Orlando le 18 avril, 2008
Actualités Politiques : Grandes Lignes
Bonsoir chers auditeurs. Vous écoutez sur les ondes de Radio Classique Inter, l’émission Actualités Politiques, Grandes lignes, animée par Robert Bénodin.
Nous avons avec nous, sur les ondes de Radio Classique inter, le sénateur du Nord-est Rudolph Henri Boulos, ses réflexions sur l’actualité politique.
Rudolph Henri Boulos, nous vous souhaitons la bienvenue une fois de plus sur les ondes de Radio Classique Inter.
RB : Après avoir tiré la sonnette d’alarme, au sujet de la faim et de la cherté de la vie en juin 2007, quelles ont été les réactions de Préval et de son entourage ?
RHB : Gouverner c’est prévoir. Ils n’ont pas su prévoir malgré les signaux avant-coureurs.
Moi en tant que sénateur de la république et particulièrement du Nord-est, Je suis toujours resté à l’écoute de la population du département que je représente. Ceux sont mes mandants. Je suis témoins oculaire et auriculaire de cette faim « CLOROX » qui leur déchire les entrailles. D’autres sénateurs tel que le sénateur Mathurin sont venu à moi pour me dire : « Boulos, il est plus que temps de demander à la commission du commerce de prendre au sérieux cette faim qui ravage les familles haïtiennes. » Le président de la commission du commerce ne voulait pas en entendre parler.
J’ai donc assumé la responsabilité de faire le premier pas. J’ai appelé le gouvernement, pour lui demander de faire quelque chose, de trouver une solution.
Quelle en a été la réponse ? Pourquoi Boulos insiste-t-il « chaud derrière band lan » ? Pourquoi persiste-t-il à parler de la cherté de la vie ? Que cherche-t-il ? Que poursuit-il ? Qu’on lui mette une muselière. Il nous faut prendre et garder nos distances de ce sénateur « bali yon bois longue kimbé » ! Qu’on lui ferme le bec « on pinga » !
Donc leurs réponses, n’ont été que des menaces et des menaces de mort. Vous vous imaginez le coût des dégâts qu’ont causé les émeutes de la faim que nous venons d’endurer, il n’y a à peine qu’une semaine. Si le premier ministre avait seulement écouté. S’il avait investi très peu de cette énorme valeur qui vient d’être inutilement gaspillée, par le pillage, les incendies, les viols, les vols et les meurtres, lui et nous, nous ne serions pas au point où nous sommes aujourd’hui ! Au lieu de prévoir, aujourd’hui nous sommes en train de réagir à ce qui était prévisible et que le premier ministre pouvait aisément prévenir et circonvenir. C’est le cas de dire : « Cé l’heure kabrit fine passé que ou ap rélé fermin barrière. »
RB : Averti de la précarité des conditions inhumaines qu’endurent les plus démunis des masses haïtiennes, qu’est-ce qui expliquent l’immobilisme et le laxisme du gouvernement Préval/Alexis, incompréhension, aveuglément, insouciance, ou insensibilité ?
RHB : Ce n’est que de l’irresponsabilité manifeste. Ce comportement envers les souffrances des masses, n’est de fait qu’un choix politique délibéré. Ils préfèrent attendre que le courroux du peuple fasse irruption, pour les affronter avec des troupes de choc. Avec la nuance qu’ils veulent criminaliser cette réaction juste, authentique et naturelle d’un peuple à bout de souffle et aux abois, crevant sous la pression de la douleur atroce des tourments de la faim.
Ils sont intentionnellement restés les bras croisés, pour créer leur ambiance préférentielle, l’anarchie, pour en profiter. Exécutant dans l’anonymat leurs basses œuvres contre ceux qu’ils ciblent. C’est un choix politique cynique et délibéré que de provoquer à dessin l’atmosphère du « Koupé tête, Bouler caille », pour satisfaire les instincts prédateurs des gouvernants. Ils préfèrent utiliser l’énergie du peuple pour détruire. Ils exploitent la misère du peuple pour se faire passer comme les défenseurs et les articulateurs des revendications populaires et les exploiteurs des ressentiments. Ils veulent les exploiter et les maintenir sous contrôle et dans la misère, pour pouvoir maintenir leur clientèle de réchauffeurs du béton à volonté, exploitant leur frustration en leur jetant des miettes. Ils préfèrent les exploiter de cette façon au lieu de leur donner de l’éducation, du travail et à manger.
Quel en est le résultat ? L’épouvante, effrayer et décourager les investisseurs qui ne viendront pas encourager la capacité productrice du peuple haïtien. Ils font percevoir le peuple haïtien comme un peuple de casseurs et de destructeurs à qui on doit jeter des miettes pour les apaiser, au lieu du travail pour les développer. Comme je vous l’ai dit, c’est un choix politique délibéré, un choix politique, une stratégie suicidaire. C’est le proverbial et cynique : « Nager pou sôti ! »
RB : L’interpellation même maladroite d’Alexis par la chambre basse le 28 février, ne constitue-t-elle pas un signe ostensible et sans équivoque de la montée de l’insatisfaction et du mécontentement qui finalement ont fait irruption aux Cayes ? Pourquoi Préval et Alexis n’en ont-ils pas tenu compte ?
RHB : Ça encore c’est un choix politique délibéré, que de se fermer les yeux, les oreilles et le cœur, pour ne pas voir, pour ne pas entendre, pour ne pas être sensibilisé par le gémissement des masses. Je ne veux pas prendre conscience de l’état des masses.
On ne pouvait pas faire sortir du sang des roches. Mais, on n’a pas hésité à émettre des cheques de 100 à 200 milles gourdes pour acheter la conscience des députés et par ce biais, le vote de confiance. On a préféré investir dans la corruption, que d’investir dans le bien-être des plus démunis, pour obtenir un vote de confiance, foulant ainsi au pied le droit à la sécurité alimentaire, qui est précisément dans ce cas, étroitement liée au droit à la vie.
Les émeutes de la fin ont fait irruption, précisément en réaction à cet acte désinvolte, irrévérencieux et méprisant envers la misère des masses. Le Sénat en réaction aux émeutes de la faim, dont le spectacle des atrocités a fait le tour du monde, a été forcé de constater l’échec des choix politiques de l’Exécutif. Il a dans un premier temps sommé le premier ministre de démissionner. Et dans un deuxième temps l’a interpellé pour le censurer. C’est un fait irréfutable, que ce choix politique du premier ministre a été suicidaire. Ce choix politique correspond aussi à un vieil adage que les politiciens utilisent, depuis un demi-siècle, pour justifier leurs méfaits : « Pito moin laide, min moin la.» En fin de compte, il n’est plus là, ainsi que tous ceux qui ont utilisé ce vieil adage, depuis un demi-siècle.
RB : Les émeutes de la faim, qui sont des réactions authentiques et naturelles des masses, se sont répandues spontanément en un clin d’œil, pour embraser les principales villes.
Etaient-elles incontournables ?
RHB : Quand on dit à un peuple qu’il doit se coucher pour mourir de faim. Que peut-on attendre de lui comme réponse ? Il se soulèvera, même s’il doit affronter la mort par balle. Quand vous l’avez insulté au Plateau Central : Je ne peux pas faire de miracle. Manifestez et invitez moi, pour que je vienne manifester avec vous. » Alors que c’est ce peuple qui a voté pour vous, dans l’espoir que vous alliez défendre ses intérêts. Quand vous ne pouvez pas l’entendre. Il sortira pour se faire entendre. Quand le peuple du Nord-est a envoyé le sénateur Boulos pour dire qu’il a faim. Vous n’avez pas donné de réponse.
Pourtant il y avait une réponse appropriée :
-Baisser le prix du riz ;
-Reprendre le microcrédit pour les petites marchandes ;
-Offrir à crédit les intrants agricoles aux les paysans.
On a fait un choix politique, ne rien faire. Or ne rien faire, dans ce cas, est aussi désastreux que de faire du mal.
RB : Certes, les actes de violence, pillages, incendies, viols, vols etc., sont condamnables.
Mais, pourquoi le gouvernement Prévale/Alexis et ses supporteurs veulent-ils, à tout prix, minimiser l’authenticité du courroux des masses, en mettant uniquement l’emphase sur l’insinuation d’une infiltration des émeutes de la faim par les narcotrafiquants et le contrebandiers ?
RHB : Oui, absolument, ces actes sont condamnables. D’autant plus que se sont des casseurs professionnels qui ont commencé le mardi Matin à Port-au-Prince, téléguidé par des secteurs tapis dans l’ombre pour exploiter l’opportunité politique. Comme nous l’avions déjà dit.
Encore des preuves d’irresponsabilité ! Si vous dites que vous connaissez quel secteur est responsable de la casse. Pourquoi ne les avez-vous pas empêchés ? Quand ce secteur que vous connaissez bien, avait fini de détruire des vies, des édifices publiques et on dévaster les biens de ceux qui ont été spécifiquement ciblés, vous ne les avez pas appréhendés. Ce n’est qu’à la fin, quand il était déjà trop tard, que les dégâts du carnage devenaient trop scandaleux, que vous leur avez intimé l’ordre de mettre fin aux atrocités. Et de fait ce secteur que vous connaissez bien a obtempéré à vos ordres instantanément. Cela veut dire quoi ? Ce secteur jouit de l’impunité et de votre protection, en agissant sous vos ordres.
Vous avez dit que vous n’allez dédommager personne pour les dégâts. Pensez-vous que les entrepreneurs vont prendre le risque d’investir pour créer de nouveaux emplois ? Qui peut investir dans un cadre pareil ? Ce sont peut être les narcotrafiquants.
RB : Evidemment, le vote de confiance de la chambre basse le 28 février dernier a indubitablement mécontenté outre mesure les masses affamées, qui se sont senties trahies par leurs représentants.
Les émeutes de la faim, ne peuvent-elles pas être interprétées comme un vote authentique et direct de censure du gouvernement Préval/Alexis ?
RHB : Ventre vide n’a pas d’oreille ! Le vote de confiance du 28 février à la chambre basse, a été une provocation, mais pire une trahison. Ce n’est pas d’aujourd’hui que des manifestations protestant contre la faim, ont eu lieu au palais législatif. Cela depuis janvier. On aurait dû résoudre ce problème institutionnellement.
C’est une leçon qui vient d’être donné à tous les députés et les sénateurs. On ne peut pas à volonté, fouler au pied la volonté du peuple. Le message est clair comme du cristal.
RB : Force est de constater que la foule s’est rendue au palais national, pour prendre Prévale au mot.
Ce geste symbolique n’a-t-il pas mis en exergue le caractère démagogique et mensonger de l’invitation faite par Préval au peuple de venir le chercher le jour où il se déciderait de protester contre la vie chère ?
RHB : Quand on ne peut pas ou ne veut pas donner l’aumône au pauvre, on ne doit pas l’humilier en brisant sa sébile, ou le passer en dérision ! On ne peut pas non plus se moquer d’un peuple, surtout quand il n’est pas en train de quémander la charité. Mais qu’il est entrain de défendre son droit à la sécurité alimentaire liée à son droit à la vie. On ne peut pas badiner avec un peuple qui a réellement faim. C’est une provocation.
Que contient le budget de fonctionnement ? Quel pourcentage est alloué à la présidence ? Quel est pourcentage qui est accordé à l’agriculture ? Quel est le pourcentage qui est alloué à la santé publique ? Quel pourcentage qui est alloué à l’éducation ? Le peuple est venu chercher Préval au palais pour qu’il puisse obtenir de lui une réponse, avec le soulagement qu’il exige.
RB : Cette image des manifestants mangeant des feuilles devant le palais national, comment l’interprétez-vous ?
RHB : Dans le Nord-est, le peuple est en train de manger de la vache enragée. Quand j’ai appelé, j’ai appris que dans les régions de Baja, de Mérande, de Ponigo, de la Tasse, le peuple est en train de manger des mangues vertes bouillies pour apaiser sa faim. « Yap bat dlo pou yo wè si yo ka fè bè. » Il y a un tel niveau d’irresponsabilité et de négligence qu’aujourd’hui ce sont Chavez et Lula qui sont en train de nous tendre la main, pour réduire les ravages de la faim. Nous sommes devenus un danger pour les Caraïbes.
Il nous faut comprendre les inconséquences de ce vote. Mangeant des feuilles devant le palais national, c’est un message clair. C’est un symbole. Le peuple a bien entendu qu’on ne pouvait pas faire de miracle. Il a aussi toujours su ce proverbe : « apres bal tambou lou ». Aujourd’hui, il se rend compte du sens et de la véracité de ce proverbe. Le peuple veut s’assurer du résultat de son vote. Il veut savoir si ses intérêts sont représentés et défendus. « L’heure ou manger lagent Chango, fô ou payer li. » Le peuple se rend compte lentement et péniblement, qu’il ne peut pas confier à n’importe qui le soin de le représenter et de défendre ses intérêts.
RB : Nonobstant la grande part de responsabilité d’Alexis dans l’échec du gouvernement, considérant la montée du mécontentement populaire qui menaçait le gouvernement Préval/Alexis, et compte tenu du contrôle dont Préval jouit aujourd’hui sur le Sénat, n’y a-t-il pas lieu de croire que pour se protéger, Préval a saisi l’occasion pour faire de son partenaire, Alexis, le bouc émissaire et le dindon de la farce ?
RHB : C’est sûr qu’Alexis aujourd’hui soit le dindon de la farce. Une farce à laquelle il a contribué largement et dont le peuple aurait dû être la seule victime. La question est de savoir quel en a été le prix pour le peuple haïtien ? Si Alexis a perdu un poste de premier ministre dans cette farce, il ne va pas crever de faim pour autant. Tandis que pour le peuple, c’est plus grave. Il s’agit de sa vie et de sa sécurité alimentaire « Grangou CLOROX ». Depuis un an les sénateurs ont reçu le message. Premièrement, il y a un an, un sénateur était venu au Sénat avec le message de Prévale, qui voulait le renvoi d’Alexis. Deuxièmement le 17 octobre 2007, il a dit au palais national, en présence d’Alexis, qu’il n’a pas l’autorité nécessaire pour révoquer le premier ministre, qui a plus de pouvoir que lui. Pour gouverner ce n’est pas l’importance de votre autorité qui vous permet de mieux servir le peuple.
Ce qui manque c’est une culture d’exécution. Comme le répète souvent Ray Kilick. Il faut d’une vision, d’un plan, d’une stratégie d’exécution. Il faut qu’il y ait un leader, une équipe, des moyens et de la volonté politique, pour pouvoir délivrer la marchandise au peuple. Pour apporter le soulagement dont il a besoin. Le peuple ne s’attend pas à un miracle. Il n’est pas aussi naïf qu’on le pense. Il sait que c’est lentement qu’il devra progresser.
Alors que dans la politique traditionnelle, on conquière le pouvoir pour le retenir aussi longtemps que possible. Des fois on veut s’y accrocher à vie. C’est de fait, ce qui est la priorité de ce pouvoir aujourd’hui. Il n’y a rien de changer. Il ne faut pas se tromper. Ils veulent le retenir à tout prix. Voler, tuer, corrompre, c’est leur modus operandi et leur devise.
RB : Dans vos observations du dossier de la cherté de la vie, pouvez-vous nous citer quelques données comparatives qui peuvent mettre en exergue le calvaire que gravissent les familles haïtiennes ?
RHB : Haïti importe 50% de sa consommation de banane de la République dominicaine. Or il n’y a pas un an de cela, le prix de la banane en Dominicanie est passé de 3 à 15 pesos. Donc 500% d’augmentation, 5 fois la valeur. Bien entendu, sur le territoire dominicain, le gouvernement subventionne le prix de la banane pour l’approvisionnement de son peuple dans des magasins spécialisés. Nous exportions dans le passé d’Haïti vers toutes les îles proches, le manioc, la patate etc. Aujourd’hui nous n’en exportons plus.
Quand on se promène dans le milieu rural, on voit des planches rouges. Ce sont des arbres fruitiers tels que les manguiers et les avocatiers que l’on coupe pour en faire des planches pour la construction.
La production du riz, d’après feu Leslie Delatour, était la moins chère à l’échelle mondiale. Elle pouvait aisément être très compétitive sur le marché mondial. Aujourd’hui la réforme agraire a détruit la production du riz.
A Ponigo près de Mérande, plus de 200 carreaux de rizière, 3000 paysans. Qui les finance ? Cinq grands dons en République dominicaine à Dajabon. Ils achètent toute la récolte de riz. Je pourrais en citer d’autres. Je m’arrête là. Voilà l’état pitoyable où nous nous trouvons aujourd’hui.
RB : Ce n’est un secret pour personne, que les ressources de nos paysans ont été dévastées par 4 intempéries au cours de l’année 2007. Depuis 4 ans, nos bananerais sont ravagés par une épidémie de Sigatoka.
Nous avons des agronomes au pouvoir. Qu’est-ce qui les empêche d’intervenir ?
RHB : A l’occasion d’une visite d’Alexis au Sénat, plusieurs sénateurs lui ont demandé de faire quelque chose pour réduire la cherté de la vie. Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est lorsque le sénateur Mathurin qui est un agronome et un membre du parti LESPWA comme Alexis, lui a dit clairement, debout au podium du Sénat, au début du mois de février de cette année, en présence des sénateurs, que la solution de la cherté de la vie et de la reprise de la production nationale, se trouvent dans les livres de Damien depuis 40 ans. La recette : engrais, semence, accompagnement du paysan pour planter et récolter.
Donc, ce ne sont pas les recettes et les solutions qui manquent. C’est l’intérêt qui n’existe pas pour les mettre en application. Ils n’ont d’intérêt que pour leurs poches et le pouvoir.
On a un agronome président, un agronome premier ministre, un agronome secrétaire d’état à l’agriculture. Est-ce le cas du cheval qui a plusieurs maîtres ?
RB : En fin de compte, le discours de Préval n’a impressionné personne. Il s’est fait attendre. On espérait, qu’avec un certain sens de l’urgence du moment, Préval allait annoncer, des décisions, des mesures et au moins un calendrier d’exécution. Il n’en a jamais été question.
Quelle est votre opinion du discours de Préval ? Qu’a-t-il de fait proposé ?
RHB : Ce discours a été prononcé sous de fortes pressions internationales. Un discours qui n’a pas tenu compte de ceux qui sont directement concernés. Aujourd’hui, beaucoup de pays sur terre ont ces mêmes problèmes. La différence est que ces pays ont anticipé ces problèmes et se sont préparés en conséquence.
Aux Philippines on a stocké le riz depuis quelques temps. Ils en ont planifié la distribution. Le Vietnam ayant des problèmes de récolte, a bloqué l’export du riz pour parer à la flambée des prix. D’autres pays on enlevé la taxe sur le riz etc. Ils ont prix le taureau par les cornes. Ils n’ont pas accompli de miracles. Mais ils ont fait quelque chose dans l’intérêt de leurs populations. Parce qu’ils se soucient du bien-être de leur nations et des retombés politiques de la famine. Ils gouvernent et prévoient les dangers pour en épargner leurs peuples et eux-mêmes en tant que gouvernants. Leurs peuples qui les observent, constatent qu’il y a un effort qui a été fait pour leur protection. Tel n’est pas le cas chez nous. On a préféré attendre l’irruption des émeutes de la faim pour l’exploiter. On préfère mendier. Irresponsable, on préfère être l’objet de la pitié et de la fraternité de nos tuteurs, pour nous rassurer de leurs soutiens. C’est notre zone de confort.
RB : En blâmant 20 ans de mauvaise gestion, Préval ne réalise-t-il pas que de ces 20 ans, le pays a subi 17 ans de régime lavalas, dont il a été le 1er premier ministre, le 2e et le 4e président ?
RHB : Ils ont été président et premier ministre pendant deux mandats. Agronomes, quels sont les progrès dont l’agriculture a bénéficié ? Zéro ! Où sont les 75 millions de dollars US qu’ils ont emprunté pour investir dans le CNE qui devait réparer les routes ? Zéro ! On a de fait un cimetière d’équipements. Ils viennent de trouver un autre prêt de 50 millions de dollars US pour réinvestir dans le CNE. C’est une répétition de galvaudages à n’en plus finir. Où sont les canaux d’irrigation qui attendent depuis longtemps leur curage ? Ceux sont des canaux qui existent depuis la colonie dans Ferrier, Mérande etc. Qu’a-t-on fait pour la production agricole ? Qu’est-ce qui doit être fait en priorité pour la production agricole ? Apporter l’eau aux jardins ! Qu’a-t-on fait ? Rien !
RB : Quel sera l’effet des prélèvements sur les salaires des fonctionnaires publiques, sur la cherté de la vie ?
RHB : Combien de fonctionnaires qui touchent 35 milles gourdes et plus ? Avec ce salaire il leur est difficile de joindre les deux bouts. Prélever 10% de leur salaire les plonge dans une spirale de problème de budget familial, écolage, loyer, vêtement, nourriture etc.
Pourquoi ne pas réduire le nombre de ministères. Réduire tous ces voyages avec 500 dollars US de per diem, sans compter les frais de voyage. Eliminer tous ce tas de séminaires au Caribe Convention Center qui gaspillent des millions de dollars US, des tas de programmes bidon qui ne riment à rien, les cheques zombi etc. Tout ceci ne contribue pas à mourir le peuple. Et à payer l’écolage de leurs enfants. Le galvaudage de l’argent de l’Etat, des voitures de l’Etat, de la gazoline de l’Etat... Il est temps que cela cesse pour que le peuple puisse trouver le soulagement qu’il mérite et espère.
RB : Alors que le Sénat donnait le coup de grâce à Alexis, réuni au palais national avec les importateurs, Préval entretenait une conférence de presse annonçant des arrangements pour réduire le coup du riz importé pour seulement 30 jours, en s’engageant dans un programme de reprise de la production du riz.
Quelles sont vos impressions de ce qui a été présenté à cette conférence de presse ?
RHB : Qu’ont-ils déjà fait depuis deux ans qu’ils sont au pouvoir pour la production agricole ? Qu’ont-ils fait spécifiquement pour la production du riz pendant ce temps ? Peut-on avoir une récolte de riz en 30 jours ? Que peut-on vraiment espérer après un mois de reprise de la production agricole et un rabais de 8 dollars par sac pour 30 jours ? Cela ne fait aucun sens ! Ça n’a ni cohésion, ni cohérence ! Il n’y aura, de part et d’autre, que de la spéculation, des gros dépôts de riz, jusqu’aux petites marchandes. Le prix du riz va remonter après les 30 jours. L’élimination de la TCA pour un temps plus ou moins long. Voilà la solution, point final. Il faut surtout ne pas dire quand la TCA sera rétablie, pour empêcher la spéculation. Pourquoi insiste-t-on sur le riz ? Parce qu’aujourd’hui, c’est l’élément de base de la diète haïtienne.
RB : La solution politique du renvoi d’Alexis, améliore-t-elle ou empire-t-elle la crise ?
RHB : Alexis ne peut pas être la cause fondamentale qui provoque et sous-tend tous ces problèmes. Il est utilisé aujourd’hui comme bouc émissaire, pour satisfaire la politique du moment. Son renvoi est une solution politique à la crise actuelle. On ne peut pas traiter une fièvre, sans faire le diagnostic. Sans chercher la vraie cause. Sans trouver l’infection.
Sur les 22 projets de la Banque Interaméricaine de Développement depuis 1998, il n’y a qu’un quart, que seulement 25% qui sont plus ou moins fonctionnels. Que l’on mette Jean, Jacques ou Gauthier pour remplacer Alexis, cela ne rimera à rien. On peut changer d’homme, de style et de rhétorique. On aura le même résultat. Ce sera la république des petits copains qui émergera à chaque fois. Cette culture d’exécution nous fait défaut, Vison, Plan et Stratégie.
RB : Préval est à un carrefour où il est en train de jongler à la fois quatre problèmes très cuisants (time critical) :
-Un projet de loi électorale, qui voté tel quel, lui donne le contrôle absolu des postes électifs, du Sénat aux CASEC ;
-La caducité des 3e sénateurs, passé le 8 mai 2008 ;
-Les émeutes de la faim qui ressurgiront indubitablement à la rentée des classes s’il n’y a pas de changements substantiels, perceptibles et palpables ;
-Le choix d’un premier ministre et sa confirmation par le corps législatif, où les partis politiques tiennent mordicus à leurs prérogatives ministérielles.
Pouvez-vous éclaircir un peu les différents aspects de cet imbroglio ?
RHB : Pour augmenter leur pouvoir, ce qui est de fait l’objectif réel, ils veulent contrôler les 2/3 du Sénat et les 143 députés. Pour eux c’est un objectif et un besoin fondamental. Le moyen-clef pour atteindre cet objectif, c’est la loi électorale, de la façon dont elle est conçue et rédigée. Cette loi leur donne une mainmise sur le processus électoral. Cette loi leur permettra de faire une sélection au lieu d’une élection. Elle leur permettra d’obtenir le pouvoir absolu qu’ils convoitent. On aura, comme on l’a eu dans le temps, des élections officielles, organisées par les ministères de l’intérieur.
On vient de me faire savoir que les députés viennent d’ajouter quelque chose d’anachronique à la loi électorale, qui fait obligation au candidat d’aller demander au service d’émigration un certificat qui confirme qu’il soit un Haïtien et un Haïtien seulement. C’est encore un autre moyen de contrôle, qui permet au pouvoir en place de décider qui peut ou ne peut pas être candidat. Si le besoin de contrôle va jusque là. Vous pouvez deviner qu’est-ce qu’ils feront pour déterminer qui peut ou ne peut devenir député ou sénateur. Cette loi enlève et détruit toutes possibilités que ce soit l’expression de la volonté générale qui choisit les vrais représentants du peuple.
Les émeutes de la faim ont eu lieu. Le peuple a déjà donné clairement son message aux gouvernants. Il nous faut attendre la réaction du peuple par rapport aux solutions proposées par le gouvernement pour résoudre la crise de la cherté de la vie et de la faim.
Il y a dans cette équation un paramètre dont la date butoir est incontournable et qui sera « le teste acide » des solutions apportées tant par le gouvernement que par le milieu international à cette crise. Ce paramètre c’est la rentrée des classes en septembre. Un moment très difficile dans la vie nationale, un point névralgique pour les familles haïtiennes.
Le choix d’un premier ministre et sa confirmation par le corps législatif est sur le tapis. On avait un gouvernement pluriel qui vient de faire un échec. Et qui vient d’être frappé spectaculairement d’un vote de censure venant dans un premier temps des émeutes de la faim et dans un deuxième temps du Sénat qui lui a donné le coup de grâce. Les partis politiques ne peuvent pas être épargnés. Il sont aussi responsables et partie prenante de l’échec. Alexis ne peut pas être le seul responsable. Il y a des ministres qui sont des titulaires de départements. Ils pouvaient intervenir et parler. Ils pouvaient, au conseil ministériel, critiquer, recommander et offrir leurs points de vue. Ils pouvaient donner des directives. Il leur faut faire leur mea-culpa. Il faut qu’un nouveau premier ministre ait une certaine autonomie, un certain espace et les coudées franches. Il faut que ce soit un gouvernement de consensus. On ne peut pas avoir encore un gouvernement pluriel. On vient de faire une expérience plurielle qui n’a rien donné. Il nous faut d’un gouvernement avec une vision, un plan et une stratégie. Ce premier ministre doit être un vrai leader, le capitaine d’une équipe, avec les moyens financiers et politiques. Il faut faire bien attention pour que les mêmes erreurs ne se répètent pas. Le peuple ne peut plus s’attendre à et de tolérer de ces petits jeux en vase clos entre copains. Il ne peut plus accepter la conquête du pouvoir pour le pouvoir. Il vient de donner son message. A bon entendeur salue !
RB : Plusieurs magazines internationaux réputés pour la précision et la fiabilité de leurs analyses, se sont penchés sur les émeutes de la faim, pour en disséquer les causes et effets. Leurs conclusions sont unanimes sur le fait que, et je cite un extrait de la conclusion de l’analyse du Economist Intelligence Unit : « Il prendra beaucoup de support et de pression venant de gouvernements et d’institutions multilatérales pour empêcher l’implosion du système politique d’Haïti. »
Etes-vous de cet avis ?
RHB : L’International ne peut plus ignorer le fait que sa présence va au-delà de la simple et unique responsabilité du maintien militaire de la paix. La stabilisation du pays ne peut pas se réduire qu’à ça et qu’à ça seulement. Il y a un proverbe haïtien qui dit : « Prend coup blié, poté maque songé. » Les émeutes de la faim est un coup porté tant au gouvernement haïtien, qu’au milieu international qui est à la fois physiquement présent sur le territoire par le biais de la Minustah et partie prenante, à partir de l’évocation du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le milieu international doit être conscient du fait qu’à cause de sa présence physique, que chaque échec du gouvernement haïtien est aussi son échec. Il en paiera la facture à chaque coup. Le gouvernement haïtien et le milieu international, dont la Minustah est le représentant (Proxy), sont co-responsables de la stabilité du pays et de la gestion de tout ce qui fait partie de cette équation. Posez vous bien la question : Pourquoi depuis 4 ans que la Minustah est présente sur le territoire, c’est pour la première fois que la population a attaqué avec autant d’acharnement les édifices qui l’abritent ? Dans l’esprit de la population après 4 ans de coopération, elle est amalgamée au point de ne pas pouvoir la distinguer du pouvoir qui gouverne les affaires du pays. Les 9000 troupes ne peuvent pas stabiliser le pays seulement avec leurs chars d’assaut. Le corollaire est qu’elles deviendront inévitablement par la force des choses et de la réalité, une force répressive, défendant le gouvernement contre les justes revendications du peuple, à bout de souffle et aux abois, qu’elle en ait l’intention ou non. On ne peut plus attendre et regarder les bras croisés les mauvais choix du Gouvernement haïtien et ce qui en découle. Il faut être proactif.
Le Canada et la France ont bien compris que le développement social et économique avant tout consolide à la fois les Institutions politiques et la stabilité de l’Etat. Comme le disait si bien Napoléon : « On peut tout faire avec les baïonnettes, sauf de s’asseoir dessus ».
Le Brésil chef de fille de la Minustah et aspirant à un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies, doit assumer ses responsabilités de leadership. Et de ne plus permettre d’erreurs grossières de priorités soient commisses. L’échec d’un petit pays comme Haïti qui demeure jusqu'à présent le seul Etat en faillite et un danger pour la zone, après 4 ans de présence de la Minustah gérée par le Brésil doit avoir une conséquence quelconque reflétant sur la capacité du Brésil de mériter ce siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies !
….Mr. Hanabi, qui est le chef civil de la Minustah, écoutez bien ce que je vous dit : «Khod wa’tak, fakker ! » Je vous le dis dans votre langue maternelle pour que ce soit bien compris. « Arrêtez, réfléchissez avant d’avancez ! » Il y a péril en la demeure !
La semaine prochaine il y a monsieur Shannon du Département d’Etat, le ministre des affaires étrangères du Canada, Bernier, de même que le ministre des affaires du Brésil, qui entrent. Ça montre quoi ? Qu’ils ont compris qu’il y a péril en la demeure. La Conclusion du Economist Intelligence Unit est exacte et précisément ça. Il faudra à la fois beaucoup de supports, mais surtout beaucoup de pressions, venant de gouvernements et d’institutions multilatérales, pour empêcher que par erreur et par choix politiques irresponsables, qu’on aille vers l’implosion du système politique haïtien.
RB : Les masses des démunis, qui sont à bout de souffle et aux abois, qui ont pris les rues pour exprimer leurs frustrations, qu’attendent-elles du nouveau gouvernement ?
RHB : Une délivrance, mais dans l’immédiat un soulagement dans leur souffrance, un moment de répit sur le chemin du calvaire qu’elles sont en train de gravir pour sortir du gouffre de la misère et de la pauvreté. De la nourriture, oui, mais du travail surtout. Les paysans du Nord-est me l’ont répété en mainte fois : « Sénateur ne me donnez pas le poisson. Montrez mois comment le pécher ! » Il faut apporter des solutions appropriées et rapides.
-Santé, mettre plus d’agents de santé qui iront partout dans les campagnes apporter les soins aux gens, avec les médicaments appropriés.
-Education, il faut que toutes les écoles aient des professeurs recyclés. Il faut augmenter la vacation des écoles. Elles existent déjà. Avoir des classes de nuit, avec une petite génératrice, ou une batterie avec panneaux solaires. Il faut donner aux enfants la formation professionnelle. Il faut donner des bources d’étude à ce qui sont à la fin du cycle d’études secondaires.
-Création d’emploi, Le gouvernement n’a pas besoin de créer lui-même les emplois. Il faut à travers le financement des micro entreprises par le biais du microcrédit créer plus d’entrepreneurs.
-Agriculture, offrir aux paysans les intrants agricoles à crédit, et l’encadrement technique, pour recommencer à planter et récolter.
RB : Il est évident que la PNH telle qu’elle est organisée et qu’elle fonctionne, comme force de manœuvre, est incapable de rétablir l’autorité de l’Etat partout sur tout le territoire et sur ses frontières terrestres et côtières. Il y a lieu de considérer ce que la constitution prescrit, une force d’attrition.
Y avez-vous pensé ? Pouvez-vous partagez vos réflexions sur ce sujet ?
RHB : C’est une question sur laquelle je me suis penché en maintes occasions. En deux occasions j’ai eu la chance de faire la proposition suivante à deux présidents. Au président Avril lors de l’affaire Hébreux et au président Aristide à son retour en 1994. Il nous faut reformer en profondeur l’Armée, ce que les américains appellent « bottom up »
Une force d’intervention rapide qui serait une force supplémentaire de la Sécurité Publique. La PNH n’est pas conçu pour ce genre d’intervention quand ils font face au grand banditisme et aux désastres naturels, Ils nous faut au moins attachés à cette force, 1500 Hommes et Femmes, de toutes disciplines : Médecins, Infirmiers, Ingénieurs, Agronomes, Enseignants spécialisés et des Militaires formés dans le respect des citoyens et des institutions républicaines.
Oui c’est une nécessité quelque soit l’appellation que l’on choisit. Ce n’est pas ça l’important. C’est une nécessité parce que la PNH n’est pas organisé ni préparé pour remplir ce rôle. De plus elle n’a ni l’équipement, ni les moyens, ni le nombre pour assumer cette responsabilité.
RB : Compte tenu de la tension politique et de la volatilité de la conjoncture, quels sont vos pronostiques à court et moyen termes ?
RHB : Je ne suis pas un devin. Je n’ai pas de boule de cristal. A court terme, je crois que la mangeaille restera l’obsession de la population. Jusqu'à ce que nous puissions leur donner un minimum de sécurité alimentaire. Ceci va demeurer un problème cuisant à l’avant-scène politique et social. On ne peut pas résoudre ce problème par le biais de la charité. Il faut que ce soit fait à travers le marché de l’offre et de la demande, pour qu’il ait un niveau de respect humain, de responsabilité, d’indépendance citoyenne, pour qu’ils aient le droit de disposer d’eux-mêmes et de leurs avoirs.
A moyen terme, il faut définitivement des travaux de haute intensité de main-d’œuvre. Il faut que ces travaux servent à quelque chose. Il faut accompagner le paysan dans la transformation de leur environnement, des ponts par exemple. En maintes fois utilisant entre 35 milles et 125 milles gourdes, j’arrive a construire des ponts dans le Nord-est. Il y a des gens qui me disent que ce n’est pas possible. Je les ai construits. J’ai les photos, Je peux vous les montrer. Les écoles, même si vous ne pouvez pas construire l’école, on peut enfermer une maison. On peut trouver des institutions comme Digicel qui peut construire l’école après que j’ai donné le terrain. Fixer les pompes à eau. Réparation des routes secondaires, pas l’asphaltage, mais les rendre carrossable. Bétonner les mauvaises pentes et les passes d’eau. Curage des canaux d’irrigation. C’est primordial les petits barrages.
Ceci exige une réunion avec les secteurs de chaque localité. Ceci exige une réunion avec les professeurs des universités, pour prévoir intelligemment et éviter des failles qui nous attendent à chaque carrefour.
Avant-hier j’écoutais une conférence d’un professeur d’Institut de la Terre de Colombia University. Il parlait des choix qui peuvent faire faillir une nation ou un peuple. Il a donné en exemple l’Ile de Pâques. L’Ile de Pâques était une forêt très dense. Il y avait toute une population qui y vivait. C’est cette population qui a sculpté ces grosses têtes de pierre qui pèsent des tonnes et des tonnes. On ne sait pas comment elle a pu les sculpter. Avec quel outil et comment les a-t-on transportées aux sommets de collines. Cette population a totalement disparu. Dans les recherche pour trouver la cause de la disparition de cette population ont a trouvé, qu’elle a coupé tous les arbres de l’île. La diminution des arbres a amené une réduction proportionnelle de la nourriture. Ceci a provoqué des luttes fratricides. Ce professeur a cité une autre expérience faite récemment dans une autre île. Là où il y a deux peuples qui gèrent séparément chaque coté de l’île. Devinez quelle île ? Hispaniola !
Voilà une île, d’un coté des gestionnaires irresponsables et de l’autre des gestionnaires qui planifient et prévoient. Survolant la frontière la différence est visible. On a l’impression qu’il y a un mur qui sépare d’un coté c’est vert et de l’autre marron.
S’il nous faut dire quelque chose aux gouvernants. Votre mauvaise gestion de la terre d’Haïti est visible. Haïti n’est pas votre propriété privée. Vous n’êtes pas les seuls à décider des destinés de la nation et de l’Etat haïtien.
RB : Ça fait un demi-siècle depuis que les haïtiens supportent des régimes populistes. Avec le premier régime, le pays est devenu le plus pauvre de l’hémisphère. Avec le second il est devenu le plus corrompu du monde. Avec le second on est arrivé jusqu'à l’anarchie. Pour moi, le peuple a aussi une par de responsabilité. Il ne peut plus continuer à faire ces choix.
Qu’en pesez-vous ?
RHB : Avant de placer la charge sur le peuple haïtien, car il a sa part de responsabilité. J’aimerai mettre en exergue la faillite de l’élite haïtienne, élite professionnelle, commerçante, industrielle, bourgeoise etc. C’est cette élite qui a la responsabilité de leadership dans tous les domaines. C’est elle qui n’a pas assumé ses responsabilités. C’est ce que ce professeur de Colombia University a fait remarquer en concluant sa conférence, que ce sont les élites de l’Ile de Pâques qui ont failli, pas la population. Visitant la Hollande, ce même professeur a fait savoir en visitant les digues, il a fait la remarque. Que derrière ces digues qui vont jusqu'à 20 mètres au-dessous du niveau de la mer, les maisons, les fermes et les villages sont construits dans cette espace. L’important, est que cet espace abrite les Hollandais de toutes les strates sociales. La responsabilité de la protection et du maintien des digues est collective et sans aucune exception. Avec la nuance que même dans ce cadre, l’élite assume encore et toujours la responsabilité du leadership. Une responsabilité qui ne peut pas tolérer une minute d’irresponsabilité. Parce qu’on peut être exposé, en clin d’œil, à des dangers de vie ou de mort pour tous.
RB : Mais, le constat de cette démission de l’élite au cours du dernier demi-siècle, qui a provoqué des résultats aussi désastreux.
Qu’est-ce qui a porté cette élite à démissionner de ses responsabilités ?
RHB : Je crois que, c’est à partir de ces 50 dernières années, de 1957 aux années 60, qu’on commence à l’observer. Il y a un problème qui trouve ses racines à partir de la colonie. La mentalité de la plantation. La mentalité qui veut que l’on ait le pouvoir de vie et de mort sur tous, quand on détient le pouvoir politique.
Il y avait à l’époque, un secteur politique qui s’est accaparé du pouvoir avec une attitude d’exclusion, le club des petits copains de Port-au-Prince, qui disent qu’un tel est exclu. « Mulâtre pas ladanl. Camoquin pas ladanl. » Et en 1986, c’est l’inverse, « Macoute pas ladanl » Mais qui a le droit de dire qu’un tel est exclu ? Qui lui a donné ce droit ? Nous avons tous les mêmes droits d’inclusion. Personne n’a le droit d’exclure. Nous partageons à égalité, les droits et responsabilités.
La solution si elle doit servir l’intérêt commun, elle doit émaner de la réflexion commune.
La démission de l’élite est due à un effort d’exclusion dans une certaine mesure. La violence dans une certaine mesure et à une certaine période a renforcé l’effort d’exclusion.
C’est ce qu’il nous faut éliminer de notre mentalité de plantation. C’est le sens de la responsabilité collective, qui encourage la participation. L’exclusion a l’effet inverse.
RB : En résumé, vous venez de dire que c’est problème d’exclusion.
RHB : L’exclusion d’un sénateur sur quelle base ? Sans aucune preuve, sans document légal pour contrecarrer ceux qu’il a déposés. Action inconstitutionnelle contre lui. Exclusion de la Diaspora des affaires de son pays d’origine. Pourquoi cette exclusion ? Leurs apports représentent au moins 30% du PIB. C’est eux qui font vivre ce pays. La Diaspora a les deux ressources principales, finance et matière grise. Et surtout la capacité d’influencer les gouvernements à l’extérieur.
Exclusion des 1 millions d’Haïtiens qui travaillent en République dominicaine et qui envoient de l’argent à leur famille en Haïti. Le gouvernement haïtien refuse de leur donner un document d’identité. Le gouvernement n’a pas un traité d’émigration avec la République dominicaine, encore moins un traité commercial.
Exclusion, refus de supporter les 12 milles étudiants haïtiens qui sont dans les universités dominicaines. C’est une mentalité d’exclusion générale à tous les niveaux. Peut-on avoir dans ces conditions une conscience nationale, un sens d’appartenance.
RB : Il y a une xénophobie qui renforce cette exclusion, qui s’est développé graduellement, « moun dehors vs moun en dedans, camoquin vs macoute, chimère vs macoute etc. Paradoxalement, c’est à partir de ces distinctions, que l’on retrouve dans la Constitution de 1987, des articles d’exclusion, qui charrient cette mentalité d’exclusion du régime précédant qui exclut à la fois les membres de ce régime et la Diaspora, pas pour les mêmes raisons. Il n’y a pas à sortir de là que cette Constitution est xénophobe.
L’exode qui a formé la Diaspora, dans les années 60 à 70, c’était l’élite et les classes moyennes qui sortaient. A partir des années 70 à nos jours ce sont les masses urbaines et rurales qui peuplent la Diaspora.
Cette exclusion ne peut plus faire référence aux dichotomies, noir vs mulâtre, bourgeois vs masse, macoute vs camoquin, chimère vs macoute. Elle exclut tous ceux qui sortent du pays. Il y a un abandon automatique de tous les droits et privilèges de citoyenneté, dès qu’on met le pied sur la première marche de l’escalier pour monter dans l’avion, ou pour prendre le voilier vers St Thomas ou Miami.
RHB : Elle n’exclut pas seulement ceux qui sortent du pays. C’est là que c’est plus grave. La république de Port-au-Prince exclut tous les gens de la province. La constitution exige depuis 20 ans la décentralisation et la déconcentration, le gouvernement refuse de les faire. Le gouvernement a décidé que c’est à Port-au-Prince que la totalité des pouvoirs réside. Ce n’est pas seulement les gens qui sont au dehors, mais ceux qui sont à l’intérieur sont aussi exclus. C’est un kidnapping du pouvoir par la république des petits copains, par un petit clan qui a décidé que, « li prend li, li prend li nette. »
RB : Comment renverser la vapeur ?
RHB : La révolution tranquille du Dr. Etienne. Il faut nous mettre ensemble. Il nous faut avoir une conscience collective de l’urgence de ce problème. Il nous faut nous réunir pour identifier les solutions. Il nous faut être capable de mettre nos ressources, nos courages ensembles, pour démonter cette exclusion, une fois pour toute. Si le colon a eu ses chaînes pour renforcer l’esclavage, l’exclusion c’est l’équivalant des chaînes des temps modernes.
RB : La Banque mondiale dans son rapport a mentionné que 83% des professionnels, des administrateurs et de techniciens sont hors du pays. C’est une preuve que nous avons perdu un fort pourcentage de nos citoyens capables de gérer le pays. C’est très grave.
RB : Sénateur Rudolph Boulos j’aimerais vous remercier pour votre participation à cette entrevue. Ça a été une participation très brillante et claire. Je suis satisfait de vos messages. Et à la prochaine.
RHB : Merci beaucoup. Je remercie la Radio de la possibilité qu’elle m’a offerte de communiquer avec la population du Centre de la Floride et avec les internautes qui nous écoutent. A bientôt, A la prochaine.
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