jeudi 8 mai 2008

LA REVOLUTION (TRANQUILLE) HAITIENNE (178)( VF)


HAITI OBSERVATEUR. SEMAINE DU 7 mai 08.

Dr Gérard Etienne.

Il n’est pas ici question de soumettre notre lectorat à une étude philologique du terme de force .On peut bien soulever plusieurs hypothèses contredisant tout point de vue selon lequel Jean-Bertrand Aristide a été mis hors jeu et ne représente aucune menace pour le pouvoir en place. On pourrait même renforcer son argumentation en pointant du doigt l’oncle Sam qui ayant, dit-on, participé à la chute de l’ancien homme fort d’Haïti n’acceptera pas le retour d’un soi-disant ennemi américain dans un pays où tous les événements semblent se dérouler selon l’agenda des puissances et selon le plan des dinosaures lavalassiens qui voulaient absolument changer de capitaine .Pour tout ce beau monde l’après Aristide devrait orienter la « classe politique » particulièrement la convergence démocratique vers des objectifs qui signifieraient un nouveau style dans la façon lavalasssienne d’administrer les affaires de l’État depuis 1994 et aussi dans cette cynique manière de conditionner le peuple relativement à la présidentielle monarchique. Oui. Mais si on va jusqu’au bout de la réflexion, on était loin de changer l’ordre des choses au pays en confiant le pouvoir à un groupe d’hommes qui n’ont jamais eu la décence de mettre cartes sur table. A bien étudier faits et événements en Haïti on se rend compte de la pérennité de la méthode lavalassienne de gérer les Affaires d’un État colonisé, c’est-à-dire un État qui confie aux Étrangers non seulement la sécurité du pays,( voire celle du Président ) mais aussi le champ économique, d’autant plus que cet État n’offre aucune perspective économique vraiment nationale ,qu’il obéit passivement aux « directives économiques concernant les pouvoirs d’un gouvernement, les échanges et les flux de capitaux ( Banque mondiale et FMI Fonds monétaire international- , ) que les trois quarts de son budget dépendent de la mendicité et de la bienveillance de sa diaspora. Ainsi avec Préval nous sommes toujours dans l’orbite aristidienne. Et l’ingénieur intellectuel ( à ne pas confondre avec un diplômé d’Études supérieures, nuance) Ray Killick dans un texte paru sur le net et qui est une vigoureuse réponse à monsieur Ericq Pierre qui ose ajouter à la mystification du peuple en publiant dans le Matin du 6 mars un texte purement lavalassien (puisqu’il s’agit de la désinformation ) intitulé LES VAINQUEURS l’intellectuel met donc le flatteur en place en lui répondant avec lucidité et avec cette liberté intellectuelle que n’aiment pas les Aristidiens/ Prévaliens. On lit en effet dans le texte de Ray : « …le coco-macaque, le pouvoir à vie, la paix des cimetières, le « rouleau compresseur,» lavalasse, la victoire dans le mutisme de Préval, la petite foule devant le Parlement dont des employés de la Primature d’Alexis qu’on rassemble pour menacer, tout cela en cinquante ans a dû façonner le verbe de pierre. Ce verbe absurde où vainqueur est une position de pouvoir, pas plus, pour sûr!En effet Ericq Pierre nous confie « Aussi étrange que cela puisse paraître notre pays qui, au niveau international, est toujours classé parmi les perdants, est dirigé par une équipe de vainqueurs. En tout cas une équipe qui n’a pas l’habitude de perdre»


Bien sûr, on peut, à l’intérieur d’un système politique donné mettre en place un régime politique orienté vers le progrès .Remontons en 1946.On a connu avec Elie Lescot un type de gouvernent qui aura permis aux « Clairs » d’utiliser les principaux antagonismes
Épidermiques, surtout les principaux éléments de la culture orale qui, quand elle ne renvoie pas dos à dos les acteurs politiques créent entre ces derniers une certaine division selon les contingences de la conjoncture.


Cependant ce type de gouvernement allait être balayé par une équipe d’hommes qui tout en s’opposant au régime politique de Lescot allait permettre à l’État haïtien d’être moins exclusif dans le choix des gouvernementaux en mesure d’administrer le pays selon une vision relativement démocratique et des plans de développement conformes à nos ressources (culturelles, techniques, naturelles). D’où Dumarsais Estimé et plus tard Paul Magloire. Mais Estimé n’aurait pas pu donner au peuple haïtien un gouvernement progressiste sans un changement des mentalités. On a vu se développer de nouveaux rapports sociaux à partir desquels toutes les classes sociales se voyaient impliquées dans l’ascension fulgurante de la Patrie. Par ailleurs on peut parler d’un nouveau leadership avec Estimé dans la mesure où l’ancienne équipe dirigeante du pays se voyait substituée par une nouvelle dont les principes politiques traduisaient largement une nouvelle culture d’exécution car cette culture en plus d’amener le peuple à remettre lui-même en question certains paramètres du féodalisme ( comme le respect absolu du patron ou du bourgeois ) fournit à la bourgeoisie ( nationale, bien sûr ) et aux classes moyennes de nouveaux éléments dans les rapports de production ( à tous les niveaux )Et Paul Magloire assumera un leadership moins par la négation de cette culture à laquelle Estimé et son équipe auront obéi jusqu’au départ du Chef que par « cette attitude de politique privilégiant l’image du Chef.» On comprend pourquoi sans nécessairement parler de renversement idéologique, on peut démontrer qu’à l’intérieur d’un système politique donné peut bien exister un régime politique axé sur le progrès et non sur le terrorisme.

Tel n’est pas le cas avec René Préval. L’homme n’a ni un nouveau style qui l’aurait démarqué de son frère jumeau Aristide ni une vision nouvelle d’une Haïti libre de mener son destin comme elle l’entend en se basant sur ses propres ressources. Sauf qu’en confiant tant de postes prestigieux aux hommes et femmes d’Aristide, sauf qu’en laissant aux zélés partisans de l’ancien prêtre tout un espace où ça manœuvre selon les directives de leur chef, Préval renforce lui-même les forces aristidiennes très heureuses d’ailleurs d’obéir aux consignes de deux chefs .Mais pas de la même façon. Autant on respecte à la lettre décisions et les quatre cent volontés d’Aristide, sous peine de se faire exécuter (sur le terrain, les terroristes d’Aristide sont les plus rapides) autant on possède TOUS LES MOYENS pour intimider Préval et même de créer de sanglants événements démontrant la capacité de faire sauter le gouvernement. On peut donc poser la thèse selon laquelle a) le mouvement lavalasse n’a rien perdu de son approche terroriste ou terrorisante de la chose politique et b) que JBA serait vraiment hors jeu si et seulement si Préval était un homme libre, sans attache vraiment lavalassienne.

A la jeunesse et à tous les compatriotes qui luttent sincèrement pour un changement majeur en Haïti avec de nouvelles balises (Mgr Kébreau) nous disons de ne pas se tromper de cibles et de pas commettre les mêmes erreurs que nos politiciens traditionnels, penser qu’un seul homme ou qu’une seule femme peut doter Haïti d’un régime politique progressiste. Non. On peut y arriver avec de nouvelles équipes issues surtout des masses paysannes (dont les revendications en tant que productrices des biens de consommation peuvent créer chez elles une prise de conscience politique) et d’une jeunesse condamnée à l’exil et au chômage si elle ne se libère pas d’un ordre politique qui fait d’elle un groupe social qui ne peut pas défendre ses intérêts.

Dr Gérard Etienne.

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