dimanche 6 juillet 2008

De la nationalité (Sénateur Boulos) à la moralité (Mme Pierre-Louis), les démagogues nous prennent pour des idiots.


Par Cyrus Sibert
reseaucitadelle@yahoo.fr
http://www.reseaucitadelle.blogspot.com/

Dans un message diffusé sur la TNH (Télévision Nationale d’Haïti) ce dimanche 6 juillet 2008, Michèle Duvivier Pierre-Louis se défend de la propagande visant à la discréditer moralement. Elle a fait mention de son sens d’éthique, de ses travaux au sein de l’Eglise Catholique, de sa collaboration avec le secteur religieux, de son expérience avec des organisations internationales, de son passé comme gestionnaire au sein de différentes institutions et de ses engagements citoyens au sein de la société civile organisée.

Une lettre du Président Préval, lu également sur la télévision d’Etat le même jour, va dans le même sens : Madame Michèle D. Pierre-Louis est une femme honnête, crédible, expérimentée et morale.

Des affirmations qui prennent le contre-pied des informations qui circulent sur le net mettant à mal la réputation du Premier Ministre désigné. Ces informations font état de relations homosexuelles avec une dame de la capitale haïtienne.

Accusations contre démentis, il n’y a que de la propagande . Dans un pays ou l’exclusion, la méchanceté et la destruction de personnalités sont les principaux motifs de l’action des acteurs politiques, on est en droit d’exiger prudence.

Nous avons observé dans ce qu’on appelle l’affaire BOULOS, le zèle des parlementaires et des personnages de la société civile pour l’expulsion des étrangers de l’appareil Etatique. « Dans nos rangs point de traite » , deux commissions parlementaires devraient faire le nettoyage. Des ministres devraient être convoqués, entendus, puis renvoyer. Quarante (40) parlementaires étaient sur la liste des élus ayant une nationalité autre qu’haïtienne. Beaucoup sont ceux de la société civile étant, participaient activement à cette lutte. En bon patriote, ils voulaient l’expulsion des étrangers, les traites, les ennemis de l’Etat.

Après plusieurs mois de discussions creuses mettant face à face les accusations contre Rudy Boulos et les démentis du Sénateur du Nord-est. Il en est résulté un abus de pouvoir, un acte d’exclusion. Et depuis lors, la société est frappée d’amnésie. Les parlementaires aussi, car les commissions sont en pleine hibernation : On dirait qu’il n’y a plus de problème. Tous les dirigeants haïtiens sont des haïtiens authentiques qui n’ont jamais renoncé à leur nationalité.

En conclusion, un principe a été utilisé pour détruire un homme et l’exclure de la scène politique.

Le dossier Ericq Pierre est une autre preuve. Le représentant d’Haïti au sein de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) n’a pas d’Etat civil. Tous les document qu’il a signé au nom d’Haïti sont ainsi frappés de doute. Le parlement haïtien a rejeté sa désignation pour faute de nom et de prénom légalement reconnus. Une enquête révélerait le pire pour la majorité des députés et des sénateurs. Car, en Haïti, l’Etat civil n’est jamais définitif. On change de nom, d’année et de lieu de naissance à volonté. Surtout s’il s’agit de se rendre éligible.

L’affaire Michèle Duvivier Pierre-Louis met à nu une faiblesse de notre société : l’absence de repères. Les institutions étant faibles, on règle les problèmes par la propagande, la désinformation, le recours aux tabous et l’abus des clichés et finalement par la violence. De plus, nos dirigeants se sentent confortables dans la démagogie. Ils disent n’importe quoi, quand il s’agit de détruire, alors que leur situation n’est pas différente. Au bout du compte il n’y a aucune finalité autre que la manipulation outrancière des idéologies et l’« instrumentalisation » des droits. L’incohérence règne en maître.

Notre position est la suivante : Le salut étant personnel, nous reconnaissons le droit naturel d’une personne de faire les choix sexuels qu’elle entend tant qu’ils (ces choix) ne portent pas atteinte aux libertés d’autrui. Ce droit est sacré et inviolable. Tout de même, nous disons qu’une société faible et déchirée par des contradictions quasi irréconciliables, comme la notre, repose tellement sur des institutions para-étatiques comme l’Eglise et la famille qu’on ne saurait ignorer et sous-estimer leurs valeurs dans le choix d’un Chef de gouvernement. Le symbolisme du Chef étant fort dans une nation sous-développée comme Haïti, un Premier Ministre doit être au dessus de tout questionnement. Son état matrimonial ne doit pas être une exception. La majorité nationale doit voir en lui une référence. Il doit être un modèle.

Mais nous disons attention ! Comme notre position sur le dossier Boulos, nous maintenons et soutenons que la question doit-être approchée sans démagogie, ni idée préconçue. Elle doit être traitée institutionnellement, c’est à dire, en tenant compte des nuances, de la complexité des normes sociales et des règles de bonne conduite largement partagées et acceptées.

D’ailleurs les voix les plus bruyantes ne sont pas morales. Une petite enquête à travers les circonscriptions démontrera sans difficultés que nos dirigeants et nos leaders ne sont pas de grandes moralités : ils couchent avec des mineures, jeunes de moins de 18 ans ; beaucoup sont des homosexuels ; ont une multitude de maîtresses ; ils fréquentent les prostituées ; ils ont un casier judiciaire chargé : par exemple, un voleur a été élus député alors qu’il était derrière les barreaux. (Je devine le sort de ce juge qui l’avait mis en dépôt) ; ils sont impliqués dans des détournements de fonds ; ils ne payent pas leurs impôts ; ils sont alcooliques ; ils ont violé la loi au moins une fois dans leur vie, etc. Que dire de l’Etat qui , au nom de la justice et du bien commun, viole au quotidien, avec impunité, ses propres lois et même sa loi mère?

Alors de quelle moralité parle t-on ?

Le président devrait commencer par décliner son statut matrimonial et s’expliquer sur cette dame qui domine le Palais National ; sans parler de ses multiples fréquentations.

Soyons sérieux !

Les principes ne peuvent pas être appliqués, temporairement, partiellement et ciblés un groupe, encore moins, on ne peut les utiliser comme moyens d’éliminer une personne bien déterminée. La démocratie , même quand elle est perçue comme un idéal plausible, c’est aussi le respect des droits des minorités. La loi est une pour tous ! To be or not to be ! Sans demagogie!

Rien ne marche dans ce pays en faillite. Le pire, les comportements des dirigeants sont répugnants. Au parlement on rit. Au palais on boit - s’ennuie, on s’enivre. Dans l’administration publique on blague. Dans les bidonvilles on crève. Dans les quartiers huppés des hauteurs on s’enferme. Dans la rue on se débrouille très mal. Le peuple s’impatiente. Finalement, il part à la chasse des bourgeois dans les mornes en construisant quelques taudis à proximité de leurs villas verrouillées. Rien ne va plus en Haïti. On passe plus de temps à déblatérer au lieu de trouver les voies et moyens pour sortir le pays de l’agonie. Entre-temps, la communauté internationale est prête. Elle a en place, sur le terrain, une structure de prise en charge au temps de la destruction finale : la MINUSTAH.


Que l’ordre du jour soit la question de nationalité ou que le débat national soit sur la moralité, nous faisons preuve d’insouciance, d’irresponsabilité et d’inconsistance.

Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
6 juillet 2008
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