lundi 3 octobre 2011

Pourquoi une constitution si c'est pour la sacrifier à l'autel des intérêts privés.

Chers compatriotes,

Je me suis fait beaucoup de violence pour ne pas écrire les lignes qui vont suivre bien avant. Mes proches m'ont conseillé de mettre une sourdine vu que le décore est déjà bien planté pour que l'actuel Premier Ministre désigné soit également ratifié par le Sénat de la République.
Je me permets néanmoins d'exprimer ma position sur le processus de ratification du Premier Ministre en faisant un petit retour sur la non ratification des deux anciens Premier Ministre désignés: Rousier et Gousse. Ce retour me permettra d'attirer l'attention de l'opinion publique sur le respect scrupuleux de la lettre et de l'esprit de la constitution d'abord par le GPR à la chambre basse et ensuite par le G-16 au Sénat.
En effet,
Le Président Michel J. Martelly, suivant les termes de l'article 137 de la Constitution a bel et bien choisi son premier ministre en consultation avec le Président des deux chambres.
"ARTICLE 137:
Le Président de la République choisit un Premier Ministre parmi les membres du parti ayant la majorité au Parlement. A défaut de cette majorité, le Président de la République choisit son Premier Ministre en consultation avec le Président du Sénat et celui de la Chambre des députés.
Dans les deux (2) cas le choix doit être ratifié par le Parlement."
Même si, vous conviendrez avec moi, que l'expérience de l'absence de ce parti majoritaire oblige à une clarification légale de cette consultation qui ressemble davantage à une séance d'information qu'à une véritable consultation. A mon sens, la façon plus ou moins cavalière dont elle s'est réalisée l'a fait perdre tout son poids politique dans l'évaluation de l'opportunité du choix de la personnalité qui sera désignée Premier Ministre.
Je dis donc que le Président a fait son choix et que le bloc majoritaire s'est opposé et a fait une éloquente démonstration de sa force et de sa cohésion. Contrairement aux idées en cours, je crois que le "se politik ka'p fè't" ou "le vote sera politique" correspond parfaitement à la logique constitutionnelle. Car, l'article 157 établit des critères auxquels tout Premier Ministre doit répondre:
"ARTICLE 157:
Pour être nommé Premier Ministre, il faut:
1) être haïtien d'origine et n'avoir pas renoncé à sa nationalité;
2) être âgé de trente (30) ans accomplis;
3) jouir de ses droits civils et politiques et n'avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante;
4) être propriétaire en Haïti ou y exercer une profession;
5) résider dans le pays depuis cinq (5) années consécutives;
6) avoir reçu décharge de sa gestion si on a été comptable des deniers publics.".
En effet, aucune personnalité ne peut être ratifiée si elle ne répond à ces critères. Toutefois, la Constitution permet aux deux chambres de passer le PM désigné par deux autres filtres. Le premier a avoir avec sa personne au moment de sa ratification et le second a sa capacité de proposer un programme ou une politique générale qui sera accepté par les parlementaires au moment de la déclaration de politique générale.
En d'autres termes, lorsque la commission parlementaire a fini de vérifier le respect de l'article 157, il appartient à l'Assemblée de se prononcer sur la personne du PM désigné. On l'a vu tout récemment avec le cas Gousse, où, le G-16 a décidé de ne pas ratifier ce dernier à cause d'une lecture défavorable de son caractère. Cette décision du G-16 est constitutionnelle, car, une fois ratifiée, ce dernier serait devenu Premier Ministre avec toutes les compétences liées à son statut:
"ARTICLE 158:
Le Premier Ministre en accord avec le Président choisit les membres de son Cabinet ministériel et se présente devant le Parlement afin d'obtenir un vote de confiance sur sa déclaration de politique générale. Le vote a lieu au scrutin public et à la majorité absolue de chacune des deux (2) Chambres. Dans le cas d'un vote de non confiance par l'une des deux (2) Chambres, la procédure recommence."
Il est plus qu'évident qu'après sa ratification, le Premier Ministre désigné devient Premier Ministre et est habilité à former le gouvernement en accord avec le Président de la République.
Il est donc compréhensible que la personne de Gousse ayant posé problème au groupe majoritaire au Sénat de la République, ce dernier ait décidé de ne pas perdre de temps à entendre sa déclaration de politique générale. Car, en cas de vote de non confiance, c'est ce dernier qui aurait la responsabilité de liquider les affaires courantes.
Cependant, il est absolument inconcevable que le Parlement puisse se prononcer favorablement sur la personne et sur la politique générale d'un individu qui ne répondrait pas aux exigences de l'article 157.
La politique est une question de choix et le constituant a établi des balises pour que ceux qui aspirent à nous diriger soient au fait des grands dossiers de la nation et soient en mesure de défendre les intérêts de l'Etat sans contraintes aucune et avec les leviers nationaux suffisants.
Mon point peut se traduire de la manière suivante:
"Un jeune de 25, de 30 ou de 34 ans aussi patriote, populaire, engagé ou déterminé qu'il soit ne peut accéder à la présidence à cet âge que par un coup d'Etat. La voie normale qui est la voie élective a au moins un critère qui le rend inéligible, c'est celui de l'âge. Pour être Président, il faut être âgé de 35 ans accomplis au jour des élections.".
Pour ma part, je crois que l'Etat Haïtien ne pourrait reconnaitre comme exempté des contraintes constitutionnelles que les fonctionnaires internationaux dont il aurait lui-même délégué en territoire étranger ou dont il aurait supporté la candidature à une fonction internationale.


Me Woldson BERTRAND, av.
Président du Centre d'Education, de Recherches et d'actions en Sciences Sociales et pénales (CERESS).
Expert en Droit Constitutionnel et Electoral
Expert en Décentralisation

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