La cité de l’indépendance inondée, une femme, même enceinte, fait face courageusement aux conséquences des irresponsables haïtiens. ( Photos Haiti Connexion)
Par Cyrus SIBERT
Cap-Haïtien, le 09 septembre 2008 ; (Ré.Cit.) -.
En 2004, on était membre d’une délégation de capois qui avait collecté quelques biens pour secourir nos frères de l’Artibonite. C’était écœurant d’observer la vie des gens, toutes couches sociales confondues, en lutte avec l’eau, la boue et surtout les cadavres d’animaux et d’êtres humains emportés par les flots.
Il n’y a pire que l’impuissance !
Venant du Cap-Haitien, avec un convoi transportant des sachets d’eau, des couvertures et quelques sacs de nourriture, les sinistrés nous remerciaient. Ils avaient compris l’essence de notre modeste contribution. Toutefois, le gros de leur problème était les cadavres, la boue et l’insécurité. Il n’y avait pas de force publique pour neutraliser les gangs qui se livraient au pillage de camion. La nuit, les maisons dévastées n’offraient aucune sûreté. On nous rapportait des actes de viol, de meurtre et surtout de vol. L’odeur des cadavres envahissait la ville. Depuis Passe-reine, on avait rencontré un père de famille qui, revenu de son jardin, ne pouvait plus localiser l’emplacement de sa maison. On se souvient encore de cet agriculteur, assis sous un manguier, ne sachant quoi faire, après avoir perdu sa femme et ses six filles, toutes emportées par les eaux avec la maison familiale qui les abritait. Il y avait cette femme mère de cinq enfants qui, face à l’eau, ne pouvant sauver tous ses petits, avait opté pour le plus âgé. Elle était obligée d’ignorer les autres qui criaient « ô secours maman » et de s’accrocher à une branche d’arbre avec l’enfant chanceux dans l’autre main.
En 2004, on ne pouvait pas aider nos frères et sœurs des Gonaïves à nettoyer la ville. Avec un cadavre à chaque coin de rue, la ville était infecte. On n’avait pas les équipements indispensables pour agir. Nous étions obligés de retourner chez nous ; nous contentant de la petite distribution de nourriture. C’était gênant de jouer les touristes ; il fallait mieux rentrer chez nous. Ce jour là nous sommes retournés au Cap-Haitien avec l’idée que cela ne se reproduirait plus. Comme en 1986, on rêvait d’un autre pays ; on souhaitait que les gouvernants comprendraient l’Etat de la situation, l’urgence de repenser la ville des Gonaïves en tenant compte de cette nouvelle situation environnementale.
Encore une fois nous sommes déçus. Les dirigeants ne sont pas à la hauteur de cette tache. Derrière les slogans et avec la complicité de la communauté internationale, ils sont là, se contentant de compter les cadavres et d’en profiter pour attirer la manne humanitaire.
Nous comprenons mal le cynisme de ces dirigeants. Car le jeudi 04 septembre 2008, nous n’avions pas le courage nécessaire pour aller observer les dégâts dans la cité de l’indépendance, une deuxième fois. Frappez par un sentiment d’échec, pour n’avoir pas tenu cette promesse de ne plus revivre les catastrophes d’après le passage le cyclone Jeanne, nous nous sentons coupables. Même quand nous ne disposons pas des ressources du pouvoir public, nous avons franchement honte. Et quand de retour un ami nous dit que Jeanne n’était rien, face aux dégâts causés par Hanna, nous sommes traversés par ce sentiment de révolte contre l’Etat, la classe politique, les ONGs, la communauté internationale qui nous avait imposé René Préval et le tolère dans ses manœuvres politiciennes primaires. Nous nous sentons consumer par la flamme révolutionnaire, celle qui poussa nos ancêtres à mettre fin au système esclavagiste de Saint-Domingue.
RESEAU CITADELLE (Ré.Cit.), le 09 septembre 2008, 14 heures 22.
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