat. Ils ont aussi peur de la Décentralisation. Ils évoquent souvent l’excuse du poids budgétaire de la Décentralisation. Ils ont installé les ASEC, CASEC et les Délégués de ville, sans leur donner les moyens de fonctionnement. Les Assemblées territoriales allaient donner aux municipalités et aux Département une vraie autonomie comme le prescrit la Constitution. Ce que le pouvoir central n’est pas prêt à donner à aucun moment, ni maintenant, ni dans le future.

RB : Le CEP provisoire ayant été diabolisé et dissout, pourquoi les différents secteurs ont accepté que Préval choisisse les membres du nouveau CEP provisoire ? Est-ce que ce n’est pas une violation du principe de la neutralité du CEP, l’autorité electorale ?

RHB : Là, il faut le reconnaître, qu’il y a eu beaucoup de faiblesse. La participation des partis au pouvoir exécutif, les porte plutôt à protéger leurs prérogatives ministérielles, au lieu de défendre la priorité du principe de la neutralité du CEP. Ils n’ont aucun intérêt dans un affrontement direct avec le président de la République. Il y avait aussi une volonté d’arriver aux élections rapidement. Parce qu’il n’y avait aucune possibilité de compromis ou d’entente, ils se sont trouver dans la pénible situation d’avaler toute la couleuvre d’un seul coup. Mais il nous faut dire aussi, qu’il y avait un manque de clairvoyance pour vraiment comprendre dans quelle galère on était en train de s’embarquer. Tous les secteurs se sont faits prendre par le plus rusé, qui a pu tirer ses marrons du feu. Une fois de plus, le pays perd. Le pouvoir gagne.

RB : Entre-temps, les élections pour renouveler le tiers du Sénat ne sont pas faites. On se rapproche rapidement de la fin du mandat des 3e sénateurs. Pas assez de temps pour faire les élections sénatoriales, le Sénat est en échec et mat.

Que veut accomplir Préval en refusant de faire les élections sénatoriales ?

RHB : Là, il nous faudrait retourner en mai 2007, où il y avait déjà des informations venant du bureau du premier ministre, qui confirment le fait, qu’ils sont en train de mettre des tas de choses en veilleuse, parce qu’en moins de 6 mois, il n’y aurait plus de parlement à la fin de l’année 2007. C’était donc le plan initial. Il y avait naturellement plusieurs plans. Lorsque ce plan initial ne s’est pas matérialisé, l’alternative était d’affaiblir le Sénat de la République. La meilleur façon de l’affaiblir, ou d’avoir un Sénat docile qui ne soit pas indépendant, c’est d’empêcher le renouvellement constitutionnel du tiers du Sénat. On n’acceptera pas que les 3e sénateurs siégent à la première session en Assemblée nationale le 14 janvier 2008. On aura automatiquement un Sénat fonctionnant à 19 membres. Avec 4 absences, il n’y aura pas de quorum. Le Sénat ne pourra pas fonctionner. Ceci aura pour conséquence un parlement inopérant. Il y a eu une crise entre la fin de décembre 2007 et le début de janvier 2008. C’est un accord qui a eu lieu au palais national pour que les 3e sénateurs restent jusqu'à la fin de leur mandat de 24 mois, le 8 mai 2008.

RB : Face au danger évident de la caducité d’un tiers du Sénat, quelles ont été les réactions et dispositions prises par les différentes tendances politiques au sein du Sénat ? Ou au contraire, les réactions ont-elles été individuelles au lieu d’être collectives ?

RHB : Les partis politiques ne comprenaient rien à ce qui se passait. S’ils l’avaient compris, c’était une compréhension assez limitée de la réalité politique. C’était plutôt une réaction individuelle au sein du Sénat, qui ne reflétait pas nécessairement la position de leur propre parti. Cela peut s’expliquer, par le fait qu’il y a non seulement des partis qui ont leurs membres dans le cabinet ministériel, mais certains partis ont des membres qui sont des conseillers spéciaux du président au palais national.

RB : Quelles ont été, au sein du Sénat, les dispositions prises par vos collègues pour déjouer les manœuvres menées par l’Exécutif qui aurait dû aboutir à la caducité du tiers du Sénat le 14 janvier 2008 ?

RHB : Ça a été une batail très intéressante, face à plusieurs propositions. Il y avait par exemple, la proposition pour que tous les sénateurs aient un mandat de 5 ans. Il y avait toutes sortes de propositions, l’une plus extraordinaire que les autres. Il y a eu quand même des têtes pensantes qui ont pu réaliser que ça allait aboutir inévitablement à une caducité le 14 janvier. C’est assez intéressant que ce soit la menace de la caducité du 14 janvier qui ait fait émerger la solution. A un certain moment, lorsque le président Lambert insistait sur le départ des 10 sénateurs. Pour l’Assemblé nationale du 14 janvier, Lambert avait décidé d’ouvrir, dans un premier temps, la session avec les 29 sénateurs, pour la fermer ensuite. Et dans un deuxième temps, la rouvrir qu’avec 19 sénateurs. Des 19, il y avait 5 sénateurs qui menaçaient qu’ils allaient abandonner la session, pour infirmer le quorum. Ainsi, on ne pourra pas rouvrir l’Assemblée nationale faute de quorum, en présence des instances internationales, des ambassadeurs, et le président de la République ne pourra pas, comme le veut la Constitution (article 98.3), prononcer son discours à l’ouverture de l’Assemblé nationale. Quand ils ont appris que c’était cette surprise qui les attendait le 14 janvier, il y a eu deux jours de marathon au palais national. C’est au cours de ce marathon que finalement on a accepté que les 3e sénateurs siégent jusqu'à la fin de leur mandat en mai 2008. C’était aussi pour que l’on puisse adopter la nouvelle loi électorale.

RB : Préval vous a-t-il imputé le jeu qui a déjoué sa manœuvre de caducité graduelle du Sénat ?

RHB : J’ai eu sur le dos toutes les manœuvres de ne pas garder les sénateurs pour 5 ans. Une formule inconstitutionnelle qui pourrait permettre à l’Exécutif de nous renvoyer à volonté. D’insister pour que l’on maintienne le tiers du Sénat jusqu'à ce qu’on mette en branle le processus des élections. Après le discours du 17 octobre qui prônait le remplacement de la Constitution, sous prétexte qu’elle était une source d’instabilité, j’ai dit publiquement que la Constitution a besoin d’amendement, mais qu’en aucun cas, je ne serais pas d’accord qu’elle soit la source d’instabilité.

Voilà les 4 points qu’ils m’ont mis sur le dos :

-Garder les 3e sénateurs jusqu'à la mise en branle du processus électoral ;

-Refuser le mandat de 5 ans pour tous les sénateurs ;

-Avoir des élections pour le renouvellement du tiers du Sénat ;

-Ne pas jeter la Constitution à la poubelle pour satisfaire certains besoins politiques personnels.

RB : Ce nœud de conflits, dont nous venons d’en discuter les effets, sont secondaires par rapport à ce qui vraiment sous-tend cette tension politique entre vous et Prévale.

Quel est, d’après vous, ce qui a provoqué cette obsession chez Prévale pour vous détruire ?

RHB : Il n’y a rien d’autre que la Cons-ti-tu-tion de 1987 qu’il veut violer une fois de plus. Il veut d’une Constitution faite sur mesure.

Georges Michel historien m’a toujours dit, des 22 constitutions, à l’exception de celle de 1987, les 21 autres constitutions, y compris celle de Toussaint Louverture, la première, ont été faites sur mesure par un homme pour servir les intérêts d’un homme. Georges Michel m’a dit aussi que pour la première Constitution, celle de Toussaint Louverture, son frère lui avait suggéré de tout faire pour sa conception, mais qu’il ne faut pas que ce soit lui qui la rédige, pour éviter des problèmes. Voilà tout le problème ! Voilà de fait ce qui est la cause de cette obsession.

J’ai pris Dieu à témoin. J’ai prêté serment solennellement et publiquement sur la Constitution de 1987. Je ne peux pas en mon âme et conscience devenir parjure pour servir les intérêts personnels et politiques d’un homme.

Le jour du 17 octobre je n’avais aucune intention d’aller au palais national. On a envoyé deux sénateurs pour m’inviter. J’avais cru, par erreur, que l’on allait traiter de la question des élections du tiers de Sénat. Le président a plutôt parlé de la Constitution. C’est ce jour là, qu’il a fait la fameuse déclaration, que la constitution de 1987 est la principale source d’instabilité dans le pays. Je l’ai entendu. J’étais encore dans la sale, où le discours avait été prononcé. Je parlais au ministre Verela sur une affaire d’électricité pour Ouanaminthe. J’entends quelqu’un qui m’appelle à haute voix, « sénateur ! ». Je me retourne, et vois le président. Je le salue. Il me dit, vous ne m’avez rien dit sur ce que je viens de dire. Je lui réponds vous êtes notre président, nous marchons avec vous. Nous pouvons avoir des désaccords. Nous capabe fait ti toquer cone. Il me répond vertement : « Je n’ai pas d’épouse, je ne peux pas avoir de cornes. » Je n’ai pas besoin d’ajouter quoique ce soit à ceci pour comprendre ce qui sous-tendait cette tension.

RB : Certes, il y a une tension entre vous et Prévale. Mais, depuis quand, êtes-vous devenu conscient du fait que Préval était obsédé par votre destruction ?

RHB : Le 17 octobre est le moment qui m’a convaincu qu’il y aura une collision frontale inévitable entre lui et moi. Le pouvoir présidentiel demeurant ce qu’il a toujours été traditionnellement dans la réalité politique, malgré les vœux de la Constitution, j’étais, sans aucun doute, dans une très mauvaise position par rapport au pouvoir et littéralement en danger.

C’est juste après, que des pseudo journalistes commence à soulever la propagande de la double nationalité, mon implication dans l’affaire Jean Dominique. Ça fait à peu près 6 mois.

RB : Par où a commencé la rumeur de la double nationalité ? Quels sont les documents faux ou légaux qui à travers le temps ont fait surface pour constituer le dossier présenté par la commission d’enquête sénatoriale ?

RHB : Pour qu’il y ait des preuves, des documents qui vaillent la peine d’en discuter, il faudrait que la commission puisse présenter des faits incontestables, tel que le fameux passeport américain. Mais personne ne l’a. Il n’existe pas. Il y a de fait une carence de document valide pour supporter l’accusation. Il y a la photocopie d’un manifeste Caribinter qui offre un numéro de passeport. Il y a une liste d’entrées et de sorties venant d’une imprimante qui n’a aucun détail. Il y a deux éléments qui vont pousser la propagande, un journaliste dont je ne citerai pas le nom et un site d’Internet lié à un certain nombre de raquetteurs qui veulent faire du chantage avec ce dossier pour soutirer de l’argent par la menace. Tout ceci avec des ramifications avec le pouvoir pour tenir en halène cette campagne, pour aboutir à la séance récente de mardi dernier.

RB : Pourquoi, il y a-t-il eu renvoi en huitaine le 11 mars 2008 ? Quelle a été la réaction de Prévale ?

RHB : Le rapport venait d’être remis, je crois le 10 mars. Ils ont voulu faire la réunion le 11 mars. J’ai demandé un renvoi en huitaine pour mieux étudier le rapport. Celui qui voulait avoir l’exécution sur le champ, ce jour là, n’a pas été satisfait. Et il a demandé qu’il n’y ait plus de renvoi. Et qu’on lui garantisse que le 18, ce sera fait une fois pour toute.

RB : Les opinions sont partagées, d’une part, on questionne l’existence même de cette commission d’enquête sénatoriale sur la double nationalité, son autorité, son rapport tendancieux, la navette constante, entre le palais national et le palais législatif, les sautes d’humeur de Prévale. En d’autres termes, on craint un lynchage politique d’ordre de l’Exécutif, le 18 mars 2008. D’autre part, il y a le « dura lex sed lex », la double nationalité n’est admise en aucun cas par la Constitution de 1987.

Pouvez-vous nous décrire ce qu’a été l’atmosphère à la session du 18 mars 2008 ?

RHB : C’était une atmosphère de lynchage préprogrammé. Avant d’entrer en séance, il y a des sénateurs qui sont venus me dire que l’issu était déjà connu. Que de toute manière, il n’y aura aucune possibilité d’en sortir. Une semaine avant, il y avait une réunion de 3 heures d’horloge au palais national, entre le président de la république, le président du Sénat et le sénateur Clérier, sur les voies et moyens de s’assurer que ce scénario préprogrammé de lynchage politique aboutirait inéluctablement.

L’atmosphère était assez tendue. Il y a des appelles téléphoniques de menace qui se font constamment au cours de la séance. Il y a des notes sur des petits billets qui se passaient dénonçant tous ceux qui avaient des réserves. C’était un scénario de grande inquisition, avec des grands inquisiteurs qui devaient gérer le lynchage. Il n’y a pas eu d’agression physique. Mais il y avait une tension, une agression verbale, une pression soutenue, qui, à un certain moment donné, m’a forcé à quitter la sale. Je vous dirai plus tard la raison.

RB : 17 Sénateurs allaient approuver le rapport de la commission qui a établi les preuves accablantes de la double nationalité contre vous et, le sénateur Ultimo Compère. Trois abstentions ont cependant été enregistrées, celles des deux autres Sénateurs du Nord-est, Judnel Jean (FUSION) et Rodolphe Joazile (PONT) et du Sénateur du Nord-ouest, Eddy Bastien (Alyans). La majorité des 2/3 sur 30 sénateurs est de 20 sénateurs. Or l’article 112.1 et 113 de la Constitution se lisent comme suit :

Article 112.1 :

Chaque chambre peut appliquer à ces membres pour conduite répréhensible par décision prise à la majorité de 2/3, des peines disciplinaires sauf, celle de la radiation.

Article 113 :

Sera déchu de sa qualité de député ou de sénateur, tout membre du Corps législatif qui, pendant la durée de son mandat, aura été frappé d’une condamnation prononcée par un tribunal de droit commun qui a acquis autorité de chose jugée et entraîne l’inéligibilité.

A-t-on eu un vote à la majorité des 2/3 à la session du 18 mars 2008 pour la destitution ? L’article 112.1 permet-il la radiation ?

RHB : Ils n’ont pas eu la majorité des 2/3. Mais parce que c’était un lynchage préprogrammé. Parce qu’ils en avaient reçu l’ordre. Parce qu’il y a eu des marchandages qui ont eu lieu pendant les 3 semaines qui ont précédé cette date. Et je viens de le dire il y a deux sénateurs qui m’ont approché pour me dire que je n’en sortirai pas. Je dois le dire, que ce n’était pas de façon malicieuse, mais de façon amicale, qu’ils me l’ont dit. Quelque soit les moyens, ils devait aboutir à l’adoption de la résolution telle qu’elle a été rédigée. Ils leur fallaient l’avoir avant la fin de la journée, avant le couché du soleil.

RB : Vous êtes sorti de la session du 18 mars 2008 avant le vote de destitution.

Comment doit-on interpréter ce geste ? Démission ou protestation contre un lynchage politique ?

RHB : C’est premièrement une protestation. Mais c’est surtout par instinct de conservation. Parce qu’après le lynchage politique, j’étais certain que le lynchage physique allait suivre. On allait me mettre en prison, d’où je n’en sortirais pas vivant.

Immédiatement après la séance, le président du Sénat a apporté la résolution au palais national. On a intimé immédiatement l’ordre au juge Gassan de dresser un mandat d’amener contre moi. Grâce à Dieu on me l’avait soufflé avant. Et pendant la séance on m’avait fait comprendre, qu’il fallait me mettre à couvert le plus vite. Parce que ce n’était pas un jeu simple qui se jouait à ce moment là maintenant. C’est un jeu sérieux, macabre, qui finira très mal pour moi. La façon dont on voulait en finir, on aurait dû être aujourd’hui, en train de préparer ou de chanter mes funérailles. Il y avait une volonté, une fois pour toute, d’en finir politiquement et physiquement avec le sénateur Boulos.

RB : Lorsque vous êtes devenu conscient de l’énormité du danger, que pouviez-vous faire, quelles sont les options pour en sortir indemne au moins physiquement ?

RHB : C’est exactement ce que j’ai fait. Je me suis levé pour leur dire, que face à tout ce qu’ils sont en train de faire, leur positionnement, face aux attaques frontales du rapport et parce que je sais qu’ils aboutiraient indubitable à l’adoption d’une résolution de destitution. Certes, pour faire semblant, ils ont offert plusieurs versions avant d’arriver à la résolution finale. Je leur a dit que je leur laisse le Sénat. Et je me suis vite mis à couvert, pour pouvoir éviter le pire.

RB : A l’intérieur du Sénat, il y avait-il eu un débat ? Ou il y avait-il des gens qui chahutaient leur décisions ?

RHB : Avant d’entrer dans la sale, il y avait un scénario bien établi. Les acteurs ont fait la répétition de leur rôle. Chacun avait sa partition à jouer. C’était plus pour m’acculer qu’un débat sur le fond et la forme du rapport. Je ne veux pas être juge et parti en même temps. Chacun peut avoir son opinion, Moi, là où je me trouvais, je voyais venir vers moi à toute allure, un camion de 10 tonnes sans aucun frein ni intention de ralentir.

RB : Quels étaient vos sentiments, vos craintes, ce que vous éprouviez en quittant le Sénat ?

RHB : Je me suis senti meurtri, trahi. Je me suis dit, qu’il me faut garder la tête froide. Car les décisions que je vais prendre dans les prochains moments peuvent décider, si j’ai la vie sauve ou non. Seul et isolé dans un milieu devenu totalement hostile, par instinct de conservation, la préservation de ma vie était devenue une obsession. J’étais face à une situation où on m’avait vendu. J’étais vendu par l’institution dont je faisait partie, qui s’était décidé de me jeter en pâture aux chiens. Voilà ce qu’a été mon état d’âme en sortant du Sénat.

RB : Sur le terrain, dans votre Département, avez-vous perdu de votre légitimité politique ? Ou demeure-t-elle intacte et inébranlable ?

RHB : Mes mandants se sont révoltés contre cette décision. C’est la vérité pure et simple. D’ailleurs il y aura une pétition. Ils me l’ont dit publiquement, qu’ils ne seront jamais d’accord avec cette résolution. J’étais là dans le Nord-est le samedi et le dimanche de la semaine passée. J’étais allé inaugurer un pont dans les mornes de Mont-Organisé, Savanette. Un pont pour permettre aux paysans de pouvoir descendre des montagnes et traverser la rivière avec leur récolte de café. La pente menant à la rivière n’était pas voiturable. Ça m’avait permis de dialoguer avec eux. A la fin de janvier j’ai été inauguré une petite école nationale à Ouanaminthe, ceci m’a permis d’aborder la question avec eux.

Ce qui s’est passé le 18 mars me hantait depuis janvier. La rumeur était qu’à la fin de décembre je ne participerais pas à l’Assemblée nationale. Puis, c’était pour la fin de janvier. Ensuite c’était pour après le carnaval. Et enfin, c’était qu’avant le 15 mars, ce serait réglé. J’étais donc sur des charbons ardents. J’ai fait savoir aux représentants de la population ce qui se tramait. Ils m’ont répondu qu’ils ne l’accepteraient pas.

Pour répondre à ta question directement. Ma légitimité politique demeure intacte, inébranlable. Il y a des hommes de terrain de la zone qui me disent, que si j’ai fait 57% la dernière fois, aujourd’hui je ferais plus de 70%.

RB : Quand vous leur avez annoncé ce qui s’est passé le 18 mars, quelle a été leur réaction ?

RHB : Ils ont commencé d’abord par pleurer, les hommes comme les femmes. C’était triste. Mais immédiatement après, ils se sont révoltés. Nous pouvons comprendre qui vous avez l’obligation de vous protéger, de protéger votre vie. Mais, nous n’accepterons aucune démission. Nous le regrettons, votre démission est inacceptable. Point final.

Ils ont proposé de bloquer les routes, d’incendier, de faire des manifestations violentes, même si nous devons mourir, ceux qui survivront, trouveront le soulagement. A ce moment, j’ai dit non. Nous ne sommes pas des chimères, nous ne sommes pas des gangsters. S’il nous faut protester ce ne sera que par des moyens pacifiques, démocratiques, acceptables pour une société civile. Je ne peux pas accepter l’utilisation de la violence. Nous ne sommes plus dans le « Couper tête, bouler caille ».

RB : Il n’y a pas que ce lynchage politique consenti par des sénateurs qui servent la volonté politique de l’Exécutif de vassaliser le pouvoir législatif. Avec ce nouveau CEP taillé sur mesure pour et par l’Exécutif, le nouveau projet de loi électorale va introduire à la chambre basse 44 nouveaux députés pour diluer le poids politique de la 48e législature, passant de 99 députés à 143 députés, aux prochaine élections.

Quelles seront les conséquences d’une telle dilution ?

RHB : Il y aura rapidement 3 conséquences.

-Faciliter le contrôle de la chambre. On a assisté, comment on a pu obtenir les 63 députés pour le vote de confiance, au cours de la dernière session d’interpellation. C’est à partir des manœuvres de confiscation des élections, que commencera le processus de contrôle de la chambre des députés en faisant élire des députés de leur choix.

-Dans la chambre basse, ils auront une majorité. Ils utilisent l’argument que c’est la Constitution qui demande que l’on ait un député par commune. Mais ils sont en même temps en train de rouspéter, refusant de donner aux ASEC, aux CASEC et aux Délégués de ville les voies et moyens pour fonctionner. Ils se plaignent du coût de fonctionnement de la structure prévue pour la Décentralisation. Mais, cela ne les a pas empêché de passer de 99 à 143 députés.

RB : Il y a une 48e législature qui est entrée en fonction en 2006 et qui est élue pour 4 ans. C’est en 2010 qu’on aura la fin du mandat de la 48e législature.

Comment pourra-t-on augmenter le nombre des députés avant la fin du mandat de la 48e législature ?

RHB : Là, il y a une erreur d’interprétation. On ne va pas faire les élections des députés immédiatement. Ce sera en 2010 qu’ils introduiront les 44 nouveaux députés.

Avec ta question, tu viens d’ouvrir une boite de pandore. On est en train paradoxalement de préparer une loi pour faire les élections du premier tiers du Sénat, du second tiers du Sénat et pour faire aussi les élections des députés avec la même loi, et probablement avec le même CEP. Et peut être les élections présidentielles.

RB : Si c’est ça qu’ils sont en train de tramer. Aura-t-on d’élections indirectes ?

RHB : Tu as posé ta question. La réponse se trouve dans ta question. Je n’ai pas de problème avec la réponse. Je n’ai même pas besoin de répondre. Je suis d’accord avec ta réponse.

RB : Si les élections des députés doivent avoir lieu en 2010, il faudrait, assumant qu’on aura déjà fini avec les élections indirectes, laisser le soin au CEP permanent qui sera installé et en charge de la fonction électorale, de préparer ces lois.

RHB : Il y a dans tout ça une volonté manifeste d’avoir un contrôle à 100% de tout ce qui va se faire entre maintenant et 2011.

RB : Est-ce que, dans cette mise en place pour ce contrôle total, vous voyez aussi la possibilité du remplacement de la Constitution ?

RHB : C’est exactement pour arriver à ça. Si l’objectif est de contrôler le Sénat de la République. En chassant Boulos, il y aura 13 sièges vacants. Ce sera 13 sénateurs à élire prochainement plus 8 sénateurs de LESPWA, sans compter les alliés. Ils auront de fait les 2/3 du Sénat entre leurs mains. On en parlera quand tu me permettras de parler de la crise qui est en train de se développer en ce moment.

La dilution de la chambre basse réduira le poids politique individuel de chaque député. Entre le contrôle du Sénat et la dilution de la chambre basse, ils auront en main les mécanismes pour changer, pour refaire ou pour remplacer plus facilement la Constitution, selon les scénarios appropriés.

RB : Compte tenu de la tension politique et de la volatilité de la conjoncture, quels sont vos pronostiques à court et moyen termes ?

RHB : Il y a deux crises en gestations. Ils ont commencé depuis novembre. Il y a d’abord la crise socioéconomique. C’est la crise de la cherté de la vie. C’est aussi l’un des problèmes que je me suis mis sur le dos, et dont le pouvoir central me reproche. Pourquoi Boulos a-t-il parlé publiquement de la cherté de la vie ? Et encore une fois, ceux sont les plaintes et les messages clairs que je reçois, quand je me rends dans le Département du Nord-est. Ceux sont les issus importants pour les masses de mon Département que j’articule. Ils me le disent clairement, voilà votre responsabilité. Il vous faut faire baisser le prix de la petite marmite de riz qui se vend à 22 gourdes. Nous ne pouvons plus en acheter pour donner à manger à nos enfants et les envoyer à l’école. Même si vous êtes en train de cherchez à résoudre le problème de l’éducation, nous avons un problème qui est encore plus fondamental. La crise de la cherté de la vie est extrêmement dure. Elle s’amplifie chaque jour, au point où le peuple haïtien lui a trouvé un nom « CLOROX ». Pourquoi ce nom ? Parce que la cherté de la vie leur coupe les entrailles, comme le CLOROX coupe la toile. C’est un niveau de famine que le peuple n’a jamais atteint.

Moins de jeunes sont à l’école aujourd’hui. Généralement, l’école commence en septembre ou octobre. Il y a des mères qui doivent attendre janvier pour faire un peu d’argent pour pouvoir envoyer un autre enfant à l’école. Il y a moins de 50% d’enfant qui vont à l’école cette année par rapport à l’année dernière. En plus de la faim qui les tiraille, les produits sont plus chers avec le contrôle des douanes qui est plus sévère. Quand la petite marchande pouvait passer la douane, aujourd’hui la taxation étant très sévère, que les prix ont augmenté. Un bar de fer pour la construction coûte deux fois plus. Je ne m’attarderai pas sur le prix du bar de fer. Ce qui est important c’est de se préoccuper d’un produit comme le riz. Dans le prix du riz qui est de 22 gourdes, est inclus une taxe de 4 gourdes. Et au total sur les 300,000 tonnes que nous importons, tandis que nous ne produisons que 60,000 ; sur les 300,000 tonnes que nous importons, l’Etat prélève des taxes de 40 millions de dollars US. Comment taxer la faim ? Comment taxer le « CLOROX » qui est en train de couper les entrailles au peuple ? Comment taxer, dans cette situation, le produit le plus consommé comme nourriture. Ce serait plus intelligent, dans ces circonstances, d’enlever la taxe pour permettre à la petite marmite de se vendre à 18 gourdes. Avec une telle mesure, ce seront toutes les strates sociales qui en bénéficieront, sans aucune exception. Avec cette mesure il y aura un soulagement pour tous. Il y a moins d’emploi dans le pays.

Il y a une situation alarmante d’incapacité de création d’emploi. Il y a la destruction de 3 récoltes dans l’année 2007. Il n’y a aucun plan d’urgence qui pourrait aider à court terme baisser les prix, par exemple le prix du riz. Même si on ne leur demande pas de baisser le prix du fer et de la farine, mais au moins celui du riz.

Il faut aider à moyen terme par des crédits, le microcrédit surtout pour les petites marchandes. Ce serait quelque chose qui aurait dû déjà commencer. Le microcrédit pour la petite marchande fait deux choses. Il facilite la courroie de transmission pour la distribution des produits agricoles que les revendeuses vont acheter du paysan. Mais de plus il contribue à la création d’emploi. La petite marchande est un petit entrepreneur qui se trouve à la base de l’économie.

Aider à moyen et long terme par une production agricole en mettant à la disposition du paysan qui est ruiné par la perte de 3 récoltes en lui donnant à crédit les intrants.

A cette crise que nous venons de décrire s’ajoutera une crise électorale. On n’aura pas d’élections. C’est une sélection qui va se faire. Dans le temps les élections étaient décidées par le ministre de l’intérieur. Aujourd’hui, 20 ans après, c’est un CEP provisoire qui concentre tous les pouvoirs avec la loi électorale entre les mains du président du CEP. Où est-ce que se rédige la loi électorale ? Au palais national. Les règlement internes, où est-ce qu’on les rédige ? Au palais national. On peut logiquement déduire que le siège du CEP est au palais national. Dans ce cas on ne peut pas avoir d’élections transparentes.

Qu’est-ce qui se trouve dans le projet de loi électorale, qui prouvera ce que je viens de dire ? Il n’y aura pas seulement des centres de vote. Il y aura des bureaux de vote répartis à travers le territoire. Ça facilitera le remplissage des urnes avant le jour des élections. On n’aura pas de centre de tabulation. Le comptage se fera au niveau des BED. Le comptage des BED sans un contrôle central de tabulation pour confirmer les résultats, c’est la catastrophe. Qui va nommer les responsables des BED et des BEC ? Au lieu d’une sélection, ce sera une nomination ou un appointement fait par le président du CEP. C’est la concentration de pouvoir.

Quand tu as posé la question, pronostique à court et moyen terme, Il y a deux lignes de crise qui convergent. La première socioéconomique et l’autre la crise électorale qui sera inévitable. Sans une élection transparente, on aura automatiquement la contestation. La contestation électorale va provoquer l’instabilité politique qui va se greffer sur une crise socioéconomique cuisante et explosive. C’est ma réponse à ta question.

RB : C’est clair, vous venez de démontrer que nous sommes en face de deux crises, une socioéconomique et l’autre politique, le contrôle des élections.

Le contrôle des élections affectant directement les partis politiques, comment réagissent-ils face à ce problème politique manifeste ?

RHB : Il y a deux réactions. L’une est d’accepter ce qui va se faire peu importe les conséquences. L’autre, c’est d’empêcher timidement ce train qui vient à 100 milles à l’heure. Dans ce cas tous les partis politiques, qui vont être affectés par ces manœuvres, devraient se coaliser pour former un front commun. Si non, ils seront tous victimes sans exception de la même manière, qu’ils soient maintenant dans ou en dehors du pouvoir.

Ce que nous constatons une fois de plus, c’est l’irresponsabilité des élites de ce pays. Ce n’est pas un problème récent. On l’a fait pendant 200 ans. Le laisser-faire a toujours été le leitmotiv de toutes les élites à travers nos 200 ans d’histoire. Je ne vais pas me mettre en face. Je ne veux pas que le train me passe dessus. Ceux qui veulent se mettre en face tant pis pour eux. Enfin de compte on est tous victimes, d’une manière ou d’une autre, à différent degré bien sûr.

Je ne veux pas parler de mon cas. Mais ça a toujours été ainsi. Si nous voulons que le pays aille dans une autre direction, comme la République dominicaine, le pays voisin qui est peuplée de la même façon. Les haïtiens qui sont en train de construire et qui sont en train de gérer les plantations agricoles pour l’exportation, qui gèrent les hôtels pour le tourisme. C’est le même peuple qui fait des merveilles de l’autre coté de la frontière, dans une autre structure, sous un autre régime, mais avec un autre mentalité, une autre volonté politique et une vision du but à atteindre.

RB : Sénateur Boulos nous vous remercions pour cette entrevue extraordinaire, au cours de laquelle beaucoup de choses ont été mises au clair.

RHB : Je te remercie et à la prochaine.

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