lundi 2 août 2010

Le Plan Stratégique de Sauvetage National ou la façon novatrice de faire la politique en Haïti.

Le Plan Stratégique de Sauvetage National ou la façon novatrice de faire la politique en Haïti

Montréal le 2 août 2010

Par Gesler Jean-Gilles

Il convient vraiment de féliciter le Sénateur Rudolph Henri Boulos et Sauveur Pierre Étienne, deux hommes politiques que tout au départ semblait opposer, d'avoir pu mettre de côté leur différence idéologique et réussir à rassembler ces compétences haïtiennes tant de l'intérieur que de l'étranger autour du projet de construction de ce pays. La première impression qui se dégage en lisant le document est que cet exercice apparaît comme un pied de nez en direction de ceux qui persistent à croire qu'Haïti est morte et enterrée bien avant le 12 janvier 2010 et que la catastrophe leur fournit l'occasion de prendre en charge a notre place la reconstruction en nous imposant une sorte de plan passe-partout destiné aux pays faillis. Au moment ou les autorités de Port-au-Prince ne peuvent rien décider sans avoir sollicité préalablement l'onction du président Fernandez, il est réjouissant de constater qu' il existe encore chez nous des hommes et des femmes possédant une compréhension articulée de la problématique haïtienne et imbus de leurs responsabilité s citoyennes, qui refusent d'accepter la coopération internationale sous sa forme la plus honteuse: l'assistanat.

Le développement d'Haïti ne peut s'accomplir que dans un cadre de la refondation de l'État. Un État effondré, comme c'est le cas actuellement, et qui prend toutes les allures d'un sultanat, ne saurait assumer ses responsabilité s constitutionnelles. Encore que le sultan, en tant que maître de son territoire, adopte de son propre chef, les mesures administratives et politiques nécessaires pour gérer son bien à son avantage en s'assurant d'une répartition équitable des miettes entre ses sujets. Si l'État haïtien s'est effondré au point de devenir un foyer de l'anarchie, du chaos et des violations des droits fondamentaux des citoyens, c'est que des hommes qui sont grassement payés pour veiller à son bon fonctionnement ont piteusement échoué. En réalité ces gens ne sont pas préparés à l'exercice du pouvoir, une tâche importante et complexe. L'impréparation des dirigeants et ses conséquences néfastes, une gestion calamiteuse, couplée à une corruption rampante, ont rivé le dernier clou au cercueil de cet État.

Le PSSN se propose de restituer à l'État ses fonctions régaliennes afin de le mettre en mesure de fournir aux citoyens, dont dépend sa légitimité, les services publics auxquels ils ont droit. Dans l'optique des rédacteurs du plan, seul un État restauré dans ses fonctions, disposant du monopole de la contrainte physique et de la fiscalité, une idée chère au politologue Sauveur Pierre Étienne: un État moderne est donc a même d'apporter les solutions appropriées a ces problèmes majeurs auxquels fait face la société comme : une formation de qualité accessible a tous et qui réponde aux défis fondamentaux du XXIe siècle, une couverture sanitaire nationale et efficace, des services publics accessibles sur n'importe quel point du territoire, une fonction publique dont le personnel est recruté sur concours, la décentralisation et la déconcentration des services de l'État, un environnement assaini, une diplomatie intelligente au service des intérêts du pays, etc. Le nouvel État à émerger des décombres du 12 janvier 2010 devra marquer la ligne entre les droits des citoyens, de l'homme de la rue jusqu'aux plus hautes autorités de la république, et leurs responsabilité s aussi. Il est illusoire de penser que les institutions peuvent fonctionner quand la majorité des citoyens se comportent comme dans une jungle parce que ne recevant pas la protection de l'État a laquelle ils ont droit.

Ce plan de 160 pages n'est pas la panacée à tous les maux qui affligent Haïti. En revanche, il est assurément jusqu'à date le meilleur document en circulation pour tenter de mettre le pays sur la voie de la modernité. Les quelques études (trop rares) de partis politiques que nous avons pu parcourir nous laissent sur notre faim. Par exemple celle de fanmi lavalas, Investir dans l'humain, parue en décembre 1999, est un Livre blanc ; c'est-a-dire un état des lieux, un inventaire des problèmes et surtout des ressources dont dispose le pays. Ce n'était pas difficile pour ce parti qui pouvait compter sur la soumission des hauts fonctionnaires ou des ministres du gouvernement de René Préval à l' endroit du bienfaiteur Jean-Bertrand Aristide, pour accéder aux données qui lui étaient nécessaires à la réalisation de son livre blanc.

S'il y a un avant et un après le 12 janvier, on est en droit de croire, dorénavant, a un avant et un après le PSSN. C'est à l'honneur des hommes et des femmes qui, toutes disciplines confondues, ont investi généreusement leur temps, leur énergie et leurs compétences pour inventorier méticuleusement les besoins du pays, les chiffrer et indiquer surtout la façon de les financer. Le document a le mérite d'opérer une sorte de révolution dans les mœurs politiques haïtiennes en ce sens qu'il nous mettra, je crois, a l'abri du verbiage qui caractérise souvent les interventions de nombreux acteurs politiques. Désormais les politiciens haïtiens ne peuvent plus se contenter de lancer des slogans creux, des promesses fumeuses, irréalistes ou des mises en garde incendiaires en lieu et place d'une plateforme électorale et d'un programme de gouvernement. Les rédacteurs du PSSN ont rompu avec cette tradition et abordent les grandes questions nationales avec lucidité et une maîtrise de la situation du pays, de ses ressources internes et aussi des mécanismes de la coopération internationale. A mon avis, ils mettent la barre si haute que leurs adversaires vont devoir s'appliquer à proposer à leur tour un document de l'envergure du PSSN

Le temps ou un candidat à la présidence menait campagne, sillonnait la république sans expliquer pas même une seule fois à l'électorat, la raison pour laquelle il sollicitait son vote, ce temps est dépassé. Dès lors le candidat ne pourra plus masquer son incapacité à offrir une alternative valable en se livrant à des attaques ad hominem ou en colportant des rumeurs les plus farfelues sur le compte de ses adversaires. Il sera contraint d'énumérer les points de désaccord, affronter le débat politique, exposer clairement son programme en précisant le coût de ses promesses et la provenance de leur financement dans les limites des capacités d'absorption réelles du pays.

Nous nourrissons l'espoir que les éditorialistes, les analystes et les journalistes politiques se feront le devoir de cuisiner les hommes aspirant à diriger le pays sur le projet qu'ils soumettent à la nation. Nous le redisons que ce n'est pas faire de la politique que d'interroger un candidat ou un chef de parti sur le sérieux de son projet. Il y va de l'intérêt du pays. Et de la société haïtienne.

Gesler Jean-Gilles

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