Orlando le 9 septembre, 2011
Actualités Politiques : Grandes Lignes
Certes, dire que Martelly soit un néophyte en politique est aujourd’hui une vérité de La Palice. Mais son refus d’adhérer à la notion « d’une gouvernance partagée, consistant notamment à laisser au bloc majoritaire le choix de certains postes de direction et de délégués au sein de l’administration », peut-on vraiment l’interpréter comme une preuve de son inexpérience ? Est-ce de préférence le souci de protéger et de garantir, la cohésion, la cohérence et la synergie de son cabinet ministériel, qui le rend réticent à l’idée de ce partage contre nature ? Ou, est-ce plutôt le refus de continuer et de pérenniser cette fourberie prohibée par la constitution, que la 48e législature a introduite avec la complicité de Préval pour entretenir et maintenir la médiocrité, le népotisme et la corruption ? Pourquoi les parlementaires refusent-ils d’accepter et de respecter la notion de l’indépendance des pouvoirs ? Ont-ils inventé au détriment des intérêts de la nation et de l’Etat haïtien en 2006 ce subterfuge qui leur permet d’avoir indirectement accès à la caisse publique et de pratiquer un népotisme corrupteur au profit des membres de leur parti ? C’est de fait une situation binaire. Il ne peut y avoir de degré d’acceptation de cette pratique malsaine. Ne pas distribuer des ministères, mais de consentir à la répartition de postes de direction au sein des ministères et de délégués et vices-délégués de l’Exécutif auprès des Départements et des Arrondissement, à des partis d’opposition, sous la pression de leurs chantages, à quoi ça rime ? Est-ce la formule de gouvernement de coalition qui a fait le succès du second mandat de Préval ? Etre ou n’être pas ! « You cannot be half pregnant ! »
La désignation du 3e candidat à la primature est maintenant un fait accompli. Depuis des semaines on passe le dossier de Gary Conille au peigne fin. Ce processus a révélé sa formation universitaire, ses spécialisations, son appartenance à une famille duvaliérienne de souche, sa carrière de cadre aux Nations-Unies, son problème de résidence concernant les pré-requis du poste qu’il convoite, etc.
Ceux qui sont réellement concernés et préoccupés par la politique dans toutes ses nuances, dans tous ses aspects, et qui ont aussi bonne mémoire, ne peuvent pas ne pas s’interroger face au fait qu’un autre cadre des Nations-Unies peut éventuellement devenir le premier ministre d’Haïti. Il ne s’agit pas de l’incompétence proverbiale des cadres des Nations-Unies qui sont plutôt des bureaucrates, des exécutants dépêchés auprès de gouvernements étrangers, mais pas nécessairement des leaders, des décideurs, ni des innovateurs. Mais dans le cas particulier d’Haïti, dans cette conjoncture où la Minustah est une armée multinationale onusienne qui détient le monopole de la force d’attrition et est de fait la plus puissante force de coercition du territoire, est un facteur important dont le poids relatif dans l’équation politique actuelle est à considérer et à retenir.
Le premier ministre, le chef du gouvernement, sortant d’un poste de cadre des Nations-Unies ayant toutes sortes d’intérêts personnels et d’attaches à cette institution, pension, carrière, etc. passant à pied joint de l’état de cadre de cette institution à celui du chef de la politique gouvernementale haïtienne, est selon toute apparence et jusqu'à preuve du contraire l’équivalant d’une promotion. Particulièrement, quand cette même institution, l’ONU, et son envoyé en Haïti Bill Clinton depuis mars 2009, sont les vrais responsables des fonds de la reconstruction et chargés des démarches pour la relance de l’économie du pays.
Il faut se rappeler que Ban Ki-moon en introduisant le rapport de l’économiste Paul Collier en mars 2009, prenant en considération, l’incompétence et l’incapacité de nos gouvernants d’organiser à bon escient l’économie du pays, le danger que représente de surcroît un état en faillite pour les pays adjacents, a reconnu la nécessité pour l’ONU d’innover dans le cas d’Haïti, en l’engageant pour la première fois dans la relance de l’économie d’un pays. La présence de Bill Clinton en Haïti vient de cette nécessité. Elle a de fait précédé le cataclysme du 12 janvier 2010. Le cataclysme du 12 janvier a certes changé les priorités de manière phénoménale. Mais il a automatiquement aussi placé l’ONU dans une position beaucoup plus dominante et prépondérante dans tous les aspects du cadre politique haïtien. Aujourd’hui, le poids politique de la Minustah dépasse de mille coudées ce qu’il a été durant les deux ans de la primature de Gérard Latortue.
Or, n’a-t-on pas vu comment Gérard Latortue a littéralement éclipsé Boniface ALexandre pendant la période intérimaire. N’a-t-on pas vu comment les dirigeants altermondialistes des Nations-Unies, de l’époque, Kofi Annan et Juan Gabriel Valdès avec la complicité de Gérard Latortue ont géré de manière très musclé, au lendemain du renversement du régime lavalas, le retour paradoxale au statu quo ante, replaçant au pouvoir le 1er premier ministre et le second chef d’état du régime déchu lavalas, René Préval ? Le rôle principal du gouvernement provisoire au lendemain d’une lutte insurrectionnelle qui a abouti, ne devrait-il pas être de rompre avec le régime déchu ? Qui a donc contraint Gérard Latortue ex-cadre de l’ONUDI à maintenir 99% de l’administration du régime déchu ? Alors qu’une autre institution internationale la Banque Mondiale publiait par le truchement de Transparency International la liste classifiant les gouvernements les plus corrompus du monde. Le gouvernement d’Aristide avait remporté la palme ! Il était classé 174e sur 174. La Minustah, pendant les carnages démoniaques de l’Opération Baghdâd, ne s’était-elle pas interposée entre la PNH et les chimères pour tolérer ces bestialités qu’elle qualifiait d’expressions de revendication sociale ? Ne sont-ce pas les généraux de la Minustah, sous Gérard Latortue, qui ont imposé, en violation de la constitution, la distribution au prorata des votes blancs pour catapulter Préval au pouvoir dès le premier tour ? Edmond Mulet n’était-il pas celui qui a annoncé à Préval, qui était à New York à ce moment là, que c’était Martelly qui était élu chef d’état ? N’était-il pas celui qui avait annoncé au président du Sénat Kelly Bastien que Mirlande Manigat avait concédé ? Mais que ce dernier avait vérifié par la suite que c’était faux ? Etc. … Ne devrait-on pas s’interroger non-seulement sur la recommandation, mais surtout sur la probabilité de l’autorité éclipsante qu’exercera Gary Conille, s’il est ratifié comme premier ministre, d’une part ? Mais d’autre part, ayant à l’esprit l’expérience de Gérard Latortue à un moment où la prépondérance de l’ONU et de la Minustah n’avait pas encore fait ce saut qualitatif, ne devrait-on pas aussi s’interroger, à ce moment crucial pour les destinés de la nation, sur les sentiments du nouveau téléguidé à l’idée de l’unification de l’île ?
Si à la surface la ratification du premier ministre fait la une pour remplir l’avant-scène politique. Cependant, dans les coulisses, les couloirs et les soubassements du pouvoir, les élections de la fin d’année font l’objet de grandes inquiétudes pour les partis politiques et les dix sénateurs qui devront aller à l’urne pour leur réélection, sans aucune garantie de succès. Martelly semble être déterminé à rafler ces dix sièges. Il lui faut coûte que coûte augmenter aussi rapidement que possible sa pertinence au Sénat, pour s’affirmer en tant que nouveau pouvoir. La question est de savoir, comment va-t-il s’y prendre pour s’assurer qu’il emporte ces dix sièges sénatoriaux et la majorité des postes électifs des autorités locales ? Va-t-il, malgré tous ces scandales, garder le même CEP intact pour servir ses intérêts ? Va-t-il remplacer ou garder les autorités locales pour contrôler la machine électorale ? Est-ce que ce ne sera pas la continuité, mais cette fois-ci au profit de nouveaux acteurs ? Au quel cas, les résultats des prochaines élections seront-ils vraiment le reflet de l’expression de la volonté générale ? Hic est quaestio !
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