samedi 9 mai 2009

Analyses de Robert Benodin sur la nomination de Moise Jean-Charles.


Thèmes de l’Emission de la semaine
Orlando le 8 mai, 2009

Actualités Politiques : Grandes Lignes

Prévale n’a pas réagit à l’effet émotif du choc et de l’émoi provoqué par le lynchage et la décapitation horrible d’un Haïtien en Dominicanie. Mais il a choisi d’en profiter pour subrepticement ordonner au BED du Nord de se transformer en Bureau du Contentieux Electoral Départemental (BCED), pour expédier rapidement la contestation électorale de son poulain Moïse Jean-Charles. Préval par réflexe craint l’incertitude du second tour. Il craint surtout la réaction des gens du Nord qui se sont cabrés face au scandale et au danger qu’un criminel notoire devienne leur représentant au Sénat de la République. Cette manœuvre montre la détermination de Préval pour faire de Moise Jean-Charles son sénateur.

Comme dans un tour de prestidigitation deux procès verbaux, qu’on dit n’avoir pas été tabulés, apparaissent soudainement. Et c’est le décompte des votes de ces deux nouveaux procès verbaux qui fait passer de 23443 à 24252 le total des voix obtenues par le candidat de LESPWA Moise Jean-Charles. Le pourcentage obtenu par Moise Jean-Charles, passe alors de 49.49% à 51.84%. Cette manœuvre fait de lui le seul candidat au Sénat, élu dès le premier tour. Il n’a plus besoin de courir le risque du deuxième tour. Il est de fait nommé sénateur par Préval.

Les 809 votes venus de ces deux nouveaux procès verbaux que le BED du Nord prétend avoir reçu de deux bureaux de vote du Centre de vote de la commune de Milot, voilà ce qui change drastiquement la situation. La question est de savoir est-ce que ces deux nouveaux procès verbaux proviennent de deux bureaux de vote qui ont en vérité fonctionné au Centre de vote de la Commune de Milot ? Est-ce que les mandataires du candidat René Jacques Laguerre ont reçu copie de ces deux nouveaux procès verbaux après le dépouillement des urnes le 19 avril 2009 ?

Selon les articles 172 et 172.1 de la loi électorale 2008, chaque urne est accompagnée d’un seul procès verbal du dépouillement en 6 copies originaux.

Article 172 Le procès-verbal de dépouillement est préparé en six (6) originaux dûment signés et répartis ainsi:
a) un premier original est destiné au Conseil Electoral Permanent pour le Centre de Tabulation, il est plastifié par le Président du Bureau de Vote à la fin du dépouillement;
b) un deuxième original est destiné au BED de la juridiction;
c) un troisième original est destiné au BEC de la juridiction;
d) un quatrième original est affiché au Bureau de Vote en question;
e) les deux derniers originaux sont destinés aux représentants ou mandataires des partis politiques apparaissant respectivement en première et deuxième positions.

Article 172.1 Le Président du Bureau de Vote confie les trois (3) premiers originaux directement au Superviseur Principal du Centre de Vote qui les achemine lui-même au BEC pour les suites nécessaires.

Si les mandataires du candidat René Jacques Laguerre n’ont pas reçu copie des ces deux nouveaux procès verbaux après le dépouillement des urnes le jour des élections, d’où viennent ces procès verbaux ? Avons-nous affaire à deux procès verbaux frauduleux qui ne proviennent pas de bureaux de vote réels ? S’ils ne sont pas frauduleux, pourquoi les mandataires du candidat opposé à Moise Jean-Charles ne les ont pas reçu comme la loi l’exige ?

Il faut remarquer que les lois électorales depuis 1987 ont toujours établi un maximum de 400 électeurs inscrits par bureau de vote. Ceci pour permettre, à l’aide du détaille du recensement, de déterminer, où placer géographiquement les bureaux de vote de proximité, basé sur l’accumulation et la répartition démographique. Et encore plus important pour limiter l’effet du bourrage frauduleux et clandestin des urnes. Or la loi électorale de 2008 n’a pas établi de telles limites. On n’a pas besoin d’être grand clerc pour deviner pourquoi ces limites ont été supprimées ! Certes ceux qui ont créé le Registre Electoral Général, ont limité administrativement la capacité du Registre Partiel à 400. Mais la loi électorale 2008, contrairement à celles qui l’ont précédée, ne mentionne pas cette limite.

Comme décrit par les articles 159, 161, 161.1, 162 et 162.1 de la loi électorale 2008, le processus du scrutin est linéaire. En d’autre terme, il n’y a pas de chevauchement. Il n’y a pas de voies de vérification parallèles qui permettent d’accélérer le processus.
-Les votants sont en ligne par un.
-Il n’y a qu’une personne qui vérifie un par un l’identité des votants et s’ils n’ont pas déjà voté.
-Seul le secrétaire inscrit sur la seule liste d’émargement le numéro de la carte des électeurs.
-L’électeur remet sa carte au président du bureau de vote pour recevoir les bulletins de vote, et de fait retourne pour réclamer sa carte du président. Le processus n’est pas seulement linéaire, mais se repliant sur lui-même, crée un goulot d’étranglement qui le ralenti.
-Il n’y a qu’un seul isoloir au bureau de vote, etc.

Article 159 Les électeurs se présentent en ordre, les uns après les autres.

Article 161 Avant d'admettre l'électeur à voter, le Président du Bureau de Vote vérifie si ce dernier:
a) n'a pas déjà voté;
b) est inscrit sur le Registre Electoral;
c) est muni de sa Carte d'Identification Nationale (CIN).

Article 161.1 Le Secrétaire inscrit le numéro de la carte de l'électeur sur la liste d'émargement.

Article 162 Au moment de voter, l'électeur remet sa Carte d'Identification Nationale au Président du Bureau de Vote et reçoit un bulletin pour chacun des postes électifs.

Article 162.1 Dans l'isoloir, l'électeur marque d'une croix, d'un « X » ou d'un autre signe, les bulletins de vote dans l'espace (cercle, photo, emblème) réservé au candidat de son choix ou dans l’espace mentionné « aucun candidat ou aucun cartel », selon le cas.

Le processus étant linéaire, il n’est pas difficile de déterminer le temps allouer à chaque votant. Le processus du vote dure 10 heures ou 600 minutes, de 6 heures AM à 4 heures PM.

Article 153 Le scrutin se déroule sans interruption, de six (6) heures du matin à quatre (4) heures de l'après-midi, tout en tenant compte des dispositions prévues à l'article 164 ci-dessous.

Les deux nouveaux procès verbaux qui ont donné à Moise Jean-Charles 809 votes additionnels pour lui permettre d’obtenir 24252 votes et d’atteindre le pourcentage requis pour être élu dès le premier tour, proviennent de deux bureaux de vote distincts. Il nous faut alors diviser 809 voix par 2 pour avoir en moyenne le nombre de votes par bureau de vote, soit 404.5 voix. Pour déterminer le temps alloué à chaque votant, il suffit de diviser 600 minutes, le temps du scrutin, par le nombre de votants en moyenne pour chaque bureau de vote. 600/404.5= 1.4833 minutes. Pour calculer les secondes, il y a 60 secondes dans une minute. Multiplier 60 secondes par 0.4833= 28.998 secondes. Ce calcule nous montre que le temps alloué à chacun des 404.5 votants dans ce processus linéaire, est en moyenne d’une minute et vingt-neuf secondes (0 :1 :29). Il est absolument impossible dans ce processus linéaire de vérification, qu’un lettré puisse voter en un temps aussi court, une minute et vingt-neuf secondes.

Si dans l’espace de 10 heures dans ce processus électoral linéaire, il est absolument impossible pour 404.5 votants d’exprimer leur volonté politique, d’où viennent-ils ces deux nouveaux procès verbaux ? Peut-on faire foi en ces deux procès verbaux ?

Le taux de participation a été faible. Le CEP lui-même l’a reconnu et a évalué la participation à 12%. Comment se fait-il que ces deux bureaux de vote de la commune de Milot, d’où proviennent ces deux nouveaux procès verbaux, aient pu avoir une participation exceptionnelle de plus de 100% sans retenir l’attention, ni de la presse, ni du public, mais surtout celle des candidats intéressés ? Ayant une participation exceptionnelle de plus de 100%, il est absolument incroyable que les nouveaux procès verbaux de ces 2 fameux bureaux, qui auraient dû sans aucun doute retenir l’attention, soient par inadvertance omis à la tabulation du premier tour. Ceci est absolument invraisemblable.

Comme prescrit par l’article 172 de la loi électorale 2008, le candidat qui doit rentrer en compétition contre Moise Jean-Charles, pour le second tour, René Jacques Laguerre n’a pas reçu copies de ces deux nouveaux procès verbaux. Il l’a annoncé publiquement à la radio. Certes le verdict du BED du Nord déclarant Moise Jean-Charles élu au premier tour, crée des controverses. Il n’a pas encore été ratifié par le CEP. Mais il nous faut nous rendre à l’évidence que ce sont de ces types de fraudes cautionnés et encouragés par le pouvoir qui font perdre à l’Haïtien la confiance qu’il devrait avoir dans le processus électoral, si fondamental à l’établissement du régime démocratique. Les élections contestées contribuent et perpétuent la déstabilisation politique du pays !

A la lumière de ce fait, il est absolument claire que Préval veut jouer d’audace pour imposer aux gens du Nord et au Sénat ce criminel notoire, comme sénateur. Pourquoi faire ? Qu’a-t-il à gagner en commettant une telle aberration ? Se soucie-t-il du patrimoine qu’il va léguer ? Pourquoi veut-il causer ce tort irréparable à la nation et à ses institutions qui sont déjà en pleine déliquescence ? Si Préval, pour des élections sénatoriales partielles, a pu pousser l’audace pour faire de telles manœuvres nommant un criminel notoire au Sénat, qu’adviendra-il pour les élections présidentielles qui auront lieu à la fin de l’année 2010.

Ne pouvant pas, sous la pression de l’internationale, refuser ouvertement de faire les élections du 19 avril, pense-t-il pouvoir, en dernier lieu, faire d’une pierre deux coups, provoquant un affrontement et un chambardement exploitant la nomination et la validation des pouvoirs de Moise Jean Charles mal-élu ; Faire traîner éternellement le second tour, pour rendre impossibles les importantes élections de la fin d’année ? La date du second tour est déjà renvoyée du 7 au 21 juin 2009 ! Si Préval réussit ce tour de force, ce sera la répétition, copie conforme, de ce qu’on a eu comme scénario à la fin de 1998 et au début de 1999, la déclaration de caducité le 11 janvier 1999 ! Cette fois-ci ce sera aussi le 11 janvier 2010, le deuxième lundi du mois de janvier, la date de la première session ordinaire de la 49e législature !

Certes, la réussite des élections du 19 avril, préserve la Constitution de 1987 et aide à son amendement pour faciliter sa mise en application. Mais dans l’esprit de Préval, le maintien de cette Constitution, met sans appel un point final à ses ambitions présidentielles. Il est, comme Aristide, à son dernier mandat constitutionnel. Voilà où se situe pour Préval le conflit d’intérêt irréconciliable.

Préval n’est pas à son coup d’essai. La confiscation des fameuses élections du 21 mai 2000, où la Démocratie se ramassait à la pelle, a eu lieu au cours de son premier mandat avec Jacques Edouard Alexis comme premier ministre.

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