La Stratiaphobie
par Gérard Bissainthe
Mes recherches m’ont amené à découvrir récemment une fable totalement inédite et dont le fabuliste Jean de la Fontaine a pu très bien s’inspirer
Les Haïtiens malades de la Stratiaphobie
Un mal qui répand la terreur,
Mal que la Communauté Internationale en sa fureur
Inventa pour punir les crimes d’Haïti,
La Stratiaphobie (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour la Minustah,
Faisait aux Haïtiens la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés:
On n'en voyait point d'occupés
A chercher les moyens de protéger leur vie
Même pas un fistibal n'excitait leur envie;
Pas un seul déchouqueur n'épiait
Les chimères ou les zinglindos.
Les Lavalassiens se fuyaient:
Plus d'amour, partant plus de joie.
Poursuivant mes recherches voici ce que j’ai découvert:
Le vocable “Stratiaphobie” vient des mots grecs: “stratia” qui veut dire “armée” et “phobos” qui veut dire “peur”. Ce mot “phobos” n’a rien à voir évidemment avec le mot créole “phobo”.
La “Stratiaphobie” est une maladie caractérisée par la peur de l’armée. Curieusement les stratiaphobes n’ont pas peur de la chose que tout le monde appelle “armée”, mais seulement du mot.
C’est que le mot, pour des raisons que les experts n’ont pas réussi jusqu’ici à comprendre, provoque chez eux des réactions diverses et des plus imprévisibles; chez certains ce mot provoque de l’urticaire, chez d’autres une maladie haïtienne qui s’appelle la tchoulouloute. Quelques uns même entrent en transes rien qu’à entendre le mot “armée”. Il en est même que le mot a pu mettre au bord de la crise d’apoplexie.
Une explication serait que l’armée est trop souvent du genre « crazé zo ». On répond que ce n’est pas parce qu’une armée s’appelle armée, qu’elle craze les os; que même si on l’appelle Police, elle crazera les os aussi bien ou même mieux, si on y tolère des crazeurs de zo; et qu’on était trop content d’avoir avant 1804 une armée qui crazaient les os des colons.
La communauté internationale dont on connait la sollicitude pour la cause des Haïtiens s’est penchée sur ce problème et a trouvé une solution à la “Stratiaphobie” haïtienne. Elle a inventé un phénomène qu’on désigne sous le nom de “Minustah”. Cette Minustah n’est rien d’autre qu’une armée dans toute l’acception du terme et qui avec ses tanks est capable de crazer les os de tous les Haïtiens de la république, quels qu’ils soient. Mais elle a un premier avantage qui consiste en ce que rien dans sa consonance n’évoque le mot redouté “armée”. En plus elle est toute entière étrangère, les stratiaphobes haïtiens ayant une prédilection marquée pour tout ce qui est “pèpè”, c'est-à-dire chimiquement pur de toute haïtianité. Par exemple pour être un soldat de Minustah, un Nègre doit venir directement d’Afrique, comme les anciens esclaves. S’il vient de Fonds des Nègres, par exemple, en Haïti, il n’est pas qualifié. Pour les Blancs, c’est pareil: la Minustah n’a aucun soldat blanc haïtien, pourtant elle aurait pu en recruter à Fonds des Blancs.
Les responsables de la Minustah avancent que si elle a dû aller chercher, par exemple dans la Pampa brésilienne et dans les coins les plus reculés de la planète des soldats pour la Minustah, (jusque, parait-il, chez les Esquimaux afin d’avoir des soldats habitués au froid pour les régions froides d’Haïti comme Furcy et la Forêt des Pins), c’est parce que Préval et Alexis n’ont jamais fait la promotion du cheptel haïtien. Ils n’ont jamais fait valoir qu’après tout Haïti a des sujets qui sont de l’acier trempé, font face tous les jours à tous les dangers avec un courage surhumain, seraient capables, mieux que Rambo, de survivre un mois dans une jungle avec cinquante gourdes; ils le font tout le temps.
Cependant certains pensent que la stratiaphobie est une fausse maladie. Pour eux elle est de l’ordre de cette déviation psychologique qui faisait dire à Tartuffe:
Oh ! Prenez ce mouchoir
Et cachez-moi ce sein que je ne saurais voir.
Le stratiaphobe haïtien dit de même
Oh ! Prenez cette Minustah
Et cachez-moi cette Armée que je ne saurais voir.
Gérard Bissainthe
11 février 2008
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