Les grands pays émergents se retrouvent à Brasilia | 15.04.10 | 15h08 • Mis à jour le 15.04.10 | 15h12 Brasilia, envoyé spécial La Chine est devenue un acteur économique majeur en Amérique latine. Troisième partenaire commercial du sous-continent, elle pourrait, à l'horizon 2014-2015, ravir la deuxième place à l'Union européenne, selon un rapport publié cette semaine par la Commission économique pour l'Amérique latine (Cepal). Fort de la montée en puissance de son pays dans le monde "latino", le président chinois, Hu Jintao, sera la vedette du 2e sommet des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), le groupe des quatre grands pays émergents, vendredi 16 avril, à Brasilia. Sommet. Le 2e sommet des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) se tient, vendredi 16 avril à Brasilia. Poids. Les BRIC représentent 26 % de la superficie de la planète et 32 % de ses terres agricoles, regroupent 42 % de la population et pèsent 15 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Commerce mondial. Leur part était de 7,2 % en 2000 et de 15 % en 2009. Cette croissance est due pour l'essentiel à la Chine (3,9 % des exportations mondiales en 2000 ; 10 % aujourd'hui) . Le président russe, Dmitri Medvedev, et le premier ministre indien, Manmohan Singh, participeront à ce rendez-vous, aux côtés de leur hôte brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva. Hu Jintao fera à cette occasion une visite officielle au Brésil. Ce sera sa dixième rencontre avec le président Lula, et sa deuxième au Brésil. L'essor des échanges entre le géant d'Asie et les pays de la région résulte de la complémentarité entre leurs économies. D'un côté, une Chine avide de matières premières, d'énergie et de denrées agricoles ; de l'autre, une Amérique latine qui en est riche.
Cette relation commerciale florissante témoigne pourtant d'une forte asymétrie : l'Amérique latine fournit presque exclusivement à la Chine des produits de base, alors que cette dernière lui vend des biens manufacturés à forte valeur ajoutée. Le pétrole représente 94 % des ventes de l'Equateur à la Chine, le soja et ses produits dérivés 80 % de celles de l'Argentine.
Leader économique et politique régional, le Brésil demande à la Chine de corriger cette relation de type "néocolonial" qu'il subit lui aussi. En 2009, la Chine est devenue son premier partenaire commercial, détrônant les Etats-Unis. Les exportations du Brésil vers la Chine ont, en valeur, été multipliées par quinze depuis 2000. Mais en 2009, 73 % d'entre elles correspondaient seulement à trois produits : le minerai de fer, le pétrole et le soja.
Le Brésil subit, comme tout le monde, les effets de la sous-évaluation de la monnaie chinoise, le yuan, conjuguée, dans son cas, à une surévaluation de sa propre monnaie, le real. Cette affaire le préoccupe, mais il ne veut pas en faire pour l'heure un cheval de bataille antichinois car, souligne le président de la Banque centrale, Henrique Meirelles, "notre croissance reste surtout tirée par la demande intérieure". Le Brésil se soucie davantage des exportations que la Chine lui enlève dans son aire commerciale naturelle, l'Amérique du Sud. "Cela se passe sous notre barbe", pestait récemment le président Lula devant ses ministres. Le Brésil perd des parts de marché en Argentine au profit de la Chine, et vice-versa. Les deux voisins, qui entretiennent une relation commerciale tumultueuse, le premier reprochant au second son "protectionnisme" tarifaire, ont pourtant décidé, fin mars, de réagir ensemble en promouvant des missions conjointes en Chine.
A cela s'ajoute depuis peu la "guerre du fer", où la Chine et le Brésil s'affrontent par entreprises interposées. Premier fabricant d'acier de la planète, la Chine accuse les trois grands groupes miniers, les anglo-australiens Rio Tinto et BHP Billiton et le brésilien Vale, numéro un actuel avec 33 % de la production mondiale, de se comporter comme un "cartel" qui aurait abusé de sa "position dominante" en doublant quasiment le prix du minerai.
Le Brésil fait enfin grief à la Chine de ne pas investir chez lui alors qu'il aura besoin de capital étranger, notamment pour organiser la Coupe du monde de football (2014) et les Jeux olympiques (2016). Lors de sa première visite, en 2004, M. Hu avait promis de consacrer 70 milliards de dollars (51 milliards d'euros) à l'Argentine et au Brésil. Il n'en a rien été. La Chine a investi au Brésil, entre 2007 et 2009, 1 % de ce que les Pays-Bas ont eux-mêmes investi.
Mais les choses commencent à changer. Les dirigeants de 65 entreprises chinoises participent cette semaine à des séminaires à Rio de Janeiro et à Sao Paulo. Ils affirment vouloir investir et produire au Brésil. La compagnie chinoise Sinopec va se lancer dans l'exploration pétrolière. M. Hu visitera le port qui abritera le terminal d'exportation du fer vers la Chine. En échange d'une participation à son financement, Pékin aura une garantie de livraison pendant vingt ans.
"Nous n'avons aucune illusion romantique sur nos relations avec la Chine", disait il y a peu un ancien ambassadeur brésilien à Pékin. Le Brésil a bien pris conscience de l'agressivité commerciale de la Chine et de ses atouts en matière de compétitivité. Exemple : la Chine participera en bonne place à l'appel d'offres pour la construction de la ligne TGV qui reliera Sao-Paulo à Rio.
"Il y a, bien sûr, des contradictions, voire des conflits entre les BRIC, notamment avec la Chine, déclare au Monde, l'ambassadeur Roberto Jaguaribe, le coordinateur du sommet de Brasilia. Mais pour l'instant, l'émergence politique et économique de la Chine est un événement positif. Nos quatre pays ne prétendent pas, cette semaine, prendre des décisions. Nous voulons surtout renforcer notre concertation pour promouvoir des idées communes, comme la réforme de la gouvernance mondiale."
La réunion des BRIC était précédée, jeudi, d'un sommet Brésil, Inde et Afrique du Sud, représentée par le président Jacob Zuma. |
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