samedi 10 avril 2010

Analyse de Robert Benodin.

Thèmes de l'Emission de la semaine 

Orlando le 9 avril, 2010                                                 

Actualités Politiques : Grandes Lignes

Les résultats de la conférence de bailleurs de fond à l'ONU ont eu un succès impressionnant. On a offert à Haïti une valeur de 9.9 milliards de dollars pour sa reconstruction avec un calendrier de débours sur plus de 3 ans. Le président de la FMI prédit un taux de croissance annuelle de 8% pendant 5 ans. Le secrétaire général de l'ONU veut qu'Haïti franchisse le seuil d'un futur nouveau. Le président de la Banque mondial veut faire le point dans 6 mois pour synchroniser et harmoniser le flux des fonds et la mise en branle des projets. Le gouvernement Préval/Bellerive exige à cor et à cri la gestion de l'aide. Mais les appels d'offre pour l'exécution de ces projets se feront comme d'habitude dans les pays donneurs d'aide. L'efficacité étant la priorité des priorités, la complexité de ces projets exige que la mise en œuvre soit faite par des compagnies équipées et expérimentées dans les différents domaines que requière l'utilisation de technologies de pointe.

 

Pourquoi Préval au beau milieu de cet ahurissement triomphal a pensé à se faire dédouaner en Diaspora, pas à New York, l'épicentre du triomphe événementiel, où réside la plus ancienne et peut être la plus importante communauté haïtienne des Etats-Unis, mais en Floride avec Leslie Jacques et Alex St, Surin ? Leslie Jacques dit qu'il a été sollicité. Quel est donc le but de cette campagne qui à la fois dédouane Préval et attise les aspirations de la Diaspora ?

 

Leslie Jacques était visiblement honoré, ébahi, émerveillé, fasciné et séduit par la présence présidentielle. Tous ceux qui jusqu'à samedi dernier voyaient en Leslie Jacques des talents d'un journaliste percutant, ont été déçus. Gêné lui-même par son comportement, pour se justifier, il a essayé de s'expliquer en évoquant un prétexte peu convainquant d'ailleurs, le respect dû à l'institution présidentielle. On peut questionner un président sans l'insulter, ni l'affronter. On peut poliment insister sur un point, reformuler la question, après une réponse évasive. On peut respectueusement demander des éclaircissements. On peut aller à la recherche de la vérité avec une certaine maîtrise du langage qui peut certainement résorber toute apparence d'antagonisme. Ayant acquis l'habitude de ces genres d'entrevue qu'il pratiquait régulièrement dans un passé pas trop lointain avec le premier ministre Gérard Latourtue, il a été facile pour Leslie Jacques de reprendre ses vielles habitudes. Reprendre du poil de la bête !

 

Ce ne sont pas les questions qui n'étaient pas pertinentes. Mais le fait de permettre à Préval d'usurper sans effort le contrôle de l'entrevue. On aurait pu comprendre si nous nous trouvions dans un contexte de début de règne où le journaliste aurait voulu subtilement gérer une relation à long terme et s'aménager l'accès à la présidence pour le futur. Mais tel n'est pas le cas. On est de fait en plein dans un contexte de fin de règne. Pire Leslie Jacques en est tellement conscient, pourquoi a-t-il posé à Préval la question suivante :

 

Comment l'histoire va-t-il vous juger, quel est le patrimoine que vous êtes en train de léguer ? Certes, dans ce contexte la validité de la question est irréfutable. Cependant, Leslie Jacques a laissé libre cours à Préval, qui a débité tout azimut, sans interruption, une kyrielle de racontars et d'opinions, lui permettant par-dessus de marché de faire à plusieurs reprises de l'extrapolation pour se donner le beau rôle et améliorer avec exagération une image déjà très ternie. Il s'est senti tellement à l'aise dans sa peau, en contrôle total de la situation, qu'il a osé même aller jusqu'à décrire son successeur, en se prenant lui-même comme model. On est tombé des nues ! Bien que ce soit un sérieux coup d'audace de la part de Préval, on n'a pas pu s'empêcher de rire ! Veut-il se succéder ? A-t-il quelqu'un qu'il veut nommer comme successeur ? Jupiter rend fou ce qu'il veut perdre !

 

Quant à la Diaspora, envers qui Préval et son entourage ont toujours eu un comportement très xénophobe. Il s'est laissé aller dans des promesses et des spéculations à n'en plus finir. Il était évident, pas pour les naïfs, que Préval voulait faire saliver la Diaspora, avec ses promesses et ses élucubrations fantasmagoriques. Il a promis, pas la double nationalité, mais la multiple nationalité à la Diaspora. Il a même promis à la Diaspora la représentation parlementaire, comme pour les Français et les Italiens, la législature d'outre-mer.

 

Qu'est-ce qui en fait caractérise le pouvoir Préval ? C'est d'abord la prépondérance du pouvoir personnel. Préval ne conçoit pas la notion d'un exécutif bicéphale. Il veut, il l'a déclaré publique en présence du premier ministre, être capable de révoquer son premier ministre, sans interpellation parlementaire. Ce n'est un secret pour personne que la 48e législature soit la plus corrompue des annales de la République. Ce n'est un secret pour personne non-plus que malgré le degré de corruption entretenu par Préval au sein de ce parlement, il a jugé nécessaire d'y introduire des criminels notoires, tel que John Joël Joseph (J3) et Moise Jean Charles, pour suppléer au pouvoir de corruption, l'intimidation.

 

Depuis avril 1997 jusqu'à nos jours, sans exception aucune, la confiscation frauduleuse des élections a toujours été son violon d'Ingres pour se garantir le contrôle du pouvoir. Pensez-vous que Préval introduirait volontairement au parlement des législateurs d'outre-mer indépendants venant de la Diaspora sur lesquels il n'aurait aucun contrôle, aucune influence ?

 

Préval dit, qu'il veut faire aujourd'hui la décentralisation. Est-ce que vous vous rappelez qu'après la prestation de serment des délégués de ville et des ASEC, suite à la réunion de Kalico le 28 juillet 2007, pour empêcher les élections indirectes, qui devraient finalement déboucher sur la décentralisation, l'établissement d'un CEP permanent, le choix des juges par les autorités territoriales, la nomination des délégués interdépartementaux ayant droit de siéger avec voix délibérative au conseil des ministres. Il est passé immédiatement à l'attaque au lendemain de l'installation des délégués de ville et des ASEC, pour détruire le CEP qui a organisé les élections qui l'ont ramené au pouvoir. Et il l'a remplacé par un CEP de son cru.

 

Vous vous rappelez les commentaires faits par Préval à propos des délégués interdépartementaux : « moin pa vlé moun sa yo vin la ! » C'est absolument évident que la présence de ces délégués interdépartementaux défendant individuellement au sein du conseil des ministres les intérêts de chaque département, serait entrée automatiquement en conflit avec l'omnipotence présidentielle. Alors que les ministres soient tous indistinctement assujettis à la domination de Préval, menacés par le danger de la révocation, s'ils vendent la mèche. Les délégués interdépartementaux sont absolument indépendants de Préval, nommés par les autorités territoriales. Ils défendent des intérêts qui sont propres à leurs départements et peuvent dénoncer publiquement des décisions qu'ils jugent être préjudiciables à leurs intérêts.

 

Vous Vous rappelez les pressions faites par Edmond Mulet (première version) pour l'adoption de la loi sur la magistrature. En septembre 2007, bien qu'on ait voté au parlement et que l'Exécutif ait promulgué sur le Moniteur, 3 lois sur la magistrature qui devrait établir l'indépendance administrative et financière, pour permettre au pouvoir judiciaire d'agir sans l'influence de l'Exécutif. Préval jusqu'à présent ne les a jamais mises en vigueur. Le commissaire du gouvernement reste et demeure un personnage politique, jusqu'à présent. Vous comprenez, que pour garantir l'impunité à ses exécuteurs de basses œuvres, Préval est obligé de maintenir un corps judiciaire qui lui soit totalement soumis. Le pouvoir judiciaire doit fonctionner sous le contrôle exclusif de Préval, pour qu'il ait et exerce un pouvoir absolu.

 

Aujourd'hui la 48e législature et un tiers du Sénat déjà en caducité depuis le 11 janvier 2010, divisé sur la constitutionnalité de la prolongation de la période d'urgence post-séisme, elle vient de voter la prolongation, par 43 voix pour, 6 voix contre et 3 abstentions. Le parlement tel qu'il est organisé et qu'il fonctionne après avoir proclamé la liste d'amendement à sa dernière session ordinaire le 14 septembre 2009, n'a plus l'authenticité juridique pour légiférer. En outre, l'état d'urgence n'existe pas dans notre constitution. L'état de siège existe, pas l'état d'urgence. La constitution de 1987 dans les articles 278 à 278.4, définit les cas et les conditions pour l'instauration de l'état de siège qui est un acte d'un degré supérieur à l'état d'urgence. Même dans ce cas, la Constitution précise en son article 278.2 que « l'Assemblée Nationale arrête avec le Pouvoir Exécutif, les garanties constitutionnelles qui peuvent être suspendues dans des parties du territoire mises en état de siège ». La constitution de 1987 limite les conditions de suspension des libertés et des droits et de l'octroi des pleins pouvoirs à l'Exécutif. Or l'état d'urgence quand il existe, ne donne-t-il pas les pleins pouvoirs absolus à l'Exécutif ? En d'autres termes, l'état d'urgence proclamé, ne rend-il pas caduc automatiquement tout parlement, même si ce parlement était fonctionnel ? Ce parlement ne l'est pas aujourd'hui. Pourquoi donc la communauté internationale va-t-elle s'amalgamer dans cet imbroglio, se cherchant une confirmation parlementaire adoptée par une législature caduque ? Qui a intérêt dans ce jeu de dupe ?

 

Dans sa poursuite du pouvoir absolu, Préval propose au parlement de prolonger pour 18 mois la loi d'urgence post-séisme. Or dans 10 mois, le 7 février 2011, est-ce que Préval ne sera pas à la fin de son dernier mandat constitutionnel ? Le danger est, qu'ayant obtenu les pleins pouvoirs absolus, par le biais de l'état d'urgence, Préval ne pourra-t-il pas sans coup férir mettre la constitution en veilleuse ? Ce sera pour le malheur du pays. Allez-vous en résigné avaler cette couleuvre ? Is Préval the only man in town?


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