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vendredi 23 septembre 2011
Le Matin : Souveraineté ! par Daly Valet
Souveraineté !
Par Daly Valet
Le Matin : 23 au 29 sept 2011
Ils disent que 1804 a été un mensonge. Une insulte. Une anomalie. Ils disent que d'anciens esclaves incultes ne sauraient édifier un État moderne viable. Et que tout le simulacre d'indépendance allait un jour s'effondrer. Évidemment, ils ont eu 1915 malgré nous. L'aigle prédateur d'autonomie des peuples se sentait pousser des ailes continentales et impériales. Haïti était à broyer. À subjuguer. À vider de son sang. De ses richesses. En échange, bien sûr, de commodités structurelles et institutionnelles comme attributs d'une modernisation imposée. Si peu, pour toute cette violence multiforme faite à notre peuple. Dignité nationale en berne. Les semences de la discorde savamment distillées entre nous. Cooptations. Mulâtrisme régnant. Noirisme justicier et revanchard. Résistances citoyennes. Culturelles. Repli de l'agression ouverte. Offensive du camouflage. Répit. Et le bateau ivre a repris sa course endiablée. Des dictatures tropicales sauvages à la manœuvre. L'horloge haïtienne s'est, à nouveau, déréglée. Turbulences en eaux profondes. Commotions. Conflagrations. Disjonctions. Autre débâcle des élites. C'est bien leur faute. La faute aux élites. Nos fossoyeurs, d'ici et d'ailleurs, ont eu gain de cause. Pour de bon. Deux cents ans d'histoire. La fausse République a été mise en échec. Fin d'histoire. Enceintes de nos bêtises et de nos tribalismes triviaux, nous leur avons enfanté, par duplicité, 1994 et 2004. De menace pour l'Occident esclavagiste, nous sommes devenus, par enchantement, un danger pour la « sécurité internationale ». D'abord, des forces multinationales sous commandement américain pour imposer leur ordre. S'ensuit, toujours, l'Onu pour maintenir cet ordre dicté de Washington. Paris. New York. Ottawa. Brasilia. Santiago. Buenos Aires. Santo Domingo. Le club s'agrandit. Leurs missions militaires endossées, par nous, s'alignent. Minuha. Manuh. Minustah !
La tutelle est consentie. La République moribonde collabore et contribue à sa propre insignifiance. Elle s'évacue, d'elle-même, des grands processus décisionnels qui concernent son devenir. Elle peut s'abstenir de penser et de se penser autrement qu'en mineure. D'autres pays adultes pensent pour elle. Elle peut se désarmer. Une infrastructure militaire internationale s'arme pour elle. Elle peut se permettre de fermer les yeux sur ses enfants. Les Mères Theresa du monde s'en chargent. Elle peut ne pas équiper les espaces publics où elle fonctionne. L'USAID est là pour financer jusqu'à l'achat des bureaux derrière lesquels ses hauts fonctionnaires s'asseyent pour agir en son nom. Elle peut choisir, sans honte, d'être submergée de saletés et de fatras. Elle a évacué, longtemps déjà, les lieux où la honte fait baisser la tête à un tournant pour la relever, dignement, à un autre. D'ailleurs, le ramassage de nos détritus est également pris en charge. Et l'espace de travail, où votent des parlementaires contre la Minustah, est un don postséisme de cette même Minustah. Spaghettis. Pêle-mêle. Nos présidents peuvent même voyager, avec toute une cour parasitaire, aux frais de la République. Notre budget n'a presque plus rien de national. L'international pourvoit essentiellement à tout. Il nous est loisible de continuer à barboter dans la gargote.
Haïti a abdiqué ses droits et devoirs en tant qu'État sur tous les fronts. Les élections. La reconstruction. Le contrôle de ses frontières. La sécurité interne. Le maintien de l'ordre. La protection de ses ressortissants. L'entretien de ses infrastructures. La santé de son peuple. Michel Martelly marque un point dans ses rêves d'éducation gratuite pour tous. Un point à moitié perdu déjà. Le chanteur-candidat ne savait pas de quoi il parlait. La crise de l'éducation va se poursuivre avec Martelly et malgré ses bonnes intentions d'improvisateur talentueux et convaincant. Le secteur privé va continuer de faire de ce secteur un de ses lieux de débrouillardise. L'assistance internationale palliera les défaillances haïtiennes comme par le passé. De la gouvernance ordinaire dans une Haïti ordinaire. L'État haïtien n'a pas uniquement failli. Il s'est effondré. C'est l'épilogue tragique d'un travail de sape interne et externe réalisé dans la longue durée.
Une telle Haïti à ce point dépendante, infantilisée, déconstruite, défigurée et rapetissée, peut-elle se prétendre souveraine au point d'aspirer à avoir sa propre armée nationale, une armée d'Haïtiens qui ne soit ni française, ni américaine, ni brésilienne, ni chilienne, ni uruguayenne, ni jordanienne, ni sri-lankaise, ni népalaise ? Qui donne, ordonne ! Ainsi, Washington et ses éditorialistes du New York Times, du Miami Herald et du Washington Post, se croient suffisamment les maîtres bienfaiteurs et protecteurs d'Haïti pour oser penser notre pays pour nous et définir, ex-cathedra, nos besoins et nos grandes priorités de peuple. Ils font chorus pour nous croire suffisamment ingouvernables et dire qu'une armée nationale haïtienne ne devrait point être dans notre ordre du jour. Çà alors !
Les Haïtiens doivent se dire que leur priorité devrait être, justement, ce dont l'infrastructure locale et internationale de la tutelle semble ne pas vouloir : la refondation d'Haïti. La reconquête de sa souveraineté par le retrait progressif des forces militaires étrangères sur son sol dans les meilleurs délais. La reconstitution de son prestige. De son armée. La consolidation de sa police. La réinsertion de son peuple dans le concert des nations braves. Et fières. Souverains avons-nous été, souverains devons-nous redevenir !
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