www.jeansenatfleury.com Juin 2010 JSF- Monsieur Vernet Larose parlez-nous de votre formation professionnelle et de vos expériences ? Prof. Larose- Je possède une vaste expérience en intégration culturelle et en audit institutionnel et une solide expertise en analyse de milieu de travail, en changement organisationnel et en gestion de projets. Je détiens un diplôme d'études approfondies en sociologie, spécialité économie sociale et développement. J'enseigne la sociologie et l'histoire. JSF- Rentrons dans le vif de notre sujet : La reconstruction d'Haïti. Comment comprenez-vous ce terme « Reconstruire Haïti »? Prof. Larose- Souffre d'un déficit de légitimité assez cuisant. Un gouvernement en fin de mandat qui laisse une impression parmi une partie de la population d'une décision délibérée de l'exclure dans la structuration de son espace social. La reconstruction ne se définit pas que dans le bâti, mais dans l'interaction entre population et son milieu de vie, sinon c'est un désert où s'élèvent des immeubles. JSF- Reconstruire Haïti : Pouvez-vous identifier les principaux défis qui se présentent à l'état haïtien (incluant notamment les défis en matière de politiques publiques) et définissent les décisions prioritaires à entreprendre? Prof. Larose- À la société haïtienne, en finir avec l'instabilité politique qui ruine le pays depuis le début de sa fondation. Réaliser des élections citoyennes représente le plus grand défi à relever, l'urgence des urgences, car c'est dans la légitimité de l'État et le statut de la société civile que se dessinent les enjeux susceptibles de baliser à la fois le post 12 janvier 2010 et le post 7 février 1986-2011. Sinon, l'édifice s'écroule, faute d'une fondation préalablement posée. JSF- Comment analysez-vous le plan mis en place par le gouvernement haïtien et la communauté internationale dans le cadre de la reconstruction d'Haïti ? Prof. Larose- Tirer du standard des tiroirs des organisations internationales pour y aller vite au profit d'entreprises étrangères et d'experts mercenaires ne peut qu'accentuer le sentiment de la population qui ne rêve qu'à partir outre-mer, c'est le cas de la moitié de la population, plus de quatre millions , suivant un sondage Gallup mené dans 137 pays, en 2009 et présenté lors de la journée internationale de la migration, d'aggraver le fossé qui clive davantage les élites et un bonne partie de la population. JSF- Si vous avez des avis à donner aux acteurs impliqués dans l'exécution du plan de la reconstruction d'Haïti réunis au sein du CIRH. Quels seront vos avis ? Prof. Larose- Je suis pour la « reconstruction » au ras de sol, par et pour la population en fonction de notre tropicalité et dans le cadre du travail comme marqueur de dignité et de responsabilité. JSF- Fixer les responsabilités: Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a occasionné des pertes considérables au sein de la communauté haïtienne. Plus de 200.000 morts, près d'un million de sans-abris, la capitale haïtienne et plusieurs villes dans le Sud du pays ont été sévèrement endommagées par le séisme. Comment fixer les responsabilités? Prof. Larose- Il suffit d'établir une comparaison entre les dommages réclamés par le président Barack Obama à la firme BP responsable de la catastrophe pétrolière, donc dans un État de droit, et le non-droit qui règne à l'issue de l'hécatombe. C'est à l'État qu'incombe de fixer et de faire respecter les normes. JSF- Comment voyez-vous la participation de la diaspora haïtienne dans le cadre de la reconstruction d'Haïti ? Prof. Larose- Les transferts d'argent continuent, des obligations familiales internationalisées. Les professionnels se positionnent pour obtenir des contrats et offrir leur compétence. Les relations ne débordent pas la sphère privée. On n'a pas encore élaboré un cadre où s'accumulerait du capital social: un degré élevé de confiance interpersonnelle et de participation aux associations civiques. JSF- Les leçons à tirer dans le séisme du 12 janvier. D'après vous que sont-elles ? Prof. Larose- Le corps-État, l'État c'est moi !, est plus que comateux, il est squelettique. Créer des institutions constitutives de l'État de droit s'invite comme la voie la plus impérative à emprunter en vue d'endiguer la tendance à la disparition, écologiquement et socio-économiquement, de ce pays. JSF- L'historien Christophe Wagny dans son ouvrage Haïti n'existe pas [ed. Autrement 2004] a dénombré un certain nombre de causes extérieures à l'échec socio-économique d'Haïti. Comment expliquez-vous le retard d'Haïti sur le plan socio-économique. Prof. Larose- La mise en quarantaine dès 1804, le paiement de la dette de l'indépendance, le système agro-exportateur marchand, consacré par le code rural de Boyer, les spéculateurs et les consignataires accaparent la grosse part des revenus qui y sont dégagés ; ce qui se traduit par la spécialisation d'Haïti au titre de pays pourvoyeur de force de travail sous évaluée. Se déroule un cercle vicieux, pas d'économie de plantation mais migration de la main-d'œuvre à Cuba et en République Dominicaine pour faire la zafra et la pauvreté refoule l'économie du tourisme. D'après mon analyse sont les différentes causes expliquant le retard d'Haïti sur le plan socio-économique. JSF- Christophe Wagny dans le même ouvrage a encore dit : « Il ne s'agit peut-être pas de reconstruire Port-au-Prince, mais de construire enfin un pays qui ne doit pas exister que par sa capacité à se relever. Partagez-vous la même opinion au regard de la reconstruction d'Haïti ? Prof. Larose- Une communauté haïtienne s'est structurée après la proclamation de l'indépendance : c'est notre ruralité. Cependant, en qui concerne, l'urbain, échec et mat ! L'exposition Universelle de 1949, à l'occasion de la commémoration du bicentenaire de la ville de Port-au-Prince, n'a duré que l'espace d'un cillement, même si elle fut financée sur un emprunt national. Depuis Jean-Claude Duvalier s'accélère une régression historique et à l'issue du séisme du 12 janvier, on s'enfonce dans l'abîme, qui n'est rien d'autre qu'une catastrophe politique. JSF- Professeur à l'Université, comment voyez-vous la reconstruction de l'enseignement supérieur en Haïti ? Quel rôle peut jouer l'éducation dans le cadre du développement d'Haïti ? Prof. Larose- Un autre bien rare, c'est la capacité de penser, ce que conceptualiser veut dire. L'Université représente le lieu de la production et de la transmission du savoir. Interroger une certaine réalité, qui est toujours une construction sociale, en l'occurrence, aujourd'hui, l'éducation. Or la forme scolaire née aux 16e et 17e siècles, salles de classes et maîtres, est rendue obsolète par la révolution numérique et l'écologique. Il faut à la fois penser à un aménagement du territoire et une forme scolaire autre, et même médicale, télé enseignement, télé médecine, etc. C'est l'avenir qui doit guider les choix à faire relatifs aux politiques publiques afin de nous permettre d'effectuer des raccourcis, d'optimaliser les allocations de ressources, dans un pays qui est insolvable, un déni d'État, aggravé par l'économie de charité en forte expansion depuis le temps des catastrophes- Georges, Fonds-Verrettes, Gonaïves, séisme- Au-delà des réformes des trois cycles d'études universitaires, il importe de prendre une décision fondée en raison, les coûts-avantages : s'enliser dans la forme traditionnelle, l'enseignement présentiel ou entrer systémiquement dans le numérique, qui a, intrinsèquement toutes les caractéristiques d'un bien public. JSF- Quels sont les grands défis qui se présentent à Haïti dans le cadre du renforcement institutionnel et de son développement ? Prof. Larose- Institutionnalisation, socialisation. Faire activer les mécanismes de l'affiliation qui se situent aux niveaux méso et macro: les églises, le scolaire, les associations, bref, le système d'intermédiation propre au monde moderne. JSF- La question de la double nationalité est l'objet de maints débats au sein de la communauté haïtienne tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Quelle est votre opinion sur la question ? Prof. Larose- Si la procédure de l'amendement se finalise, la question sera grandement résolue. Au niveau de la représentation politique, les éternels candidats, ministrables ne représentent qu'une petite minorité. Sinon, les provisions légales peuvent être renforcées pour atténuer l'étanchéité qui semble poser problème. JSF- La question des prochaines élections soulève un grand débat au sein de la classe politique en Haïti. Quelle est votre opinion sur la question des élections en novembre prochain dans le pays? Prof. Larose- Le défi : 28 novembre 2010-7 février 2011 : proscrire, la tradition mortifère, ou prescrire, rupture. Porteur, le camp démocratique, mais introuvable, d'où la fracture, entre la majorité numérique qui n'hésite jamais à exercer sa compétence élective pour faire choix de ses dirigeants, et l'oligarchie, la minorité stratégique qui ne rate jamais l'occasion à manifester son refus d'adhérer aux principes et normes démocratiques, à épingler, ostensiblement, son incroyance au développement socio-économique. JSF- D'après vous, comment Haïti peut-elle reprendre son destin en main ? Prof. Larose- Individuellement, à recréer pratiquement leur quotidienneté, dans le cadre de la famille élargie. La migration exprime un refus d'accepter ses conditions et la recherche d'un mieux-être. Cependant, collectivement, des obstacles, liés au type de domination, bloquent cette quête légitime de la population qui risque parfois sa vie pour trouver des conditions de vie décentes. JSF- Professeur Larose, au nom de l'équipe www.jeansenatfleuryBlog, je vous remercie pour votre participation à cette réflexion : « Une nouvelle approche pour la reconstruction d'Haïti. » Prof. Larose- C'est à moi de vous remercier Jean pour ce travail de formation et d'éducation si important que vous faites à travers votre blog. N.B. www.jeansenatfleury.com blog est un espace de réflexion en vue d'une nouvelle approche pour la reconstruction d'Haïti. Un ensemble d'intellectuels haïtiens et étrangers seront interrogés dans le cadre de ce dialogue et l'idée est de réunir toutes les réflexions dans un document final à présenter aux acteurs responsables d'appliquer le plan de la reconstruction et aussi bien au grand public. A www.jeansenatfleury.com blog nous avons initié ce projet parce que nous croyons que la reconstruction d'Haïti est une réflexion citoyenne engageant tous les haïtiens vivant au pays et ceux vivant à l'extérieur d'Haïti (naturalisés ou non). A www.jeansenatfleury.com nous combattons tout plan visant à exploiter à nouveau Haïti sur la base d'une reconstruction au rabais. La reconstruction doit-être faite dans le respect de la dignité du peuple haïtien et surtout en honneur de plus de nos 300.000 morts et des millions de victimes dans le séisme du 12 janvier 2010. |
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