lundi 22 mars 2010

Vérité sur la Corruption en Haïti.

Haïti / Corruption

Vérité sur la corruption en Haïti

Par Jocelyn JEAN

Jeudi 18 mars 2010

L'un des plus grands freins au développement d'Haïti a toujours été et demeure encore la corruption. De 1804 à nos jours, les corrupteurs et corrompus à tous les niveaux de la société haïtienne n'ont jamais chômé. Bien avant la publication du rapport du Département d'Etat Américain sur la gouvernance en Haïti, la corruption gangrenait tout le pays et embaumait l'air que nous respirons même si Président Préval a récemment nié l'implication de ses gouvernements (passé et actuel) à des actes de corruption au sein des pouvoirs publics. Face au reniement du Président de la République, je pense qu'il devient impératif d'établir la vérité sur la question de la corruption en Haïti.

La récente publication du rapport du Département d'Etat Américain sur la gouvernance en Haïti a défrayé la chronique sur le phénomène de la corruption au sein de la société haïtienne. Les avis et indexations à ce sujet ne manquent pas. Tous les responsables des pouvoirs publics, de la présidence en passant par les ministères pour arriver au parlement et dans les mairies disent être immaculés et qu'ils n'ont rien à voir avec cette pratique au niveau de l'appareil étatique et ailleurs. Comme si ce sont les arbres qui sont corrompus en Haïti. Alors, pour éviter toute confusion et diversion, je crois qu'il est un devoir de faire jaillir la lumière sur la corruption qui ne cesse de miner la vie politique, économique et sociale du pays.

La corruption, qu'elle soit grande ou petite en matière de typologie, constitue toute forme d'abus de pouvoirs conférés par un membre de la fonction publique ou privée à des fins d'enrichissement personnel ou autre. C'est un problème de société qui n'est pas un phénomène nouveau; elle s'est manifestée dans toutes les sociétés dites démocratiques, dictatoriales, anarchiques ou autres. Donc, pas de société, d'administration, de pouvoir politique sans corrupteurs et corrompus, bref sans corruption. Dans ce cas, seule la rigueur de poursuite judiciaire fait la différence.

La corruption peut être aussi considérée comme un ensemble complexe de pratiques que j'appelle indicateurs de la corruption. Ce sont: pots-de-vin, extorsion, dessous de table, évasion fiscale, favoritisme, détournements de fonds, abus de biens sociaux, conflits d'intérêts, délits d'initiés, concussion, pantouflage, blanchiment d'argent, saucissonnage, malversations, fraudes, fraudes fiscales, fraudes douanières, contrebande, racket, 'brasse'. Dans cette perspective, Il y a corruption chaque fois que l'un de ces indicateurs entre en jeu. Donc, comment comprendre que le chef de l'Etat a pu affirmer que les gouvernements de Bellerive, Michel Pierre-Louis, Jacques Edouard Alexis et Rosny Smart n'ont jamais enregistré l'une de ces formes? Entre nous, Monsieur le Président! N'est-ce pas que vous demandez des preuves?

Au cas où le Président de la République oublie

Pour l'histoire, je tiens à rappeler que la première action entreprise par le gouvernement Alexis Préval dès leur arrivée au pouvoir en 2006 fut la levée de plaintes déposées contre l'ancien Président Jean Bertrand Aristide et les autres dignitaires du régime Lavalas pour corruption. D'ailleurs, l'actuel Ministre de la Justice, Monsieur Paul Denis, connait parfaitement ce dossier. Plus près de nous, où sont les 197 millions de dollars américains dont le gouvernement Pierre-Louis/Préval en avait la gestion? Même les plus fous du pays se mettent d'accord que cet argent s'est volatilisé et disparait dans l'espace d'un cillement.

En plus, combien de cas de malversations qui ont été dénoncés dans les médias de la capitale sur une question d'émission de chèques de 400.000 à 600.000 gourdes par la Primature à l'endroit des députés de la 48ème Législature pour éviter un vote de non confiance au gouvernement de Jacques Edouard Alexis le 28 février 2008? Beaucoup. Pas vrai? Mais combien ont fait l'objet de poursuites judiciaires. Jusqu'à présent aucun. Sous quel gouvernement, des responsables de l'ONA ont détourné l'argent des contribuables pour voler au secours de la SHEC sous pression du Ministre des Affaires Sociales et du Travail d'antan? Oh! Pardonnez-moi. Quelle présidence je devais dire.

Que s'est-il passé dans le dossier d'abus de biens sociaux à la compagnie CNE au cours de l'année 2007? N'y a pas eu aussi de délit d'initié et d'intérêt où la liquidation de certaines entreprises publiques a été juste constatée? Bien sûre que oui. Lisez le journal du 27 juin au 3 juillet 2007 du journal Le Nouvelliste et vous verrez. Mais attendez! Le Président de la République avait déclaré l'année 2007, l'année de la lutte contre la corruption. Par contre, on dirait l'année de lutte pour le renforcement de la corruption au sien de l'administration publique. Quelle autre preuve voulez-vous, Monsieur le Président? Peut-être l'arrestation de Madame Pierre-Louis jusqu'à la justification des 197 millions de dollars? Ou de Monsieur Alexis sur la justification des chèques de la Primature à des parlementaires sous une forme ou sous une autre? Qui sait?

Et le rapport du Département d'Etat Américain sur la gouvernance en Haïti

Comme d'habitude le dernier rapport du département d'Etat Américain sur la gouvernance en Haïti ne nous informe pas, pour ne pas dire du tout. Rien de nouveau. Une sorte de "boyon rechofe". Les raisons sont multiples et diverses. A part Président Préval et quelques rares responsables des pouvoirs publics, tout le reste de la population haïtienne a toujours su qu'il y a de la corruption à tous les niveaux de l'appareil étatique. Les études de l'ULCC, de la Transparancy Inernational, de la Fondation Héritage et un mémoire de licence soutenu à la Faculté d'Ethnologie le 31 janvier 2008 dont le titre est 'Corruption et Tolérance des Pouvoirs Publics en Haïti de 2004 à 2008' peuvent en témoigner. Donc, il n'a jamais été un secret pour personne que des responsables au sein des pouvoirs étatiques sont corrompus. Juste l'impunité de la corruption, dans ce cas, ne fait que continuer de faire son chemin. D'ailleurs, comment demander à des corrupteurs et corrompus de poursuivre judiciairement d'autres corrupteurs et corrompus? Qui pis est, beaucoup d'entre eux ne sont pas même conscients qu'ils le sont. Vous pouvez ne pas le croire. Mais posez la question à un ministre du gouvernement Bellerive/Préval, un sénateur, député, juge ou un agent de la PNH, vous constaterez vous même le niveau de l'inconscient des membres du pouvoir public sur la question de la corruption.

A la vérité, les responsables des pouvoirs publics à eux seuls ne pourraient jamais détourner 197 millions américains, sans compter les autres millions. Il n'y a pas de doute qu'ils ne les gardent pas dans les banques haïtiennes. Question de prudence. Il faut qu'ils aient de toute façon des acquaintances au niveau de la communauté internationale pour déplacer ces fonds. C'est la grande corruption qui se diffère des actes de corruption d'un petit fonctionnaire des pouvoirs publics. Ceci permet de comprendre que la communauté internationale n'est pas du tout innocente dans la pratique de la corruption en Haïti. Et le rapport du Département d'Etat Américain, en lieu et place de la répétition des années précédentes, pourrait au moins s'orienter vers la saisie des fonds détournés par les grands fonctionnaires de l'Administration Publique et les remettre au futur gouvernement haïtien démocratiquement élu. Est-ce possible? Absolument. Aider le pays à restituer ces fonds pourrait rentrer dans le cadre de l'aide et de la coopération. Comme ça, moins d'argent serait détourné de l'Administration Publique et le peuple aurait aussi le service tant désiré et mérité.

Qu'en est-il des ONG? Vous arrive-t-il de questionner la gestion des ONG dans le pays? A qui donnent-elles des rapports sur les millions qu'elles prétendent dépenser chaque année pour l'amélioration des conditions de vie de la population haïtienne? Au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe? Ministère de l'Economie et des Finances? Mais non, camarade. Je ne dis pas qu'elles ne nous ont pas aidé. Simplement je me demande où sont les résultats pour tous ces millions qu'elles dépensent régulièrement chaque année? Peut-on retirer les ONG de la liste des espaces contenant de grands corrupteurs et corrompus? A vous de me le dire.

Alors quelle perspective?

La pratique continue et sans relâche de la corruption soit pour enrichissement rapide, soit pour faire face aux problèmes socio-économiques confrontés ou pour acquérir un capital social, symbolique ou économique est due à la tolérance des pouvoirs publics dans la lutte contre ce fléau. L'impunité et l'absence d'une volonté politique réelle étant historiquement la règle, la corruption risque de devenir insaisissable et incurable si rien n'est fait pour barrer la route aux corrupteurs et corrompus.

Face à cet état de fait qui tend à hypothéquer davantage l'avenir du pays et les espérances de l'aspiration à un mieux être pour la majorité du peuple haïtien tant attendu depuis 1804, je pense que la bataille contre la corruption en Haïti doit être de nos jours repensée. La société civile haïtienne organisée doit entrer dans la lutte pour faire pression sur les responsables afin qu'ils puissent repenser le plus rapidement possible les textes de lois sur la corruption. Les dirigeants publics et les autorités politiques non encore infectés par ce virus ont leur partition à jouer dans ce grand combat contre l'impunité du délit de corruption et la question de l'épuration du système judiciaire doit être une réalité. Les autorités économiques, sociales et culturelles peuvent dans leur champ d'action aider à la campagne tendant à éradiquer ce phénomène.

Avec ses implications sur la société haïtienne, la corruption est devenue l'une des pierres angulaires du danger de l'effondrement convulsif de notre Etat-Nation. Il faut repousser l'idée pernicieuse qui tend à se répandre, que le mal de la corruption est partie intégrante de notre société et objet de peu d'intérêt. Haïti classée récemment (encore) sur le podium des états corrompus par la conclusion du rapport du Département d'Etat américain, le devoir de mémoire alors doit s'imposer.

Qui dit mieux?

En ce moment si difficile pour le peuple haïtien, l'amnésie ne doit pas être de mise. Il faut un devoir de mémoire, éthique citoyenne et construction d'une réelle démocratie républicaine pour combattre la corruption. Avec la collaboration multiforme de certains acteurs de la communauté internationale, en particulier dans la répression des trafics de drogue et d'armes, pour initier un développement durable et environnemental, cela relève encore de l'ordre possible. Donc, la lutte contre la corruption doit être inscrite et articulée dans tout Plan de Reconstruction qui va servir de plan global de développement pour le pays afin de mieux lutter contre ce fléau. Cependant, la volonté politique sera toujours la condition la plus importante d'une stratégie anti-corruption efficace. Voilà la vérité sur la corruption en Haïti.

Jocelyn JEAN

jocelynjean77@yahoo.fr

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