dimanche 17 avril 2011

Nesmy Manigat répond à Georgemain Prophète

A propos de ¨Non Madame Manigat, on ne vous a pas volé vos votes!¨

Monsieur l´ancien Délégué Départemental et Représentant du Gouvernement dans le Département du Nord pendant cinq (5) ans

Très cher ami de longue date,

Je n´aurais pas répondu à ton article publié sur différents forums si mon nom n´y figurait pas. Mais tu me forces la main, malgré le profil bas que j´ai gardé durant la campagne. En effet, je ne regretterai jamais ces moments historiques passés avec une grande dame qui ne voulait autre chose que servir son pays.

Je te réponds car je veux croire que tu n´es pas de cette armée de loups qui sortent soudainement des bois, critiquant Madame Manigat, question de se faire remarquer par Monsieur Martelly et son équipe. En tout cas, bravo, ton papier est devenu viral sur le net.

J´ai pris du recul aussi pour analyser le résultat de ces élections. Je me garde de jouer au trouble fête et je préfère te souhaiter bonne chance ainsi qu´au pays, notre pays. Toutefois, pour avoir été dans le nord le jour des élections, personne ne me convaincra que ton candidat a gagné ce département à 80 % ou qu´il ait pu remporter le département du Nord´est. Je ne reviendrais pas non plus sur cette bataille très inégale entre deux campagnes dont l´une peinait à compter les dollars en millier tandis que l´autre débordait de millions, non plus sur cette constellation d´intérêts nationaux et internationaux de tous ordres qui l´ont emporté. Mais, j´admets que cela n´enlève pas à la campagne de Monsieur Martelly le mérite de l´avoir hissé à la première place du tableau quand bien même il n´est pas le meilleur candidat parmi les 19 prétendants en considerant notamment son expérience dans le domaine politique. C´est tout de même remarquable. J´ai beaucoup appris de cette période de campagne électorale et certainement, il y a des choses qu´on aurait pu mieux faire ou faire différemment.

Bref, tout comme Mirlande Manigat, je ne conteste pas le futur président d´Haiti, j´en prends acte et préfère regarder l´avenir avec ces énormes défis qui attendent. Entre un système éducatif en agonie, l´insécurité alimentaire, le chômage des jeunes, le défi environnemental, le déficit commercial criant avec la république dominicaine, il y a suffisamment de sujets, qui j´espère, trouveront ton intérêt pour tes prochains articles et que tu dois bien par ailleurs dominer pour avoir été représentant du gouvernement pendant 5 ans dans le nord.

Je suis actuellement en mission technique au Burkina Faso (coincé dans un couvre feu, après une mutinerie de la garde présidentielle contre Blaise Compaoré), je préfère te dire que même ceux qui ont des décennies de pratique de la complexité des choses publiques nationales et internationales font face aujourd´hui à la dure réalité de la hausse des prix des produits pétroliers, à la dégradation du pouvoir d´achat des plus démunis, surtout de ceux qu´on a armés. Aussi, j´espère que très vite le débat public dépassera les personnes de ces deux ex-candidats pour se concentrer sur les défis de ce fameux chantier qu´on dénomme à tort ou à raison la ¨reconstruction¨.

Cher ami, bonne chance, tu as gagné, mais ton article était de trop. Quant à moi, je n´estime pas avoir perdu, car je continuerai à servir mon pays, comme tous ceux qui ont supporté Mirlande Manigat et qui ont ce sentiment d´avoir écrit une modeste page de l´histoire de notre pays, avec dignité.

Finalement cher Georgemain, Madame Manigat n´a plus besoin pour l´instant de projecteurs, ils sont plutôt désormais tournés vers ce futur gouvernement. Le monde entier regarde et le pays attend que les promesses électorales sur l´éducation, la justice sociale etc.. s´accomplissent pour le plus grand bien du pays.

Très amicalement et bonne chance au futur gouvernement.

Nesmy Manigat, Ouagadougou. 18 avril 2011

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Elections 2011!
Non Madame Manigat, on ne vous a pas vole vos votes!
Par Georgemain Prophete


Chère Madame MANIGAT,
Comme tous les haïtiens qui se sont sentis intéressés par le processus électoral, j'ai suivi votre intervention suite à la publication des résultats du deuxième (2e) tour des élections du 20 mars 2011 qui ont consacré l'accession de Monsieur Joseph Michel MARTELLY à la Magistrature Suprême de l'Etat. Non Madame MANIGAT, on ne vous a pas volé vos votes! Vous ne les avez pas gagnés. C'est ça la réalité et la vérité. Vous avez eu environ 32% des voix exprimées le jour du scrutin. C'est votre score !

Il y a, dans ce pays, une réalité politique qu'on tente d'occulter depuis après 1986 en dépit de notre profession de foi démocratique: On a toujours réussi, jusque-là, à empêcher que ce soit l'expression du suffrage majoritaire qui désigne ceux qui doivent conduire la barque nationale. Le résultat des élections a été toujours été le fruit d'intenses tractations et d'âpres négociations entre des groupes d'intérêts et le pouvoir en place sans vraiment tenir compte de la volonté du souverain. A chaque élection, des secteurs entiers de notre société se sont toujours cru en droit de décider de l'issue des élections indépendamment du sens, de la tendance ou du choix de l'électorat. C'est bien dommage ! Votre réaction nous prouve que vous étiez prête, peut-être de bonne foi, à vous prêter à cet exercice de lèse-démocratie. C'est, encore, vraiment dommage !

Jusqu'à ce que vienne la Communauté Internationale sous le leadership des Nations-Unies à travers la MINUSTAH qui s'est donné pour mission d'apprendre à nos élites économiques, intellectuelles et sociales qu'il y va de leurs intérêts de long terme de respecter la voix du Peuple d'autant que c'est la voix de Dieu. Vous vous rappelez, chère Madame, qu'il a fallu l'intervention énergique, convaincante et déterminante de cette Communauté Internationale pour amener le pouvoir en place à accepter le verdict populaire tel qu'exprimé au premier tour des élections dont vous contestez, aujourd'hui, les résultats. Qu'est-ce qui vous fait croire que cette même Communauté Internationale était prête à se dédire en se faisant complice d'un hold-up électoral en faveur de Michel MARTELLY? Comme beaucoup d'autres de vos concitoyens, je serais prêt à analyser une argumentation fondée sur des faits avérés pour me convaincre du contraire.

Je connais beaucoup parmi les plus influents membres de votre équipe de campagne. Je pratique Pepe DUMONT depuis les beaux jours de la lutte pour la décentralisation du Football haïtien dans les années 1990 quand il se fut agi pour nous de nous réapproprier l'organisation et la structuration du Football National. Je connais Nesmy MANIGAT depuis 1995 quand il était le Directeur Administratif du Groupe CROISSANCE et que l'équipe dirigée par Roro PHAREL faisait la promotion de l'esprit d'entrepreuneuship en Haïti. Quant au Dr BEAUBRUN, il entretient de solides relations avec notre famille à travers sa femme.

Chère Madame MANIGAT,
Le combat qui se livre en Haïti est un combat pour la Liberté, pour la Démocratie et pour le Développement. Nous avons choisi la Démocratie bien que nous ayons pris du temps à appliquer son principe de base qui est le respect du suffrage du souverain. Le processus électoral de cette année nous donne, enfin, l'occasion de vivre ces moments de pure jouissance où, indépendamment du gagnant des urnes, les gens peuvent vaquer normalement à leurs occupations sans avoir le sentiment qu'on leur a volé leur vote ou celui de se sentir en insécurité pour leur vie ou pour leurs biens parce que tel candidat et non tel autre a été proclamé vainqueur. Franchement, je voudrais bien comprendre ce que vous aviez trouvé de mal dans le fait que la proclamation des résultats du 2e tour ait été accueilli dans la liesse et l'euphorie par la population et non par des barrages routiers de pneus enflammés ou des casses de vitres de voiture.

Chère Madame MANIGAT,
Gagner des élections libres, honnêtes et démocratiques, en Haïti comme partout dans le monde où les principes démocratiques sont en vigueur, demande beaucoup de travail, beaucoup d'organisation, beaucoup de financement, beaucoup de charisme, beaucoup d'empathie, beaucoup de capacité de se connecter avec l'électorat, beaucoup de capacités de prendre en compte les multiples préoccupations des gens de toutes conditions et de toutes catégories. Vous devrez avoir le courage de reconnaitre que vous n'aviez pas eu une organisation pour vous assurer une victoire incontestable et indiscutable. En tout cas, vous ne l'aviez pas eu dans le département du Nord. Demandez à votre Représentant départemental ou à un membre de votre équipe de campagne avec qui j'ai eu plusieurs discussions à ce sujet. Donc, dénoncer les résultats sur la base qu'on vous a volé la victoire me semble, pour le moins, osé et inapproprié.

Le vote du 20 mars 2011 à été un vote sanction. C'est vrai ! Mais vous avez perdu les élections bien avant le 20 mars. Le vote pour les présidentielles s'est constitué juste après la proclamation des résultats du premier tour au matin du 8 décembre 2010 quand le courant de la protestation et de la rupture est passé, ce matin-la, entre le peuple revendicatif et Michel MARTELLY. En tout cas, dans le département du Nord, les gens n'ont pas digéré l'affront fait au Dr POLYCARPE au premier tour et ont juré de le réparer. Le Candidat Michel MARTELLY était tout indiqué pour leur servir de cheval de Bataille et a d'ailleurs rendu visite au Dr POLYCARPE à Galman Duplaa pour sceller l'alliance. Et vous ? Qu'est-ce que vous avez fait ? Vous vous êtes laissé convaincre que le Département du Nord était sous contrôle et que la livraison se ferait en temps et lieu.

Quand Martelly a pris la décision d'ouvrir sa campagne au Cap-Haïtien, il n'a fait que vouloir consolider une avance qu'il avait négociée dès le 8 décembre et qu'il a, en fait, confortée. Il vous aurait fallu beaucoup plus que de simples promesses pour changer la dynamique des élections et renverser la vapeur. Les jeux étaient déjà faits. Car, à moins d'un miracle, l'électorat était prêt à retourner aux urnes pour, cette fois, propulser le Président du Compas à la Présidence de la République et tous les autres candidats qui ont démontré leur courage face au pouvoir. Nous sommes familiers, en Haïti, de ces coups de cœur qui, en fait, ne sont, certes, que des coups de tête. Mais, c'est la réalité du terrain politique. Le fait que ni vous ni personne de votre entourage n'ayez pas pu voir cette réalité met à nu la nécessité de repenser notre façon de faire de la politique dans ce pays.

Chère Madame MANIGAT,
Les élections de cette année ont consacré, également, un cheminement de la démocratie en Haïti que d'aucuns souhaiteraient voir irréversible. Contrairement à ce qui s'est passé au cours des exercices électoraux passés, le vote a été compté et comptabilisé. C'est un acquis indéniable que nous devrons protéger car, contrairement, au premier tour et avant, les candidats qui ont gagné savaient qu'ils avaient gagné et avec quel marge. Ceux qui ont perdu, aussi. A part Ocinjac BENJAMIN à la Grande Rivière du Nord et Harold CHERY au Dondon, presque tous les autres élus du 1er tour ont bien mérité leur victoire. Gluck THEOPHILE à Limonade, Stevens BENOIT dans le département de l'Ouest, Edo ZENNY dans le Sud-Est et tant d'autres.

De même, Dr POLYCARPE aurait du être élu Sénateur de la République dès le premier tour s'il disposait d'une meilleure organisation de campagne pour documenter ses scores après le dépouillement du vote du premier tour et, surtout, s'il disposait d'une plus grande capacité d'argumentation de sa contestation par devant les tribunaux électoraux. Il a pu, finalement, bénéficier de ses insuffisances par sa capacité à faire porter la responsabilité de cet échec par le Pouvoir en place et la machine électorale.
Ce sont ces petits détails qui vous ont, peut-être, couté votre élection en ce sens que la non élection de Dr POLYCARPE au 1er tour a radicalisé l'électorat autour de Kenston JEAN-BAPTISTE au Cap-Haïtien, autour de Dr POLYCARPE pour le département du Nord et autour de Michel MARTELLY pour la Présidence de la République.

Par ailleurs, votre alliance ou le support supposé que vous avez reçu ou qui vous a été promis par certains éléments de la Plateforme INITE, dont le candidat au Sénat de la Plateforme pour le département du Nord, a constitué la goutte d'eau qui a fait déverser le verre. Mais, croyez-moi, Chère Madame, le verre était déjà rempli.

Chère Madame MANIGAT,
La première leçon de ce vote sanction est une leçon d'humilité. Nos hommes et femmes de savoir, de science et de pouvoir doivent trouver les moyens de retrouver et de vivre leur humaine condition. L'humilité étant, semble-t-il, l'un des premiers critères retenus par tous les électorats du monde pour designer ceux qu'ils souhaitent mettre dans les positions de pouvoir et de prestige.

La deuxième leçon de ce vote est la nécessité d'une nécessaire rupture en Haïti. Pas une rupture d'hommes, mais une rupture de système. Le peuple voudrait voir changer ses conditions d'existence et est prêt à parier sur des représentants qu'il désigne suivant des critères propres à lui. Le peuple revendicatif est convaincu que seule une vraie rupture peut lui ouvrir des opportunités pour un avenir meilleur. La encore, Madame MANIGAT, vous avez été loin, mais très loin du compte.

Nous avons observé l'élection de plusieurs figures émergentes sur la scène politique haïtienne : Gluck THEOPHILE, Député de Limonade, Kenston JEAN-BAPTISTE, Député du Cap-Haïtien, Dr Westner POLYCARPE, Sénateur du Nord, Steven BENOIT, Sénateur de l'Ouest, Joseph Michel MARTELLY à la Présidence de la République. Tous avaient une capacité de communications au dessus de la moyenne. Tous avaient une présence sur le terrain bien avant les élections. Tous, à des degrés divers, ont bénéficié d'un effet « Bulle » parce que l'électorat a décidé de faire le «break» avec le Régime et de mettre toutes les chances de son coté au cas où le binôme un (1) homme = (1) voix serait respecté. Ce qui fut fait.

Donc, Chère Madame, les résultats de ces élections reflètent, selon moi, le plus fidèlement que possible la tendance et l'expression de la majorité de la population haïtienne en cette période post tremblement de terre marquée par une extrême précarité où les détenteurs du pouvoir d'Etat en Haïti ont révélé leur incapacité ou leur refus d'adresser les urgences du moment que constituent, entre autres, le sort des 600 000 rescapés vivant encore dans des camps et la réduction de la vulnérabilité du pays face aux catastrophes naturels.

Il y a, également, une croyance qui veut faire croire que nous autres, haïtiens, nous aurions, à chaque fois, préféré Tonton No à Firmin. Permettez-moi, Chère Madame, de vous dire que nous avons cherché en vain qui de vous ou de MARTELLY pourraient être identifié à Firmin ou à Tonton No. En tout cas, l'analogie semble ne pas pouvoir tenir dans le cas de MARTELLY.

Je ne voudrais pas terminer cette lettre sans indiquer à votre attention que de réelles opportunités existent, néanmoins, pour remembrer nos structures politiques et nous donner de réelles chances de livrer et de gagner les batailles futures. Rien n'empêche, par exemple, au RDNP de profiter de l'engouement de ces dernières semaines autour de vous et de votre parti pour insuffler du sang neuf autour des jeunes cadres qui vous sont restés fideles pour consolider les acquis des dernières élections.

Car, même après votre défaite, le RDNP a montré qu'en dépit des difficultés de toutes sortes, un parti politique était une nécessité pour Haïti. Je souhaite que le leader dominicain Juan BOSCH puisse vous inspirer si tant est que le Parti de la Libération Dominicaine, sous le leadership de Leonel FERNANDEZ, occupe le haut du pavé politique en République Dominicaine depuis assez longtemps. Il vous suffira de comprendre que cela prendra du temps avant de pouvoir faire accepter nos intellectuels «pur sang» par le Peuple revendicatif. Mais, le jour viendra où cette justice vous sera rendue et je souhaite pour vous, chère Madame, que vous voudrez bien contribuer à jeter les bases solides pour cet avènement.

C'est dans cette attente que je vous remercie de vous être offerte au service de ce pays meurtri et que je saisis l'occasion pour vous prier d'accepter, Chère Madame MANIGAT, l'assurance de mes sentiments en la patrie commune.



Georgemain PROPHÈTE


Georgemain PROPHETE est un ancien Délégué Départemental.
Il a été le Représentant du Gouvernement dans le Département du Nord pendant cinq (5) ans, de Septembre 2005 à Sept 2010.

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