jeudi 15 avril 2010

Risques sismiques du Nord

Jean Erich René

erich@mondenet.com

Ottawa-Canada

15 Avril 2010  

Nous applaudissons avec frénésie l'initiative combien louable lancée par la Direction Départementale de la Protection Civile du Nord pour arrêter les mesures indispensables en vue d'une éventuelle catastrophe. Toutes nos félicitations aux instances internationales et nationales telles que : la MINUSTAH, l'OXFAM, la World Vision, les ministères de l'Education nationale de la Planification, des Mines et la Police Nationale d'Haïti (PNH). Un ban spécial pour les Autorités Locales du Nord qui ont emprunté à la fourmi sa prévoyance en dressant un nouveau plan de contingence pour parer au mauvais temps.

Une fois de plus le premier cri est parti du Nord héroïque. Son écho doit se répercuter à travers les autres Départements Géographiques du pays. Compte tenu de l'exiguité de notre territoire les secousses telluriques du Nord concernent le Nord'Ouest et auront des retombées directes sous forme de tsunami dans la Grande Anse. Pour éviter toutes spéculations alarmantes nous allons faire appel à l'histoire et à la géophysique pour justifier nos craintes.

Tout d'abord nous devons préciser que selon la littérature scientifique relatives à la tectonique des plaques les deux failles les plus dangereuses du Monde sont :

la faille de San Andreas en Californie (USA)

la faille Septentrionale située au Nord d'Haïti

Les risques sismiques du Nord d'Haiti n'impliquent pas seulement le Cap-Haitien mais toutes les villes côtières du Nord En effet, la faille Septentrionale part du Nord de Santo Domingo en passant au Sud de Monte Christi, traverse Fort Liberté, Cap-Haitien, Le Borgne, St Louis du Nord, Port de Paix. Moreau de St Mery dans son ouvrage : « Description topographique, physique, civile, politique et historique de la Partie Française de l'Ile St Domingue a fait un relevé exhaustif des tremblements de terre jusqu'en 1551. Il revient au Père Cherer du Séminaire Collège St Martial de chiffrer au nombre de 38 la liste des Tremblements de terre qui ont frappé Haïti de 1551 à 1900. Notamment citons :1684, 1691, 1701, 1713, 1734, 1751, 1768, 1769, 1770, 1771, 1783, 1784, 1785, 1786, 1787, 1788, 1789, 1818, 1860, 1864, 1881, 1887, 1904, 1910, 1911, 1912, 1917, 1918, 1922, 1924, 1946, 1952, 1956, 1946, 1952, 1956, 1962, 1997. Nous ajoutons 2008 et 2010.

Comme vous pouvez bien le constater de 1684 à 2010 Haïti a connu 40 tremblements de terre. A cause de notre analphabétisme biséculaire et notre culture GRIOT héritée de l'Afrique, axée sur la transmission orale, le passage des séismes n'a pas été capté par l'écriture. Ces souvenirs funestes ont disparu dans la mémoire collective. Mais les séismes connus en Haïti, selon la carte de Fréquence et de Localisation dessinée par l'Observatoire du Petit Séminaire Collège St martial sont pour :

Port-au-Prince : 1701, 1751, 1770, 2008, 2010

La Zone Nord : 1562, 1783, 1842, 1887, 1897, 1904 avec des magnitudes allant de 7.0 à 8.1.

Pour vous décrire l'ampleur des dégâts déjà causés dans le Nord, nous laissons la parole à un témoin oculaire, nul autre que Dantès Bellegarde qui dans son livre « La Nation Haïtienne, p.110) » rapporte : « Le 7 Mai 1842 le Cap-Haïtien et toutes les régions du Nord dont toutes les maisons étaient construites en maçonnerie, ne furent plus qu'un tas de décombres sous lesquels près de 10 mille personnes furent ensevelies. » Notez le nombre de décès enregistrés dans la zone Nord : 10.000 , soit 5000 respectivement au Cap et à Port de Paix qui ne comptaient en ce temps chacune qu'une population de 10.000 habitants. Le taux de mortalité était donc de 50%.

Pourquoi la région du Nord est-elle si vulnérable au Tremblement de Terre?

Comprise entre les parallèles de 17º 40' et 19º 56' de latitude Nord, 68º 20' et 70º 01' de longitude Ouest, l'Ile d'Haiti est située à proximité des plaques tectoniques de la Caraibe et de l'Amérique du Nord. La surface de la terre est constituée d'un ensemble de plaques assemblées comme un puzzle sans être soudées avec la capacité de se déplacer en donnant naissance au tsunami. Si nous évoquons des tableaux aussi funestes c'est en vue de sensibiliser la population haitienne sur l'importance et le bien fondé du nouveau Plan de Contingence du Département du Nord. La Faille Septentrionale accuse une réserve d'énergie dont la majeure partie n'a pas été libérée depuis 800 ans.

Cette faille a donc subi une déformation qui se situe entre 3 à 4 mètres sur son côté latéral gauche, soit une déformation de l'ordre de 7 mm par an. Si elle libère cette énergie , les géophysiciens estiment un séisme de magnitude de 8.0. A Santo Domingo.on se prépare dans l'éventualité du prochain séisme du Nord en mettant l'accent sur la résistance des batiments au séisme. La priorité est accordée surtout aux Hopitaux et aux Ecoles: « The Emergency Operations Center inclut dans son plan national d'urgence pour les séismes, alerte dans le nord du pays, pour la menace que représente la Faille Septentrionale, qu'il y a une partie sans activité depuis 800 ans. Dans le pays, le séisme le plus dévastateur survenu en 1946, était de 8,1 et dévasta Matancitas à Nagua. »

http://tatun.unblog.fr/2010/02/01/la-rep-dominicaine-se-prepare-a-un-eventuel-tremblement-de-terre-de-75/

Le côté le plus crucial c'est que, lors d'un séisme, le taux de mortalité varie avec l'effectif de la population et ses types de logement.Le Tremblement de Terre de 1842 a raflé la moitié de la population du Cap Haitien et de Port-de-Paix.. Faites le décompte, en jugeant de l'importance démographique actuelle de la Zone Septentrionale d'Haiti pour mesurer l'ampleur de la menace. Imaginez la tragédie, compte tenu des constructions anarchiques et de la densité de la population dans les bidonvilles. 500.000 personnes habitent la ville du Cap-Haitien et ses banlieues. Le Délégué Départemental, Georgemain Prophète nous confesse : «Malgré le déficit en ressources humaines et matérielles dont souffre la région, nous savons tout ce qu'il faut faire pour éviter le pire. Mais Port-au-Prince garde tout et ne lâche rien, prétextant que nous n'avons pas besoin d'argent pour résoudre les problèmes.»

Nous en profitons pour attirer la population de la Grande Anse sur les retombées du séisme éventuel de la Faille Septentrionale d'Haiti. Nous ne voulons pas entonner le chant d'un oiseau de mauvaise augure puisqu'à la Rencontre de Santo Domingo le 30 Août 2009, nous avions insisté sur la forte probabilité du Tremblement de Terre de 2010 en nous basant sur une loi géophysique relative à leur récurrence chaque 100 à 120 ans. En établissant la correspondance par rapport au siècle dernier nous retenons pour le 21e siècle : 2010, 2011, 2012, 2017, 2018, 2022, 2024, 2046, 2052, 2056, 2062. Les emplacements sont identifiés par des étoiles de toutes nuances, selon leur importance, dans la légende de la Carte de Fréquence et de Localisationa du Père Cherer. Les autres régions du pays doivent emboiter le pas aux autorités du Nord. Tout mouvement enregistré au niveau de la Faille Septentrionale va provoquer la remontée du niveau de la mer dans la Grande Anse. Caveant Consules!

Les Grand'Anselais ne doivent pas dormir sur leurs lauriers en se confortant dans un faux sentiment de sécurité et rester indifférents aux risques sismiques du Nord. La Grande Anse va enregistrer ses effets sous forme d'un tsunami. La ville de Jérémie bâtie en amphitheatre et comprise entre18.667 à 18° 40' Nord et 74.150 à 74° 9' Ouest n'est pas trop exposée. Mais les populations riveraines sont très vulnérables à une augmentation du niveau de la mer. On assistera à la remontée des eaux profondes accumulées dans les roches karstiques , susceptible de provoquer une violente crue de la Rivière de la Grande Anse et l'inondation des plaines en contre-bas.

http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/cahiers/PTP/18437.PDF

En octobre 1935, la plupart des gens qui habitaient la vallée de la Grande Anse ont péri. Selon Eddy Cavé dans « Mémoire de Jérémien; p.196; Les Editions du CIDIHCA; Montréal, 2009 »: " L'auteur (Jean Desquiron) traite aussi de l'inondation de la Grand'Anse en octobre 1935, qui fit des milliers de morts. Le lecteur d'aujourd'hui refusera peut-être de croire que, les communications étant coupées avec l'extérieur c'est par la base militaire de Guantanamo que Port-au-Prince sera informée du désastre. Desquiron nous apprend que l'équipage d'un bateau marchand, croisant au large de Jérémie, tomba par pur hasard sur le spectacle atroce d'un troupeau de requins dévorant des milliers de cadavres. Il alerta Guantanamo qui ordonna une visite des lieux et informa le Gouvernement haïtien du désastre."

Dès lors, conscients de l'imminence du danger, il était de coutume au niveau de Ravine Blanche d'avoir deux maisons : l'une en plaine l'autre en montagne en prévision d'une crue surprise. De nos jours la mémoire collective a perdu ce réflexe et nos co-citadins ne prennent plus des mesures de précaution. La nouvelle génération construit inpunément leurs maisons à Gébeau, La Digue, Ravine Blanche, Gelin etc. des zones à risques. Nous embouchons la trompette pour annoncer à nos congénères Grand'Anselais qu'en termes d'inondation et de résurgence des eaux souterraines sous l'influnce d'un tsunami, ils sont aussi concernés et même menacés par les risques sismiques du Nord.

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