C'est ce que le ministre de la Coopération internationale, Julian Fantino, a indiqué à La Presse au cours d'une entrevue téléphonique. M. Fantino cherchait ainsi à illustrer sa nouvelle approche à l'égard de l'aide internationale, dont l'annonce à la fin du mois de novembre a soulevé la controverse. Cette stratégie misera davantage sur les entreprises canadiennes.
«C'est sur la glace en ce moment», a-t-il dit au sujet de l'enveloppe de quelques centaines de millions de dollars destinée au pays. «Nous continuons à financer certains programmes [...]. Mais il n'y a pas de nouvelle initiative en ce moment. Et nous réfléchissons à ce que devrait être la prochaine étape.»
Le ministre a tenu un discours sévère à l'égard d'Haïti et de la nécessité pour le pays de prendre son propre destin en charge. «Depuis 2006, le Canada a versé environ 1 milliard de dollars à Haïti», a dit le ministre qui, il y a quelques semaines, a visité pour la première fois le pays ravagé par un tremblement de terre en 2010.
«Le fait est qu'Haïti est toujours en mauvais état. Et on va à côté, en République dominicaine, et les choses vont beaucoup mieux. Allons-nous continuer à faire la même chose de la même manière en Haïti? Je ne pense pas! Parce que nous n'obtenons pas le progrès auquel les Canadiens sont en droit de s'attendre.»
Les fonds destinés aux nouveaux projets pour Haïti ont donc été gelés en attendant de décider des prochaines étapes, a indiqué M. Fantino.
«Eux aussi doivent se prendre en main»
L'ancien chef de la police provinciale de l'Ontario, qui a succédé à Bev Oda à la tête de l'Agence canadienne de développement internationale, estime que les Haïtiens pourraient et devraient maintenant en faire plus pour bâtir leur propre avenir.
«Prenez la situation des déchets, par exemple. Le taux de chômage est très élevé en Haïti. Il y a des centaines de milliers d'hommes et de femmes très capables qui pourraient s'impliquer et nettoyer. Il y a des déchets partout!
«Même ici, au Canada, nous avons des activités de nettoyage des quartiers, nous avons le programme Adoptez une autoroute. Les gens se portent volontaires pour nettoyer les choses...
«Allons-nous nous occuper de leurs problèmes pour toujours? Eux aussi doivent se prendre en main.»
Discours sévère
François Audet, directeur de l'Observatoire canadien sur les crises et l'aide humanitaire, a vu dans ce discours un ton exceptionnellement sévère venant d'un ministre canadien de la Coopération à l'égard d'un pays en reconstruction.
«Je suis à la fois surpris et étonné, a dit M. Audet. Si cette rhétorique-là se transforme en action, ce serait un peu triste par rapport à tout ce qui a été fait.»
Des sources au sein du secteur des ONG ont indiqué à La Presse que si le ministre Fantino n'avait pas encore annoncé publiquement un tel gel du financement accordé aux nouveaux projets, ses propos confirment néanmoins la réalité sur le terrain, et pas seulement pour Haïti. «Il est là depuis le mois d'août et il ne se passe rien depuis», a confié l'une de ces sources.
Ainsi, plusieurs se demandent ce à quoi pourrait ressembler un tel virage pour Haïti, dans le contexte où le pays regorge de matières premières et où le Canada y est l'un des plus importants donateurs d'aide internationale. Plusieurs sociétés minières canadiennes sont déjà actives de l'autre côté de la frontière, en République dominicaine, dont Barrick Gold. En 2010-2011, l'ACDI a décaissé plus de 250 millions de dollars dans le pays, selon les données fournies par l'Agence.
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