Haïti-Justice : Et si Jean Saint-Fleur n'était pas inspecteur de police? Par : Cyrus Sibert, souvenirfm@yahoo.fr Le lundi 31 mai 2010, sur les ondes de Radio Vision 2000, l'opinion publique avait droit à une bataille médiatique entre le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Maitre Manès Louis et son supérieur hiérarchique Paul Denis, ministre de la justice. Il s'agissait d'analyser la libération de Jean Saint-Fleur, un inspecteur de la Police Nationale d'Haïti, emprisonné pour coups et blessures sur la personne de Eglanès JEAN, un pompiste de la capitale, et le bien-fondé de la révocation du Chef du Parquet pour insubordination. L'Officier de Police en question a été emprisonné durant environ un mois au pénitencier national. Finalement, il a bénéficié d'une décision de justice. Dans le jugement, il a été déclaré non coupable. Non content de la décision du juge, Maitre Manès Louis a interjeté appel. Un comportement, plutôt non-protocolaire, vu que le commissaire du gouvernement, aussi bien que l'officier de police relèvent tous les deux du Ministère de la Justice. En conséquence, l'appel devrait être une initiative du plaignant. Ce dernier a aussi le droit d'exiger des réparations pour les sévices corporels subis. Me Manès Louis a ainsi laissé apparaitre ses sentiments contre l'Officier de police. Il a tenté d'utiliser l'appel pour le punir, malgré un jugement affranchissant l'accusé hors des liens de la détention. Sa décision parait, pour le moins, intéressée. Dans la matinée du 31 mai, sur les ondes de Radio Vision 2000, le Commissaire du gouvernement avait utilisé tous les artifices procéduraux pour expliquer sa décision et justifier son acte de bouder une convocation du Doyen du Tribunal Civil qui comptait statuer sur la requête de l'avocat du détenu protestant contre la détention de son client. La liberté étant le principe, la détention l'exception, on ne saurait emprisonner une personne sans une décision de justice. Tandis que, dans l'après-midi du même jour, le ministre de la justice Paul Denis, à son tour, essayait de démontrer que le commissaire du gouvernement Manès Louis avait tort. En tentant de garder l'officier de police en prison, sous prétexte qu'il avait interjeté appel, tout en refusant de répondre à une convocation du Doyen du tribunal civil pour étudier la requête de la défense, Me Louis fait du dossier une affaire personnelle. Il a fait montre d'une volonté de punir l'Officier de police pour des raisons que nous ignorons. Une situation qui n'est pas nouvelle, car il y a toujours lutte entre la justice et la police. De plus, l'inspecteur Saint-Fleur est connu pour son comportement cavalier. Il avait bastonné un député en exercice. Le comportement de l'homme semble avoir donné ras le bol au Commissaire de Port-au-Prince. Toutefois, même dans notre contexte de confusion sur la démocratie, confusion qui tend à banaliser toute chose, à niveler par le bas et à affaiblir la société, un officier supérieur de la Police n'est pas n'importe qui. Généralement, c'est un personnage important qui, certes n'est pas au dessus des lois, mais quand même, un homme qui mérite un traitement particulier. L'emprisonner, pour un délit mineur, alors que normalement quand il n'y a pas « crime de sang » l'accusé peut toujours rester en liberté en attendant la sentence, est une mesure extrême qui montre que nos gouvernants n'ont pas encore saisi la dimension étatique de leur décision. Ils ont exposé un homme qui tous les jours prend des risques pour notre sécurité aux vendettas des criminels condamnés du Pénitencier National. Les préjugés et l'orgueil du Chef du Parquet ont ainsi primé sur le moral de l'unique force publique, sur la sécurité publique. Cette tendance exhibitionniste qui domine le parquet de Port-au-Prince depuis l'arrivée de Me Claudy Gassant affaiblit la justice haïtienne au point que certains observateurs parlent déjà de ''dictature du parquet'' : c'est une menace pour les libertés civiles. Face à cette situation, le simple citoyen se pose la question suivante : Et si Saint-Fleur n'était pas un inspecteur de police ? S'il était un simple citoyen anonyme comme moi, ignoré des membres du gouvernement, de la presse et de l'opinion publique ? Ce dossier nous rappelle l'effet contre productif des cas comme l'emprisonnement des responsables de services de renseignement en Haïti. Les Directeur de l'UCG (Unité Centrale de Gestion) Bureau étatique responsable du renseignement financier a été emprisonné à partir d'artifices du système juridico-légal, Michael Lucius en poste à la DCPJ (Direction Centrale de la Police Judiciaire), le service de renseignement de la PNH, a été persécuté par la justice. Aussi, devons nous renouveler la nécessité de la réforme de la justice. Dominé par les visions des régimes dictatoriaux qui se sont succédé, le système pénal haïtien porte trop sur l'emprisonnement ou la privation des libertés. Il laisse au Commissaire du gouvernement trop de marge de manœuvre sur la liberté des citoyens, il existe trop de possibilités pour garder illégalement un citoyen en prison. A partir des tractations de Me Manès Louis pour maintenir en détention l'inspecteur Jean Saint-Fleur, on peut facilement comprendre pourquoi les prisons haïtiennes sont ainsi remplies. Nous sommes sûrs que la moitié des détenus sont emprisonnés à partir des caprices du parquet. Si dans le cas du Commissaire Saint-Fleur, il y a tout l'air de règlement de compte pour une raison inconnue du grand public, dans d'autres cas, des magistrats du parquet utilisent ces tactiques pour remplir les prisons et faire fortune en termes de pots de vin pour la libération des détenus. Quand il n'y a rien chez le Magistrat, il y a un détenu à libérer en échange de quelques milliers de ''dollars américains''. Une pratique qui ressemble étrangement au kidnapping. Quel investisseu serait assez fou pour s'aventurer dans un pays, où sa liberté et ses biens ne dépendent que de l'humeur et/ou du bon vouloir d'un homme exhibitionniste et animé d'une intention de nuire qu'on appelle MAITRE ? Pourra-t-on reconstruire ou refonder Haïti sans investisseurs, donc sans emplois ? N'est-il pas urgent de réformer en profondeur le système judiciaire haïtien ? L'inspecteur Jean Saint-Fleur, pourrait-il jouir de sa liberté, s'il n'était pas un Haut-gradé de la Police? Si on interroge les faits, l'histoire de la justice haïtienne et les pratiques procédurales en cours, la réponse ne se fait pas attendre. RÉSEAU CITADELLE (Ré.Cit.), le 08 Juin 2010, 16hres 23. |
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