CONFERENCE DE PRESSE DES NATIONS UNIES
Mardi 01 octobre 2013
Conférence de presse de l'expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Haïti, M. Gustavo Gallon
INTERVENTION DE LA PORTE-PAROLE DE LA MISSION DES NATIONS UNIES POUR LA STABILISATION DES NATIONS UNIES EN HAITI, MADAME SOPHIE BOUTAUD DE LA COMBE.
Bonjou tout moun. Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bienvenue à la conférence de presse de l'expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Haïti, M. Gustavo Gallon qui, au terme de sa visite va vous faire une déclaration et ensuite répondre à vos questions. Merci d'éteindre vos téléphones et de vous présenter avant de poser vos questions.
INTERVENTION DE L'EXPERT INDEPENDANT DES NATIONS UNIES SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN HAITI, M. GUSTAVO GALLON.
Je me réjouis de partager avec vous mes premières impressions aujourd´hui au terme de ma toute première mission dans le pays depuis ma nomination à la fonction d'Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Haïti en juin 2013.
Le but de ma mission fut d'analyser la situation des droits humains dans le pays pour préparer un rapport et de faire des recommandations que je dois présenter au Conseil des droits de l'homme en mars 2014.
J'ai visité Port -au- Prince et Jacmel où j'ai rencontré les autorités haïtiennes, des membres de la société civile, du corps diplomatique ainsi que les représentants la MINUSTAH. J'ai aussi visité quatre camps de déplacés ainsi que deux prisons. Tout cela avec le souci d'échanger avec une multiplicité d'acteurs haïtiens pour me forger une opinion personnelle sur la situation.
La situation des droits humains en Haïti est très complexe et elle a été diagnostiquée de multiples fois par différents analystes et observateurs qualifiés. Ces diagnostiques coïncident tous et signalent comme problèmes principaux l'extrême carence des ressources de la plupart des Haïtiens pour subvenir à leurs besoins essentiels au milieu d'une profonde faiblesse institutionnelle, aggravée par de sérieuses violations des droits humains du passé qui attendent d'être résolues, et par des catastrophes naturelles qui rendent plus difficile la tâche de garantir les droits dans le présent et pour l'avenir.
Ma propre perception, après cette première visite officielle que je viens de faire dans le pays, n'est pas différente, ce qui me conduit aussi à partager le contenu des recommandations qui ont été faites au cours des dernières années par des observateurs hautement qualifiés, comme mes prédécesseurs dans l'exercice de leur mandat d'Experts Indépendants, aussi bien que des organes et agences des Nations Unies et de l'Organisation des États Américains, y compris le Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies lors de son Examen Périodique Universel sur Haïti en octobre 2011.
Je constate avec satisfaction que le Gouvernement a manifesté sa volonté de mettre en œuvre ces recommandations et je salue la création du Comité interministériel des droits de la personne.
Parmi ces nombreuses recommandations, je voudrais signaler cinq aspects prioritaires pour lesquels, j'accompagnerai les autorités et de la société haïtienne pour contribuer à leur mise en œuvre.
- Tout d'abord, le droit à l'éducation est un élément clé pour la jouissance de l'ensemble des droits économiques, sociaux et culturels. Outre l'importance de l'éducation en soi pour le développement personnel de chaque individu, ce droit sert en même temps à renforcer la capacité d'avoir accès à d'autres droits fondamentaux, tels que l'alimentation, le travail, le logement et la santé. Une politique visant à garantir de façon décidée, ambitieuse et généreuse le droit à l'éducation, a un puissant effet multiplicateur sur la réalisation d'autres droits basiques de la personne, de façon à surmonter ladite carence de ressources d'une grande majorité de la population haïtienne pour subvenir à leurs besoins essentiels. Cette politique doit se référer, bien entendu, aux enfants, mais aussi aux jeunes, aux adultes et au troisième âge, dans un effort permanent et soutenu pour assurer l'alphabétisation de toutes les personnes dans ce pays et leur formation au niveau technique ou professionnel. On espère que les programmes et initiatives sur le droit à l'éducation, mis en place par le Gouvernement, et notamment par le Ministère Délégué aux Droits de la Personne et de la Lutte contre la Pauvreté Extrême, irons dans ce sens. Aujourd'hui, c'est la rentrée des classes et ces programmes doivent faire leurs preuves.
- Deuxièmement, la situation des personnes qui se trouvent privées de liberté dans le pays est d'une gravité éclatante et demande d'être résolue à travers des mesures spéciales et urgentes. La population carcérale est de plus de dix mille personnes tandis que la capacité des installations est prévue pour quatre mille au maximum. Les services sanitaires sont presque inexistants. La possibilité de travailler ou d'étudier en étant emprisonné n'est pas prévue, sauf rares exceptions. L'immense majorité des détenus (autour de 80% en moyenne) est en situation de détention préventive prolongée. Ils sont privés de liberté sans même avoir été jugés et cela pour une durée prolongée, allant dans la plupart des cas au-delà du temps prévu pour la peine maximale qui leur serait attribuée en cas de condamnation. Cette situation mérite un traitement de choc pour réduire de façon substantielle le nombre de détenus actuels et prévenir l'accroissement de détenus dans le futur. Une petite quantité de juges, assistés par des élèves de l'Ecole de la magistrature, soutenus par des étudiants de dernière année de Droit, pourraient être nommés pendant une durée de quelques mois pour statuer et décider quels détenus seraient en condition d'être libérés. Des hauts fonctionnaires du Gouvernement sont sensibilisés sur cette problématique et plusieurs idées sont en train d'être considérées pour résoudre cette situation. Espérons qu'une décision soit prise aussitôt que possible et que la problématique de la détention préventive prolongée soit réglée de façon durable.
- Un troisième aspect qui affecte la situation des droits humains en Haïti de manière évidente et qui a besoin de mesures urgentes est celui du renforcement des institutions, notamment en ce qui concerne l'accès à la justice et la défense des droits. Peu de personnes peuvent avoir confiance quant au rôle que l'État peut jouer à leur égard en Haïti. Qu'il s'agisse de la propriété foncière, ou d'un arrêt judiciaire, de la réalisation des élections, de la compétence des pouvoirs publics ou de la prestation des services de santé, le degré d'insécurité juridique est ostensiblement plus élevé que dans d'autres pays. La construction d'un État de droit est un défi et un besoin essentiel en Haïti, aussi bien pour la jouissance des droits civils et politiques que pour que, parallèlement, les droits sociaux, économiques et culturels soient également garantis.
- Le traitement des violations de droits humains commises sous les gouvernements de Duvalier et d'Aristide. C'est un problème qu'on doit régler dans la société pour clarifier ces violations et pour réparer les dommages causés et rendre justice aux victimes de ces violations.
- Enfin, la situation dans les camps des déplacés internes. Je me réjouis que le nombre de personnes vivant dans des camps ait sensiblement diminué à travers des programmes sociaux et j'espère que ceux-ci pourront se pérenniser dans le temps pour résoudre une situation inhumaine. Il reste dans l'ensemble du pays, plus de 278,000 personnes entassées dans des espaces sans latrines, très souvent sans eau ni électricité, sans accès à des soins sanitaires, survivant dans une ambiance d'insécurité, surtout pour les femmes, et avec le risque d'être victime d'une éviction forcée.
Ce sont les cinq aspects sur lesquels j'ai mis l'accent au cours de ma visite, mais je veux aussi insister sur la nécessité de mettre en œuvre toutes les autres recommandations qui ont été faites. J'ai attiré l'attention sur ces cinq aspects pour dire à la société haïtienne et au gouvernement ainsi aux autorités en général que c'est important d'avoir un plan stratégique pour développer la capacité des institutions à protéger les droits humains et à résoudre la situation de crise dans laquelle se trouve le pays. Je dois dire aussi que dans ces cinq recommandations que j'ai mentionné, ainsi que dans les autres, une attention particulière doit être donnée à la situation des femmes et des enfants, de façon transversale, dans la mise en œuvre de toutes les recommandations, et notamment dans les cinq aspects soulevés ici.
Pour en finir, permettez-moi de dire que j'observe avec une préoccupation particulière la tension entre différents acteurs ayant des rôles importants à remplir dans l'amélioration de la situation des droits humains : l'exécutif, le législatif, les autorités gouvernementales, l'Office de Protection du Citoyen et la société civile. J'encourage ces différents acteurs à aller au-delà de ces tensions au moyen du dialogue et de la volonté de trouver des solutions pour le bien-être collectif de l'ensemble de la population haïtienne.
Merci et maintenant je suis prêt à répondre à vos questions.
Questions / Réponses
Radio Vision 2000: M. Gallon, Durant votre séjour en Haïti, quelles sont les personnalités que vous avez rencontrées. Ensuite, j'aimerais savoir si vous n'avez pas abordé la question de l'organisation des élections dans le pays ?
M. Gustavo Gallon : J'ai eu rendez-vous avec Mme le ministre Déléguée aux droits de l'homme et à la lutte contre l'extrême pauvreté et aussi avec des fonctionnaires du ministère des Affaires sociales et du Travail, aussi bien qu'avec des représentants du Premier ministre et avec le ministre de la Justice. Deux rendez-vous ont été ratés hier à cause de la manifestation. On a eu également un rendez-vous avec le secrétaire d'État pour les personnes vivant avec handicap, avec l'Office du Protecteur du citoyen et son Directeur, Mme Florence Elie. J'espère ne pas avoir omis quelqu'un. Je viens de rencontrer aussi le Directeur de la Police et les représentants du comité interministériel des droits de la personne.
La deuxième question concernant les élections. Non, je n'ai pas eu l'occasion. Je n'ai pas rencontré le Premier ministre avec qui je pensais aborder la question des élections. Mais je saisi l'occasion pour exprimer ma préoccupation pour la réalisation des élections et cela fait partie des recommandations concernant la certitude que les gens doivent avoir quant aux droits qui doivent être garantis et l'un de ces droits, c'est le droit de vote, le droit d'élire et d'être élu. Permettez-moi d'ajouter que j'ai eu un rendez-vous avec le président de la Chambre des députés, M. Tholbert Alexis.
Radio Vision 2000: Vous n'avez pas rencontré les responsables des organisations des droits humains ?
M. Gustavo Gallon : Mais oui, j'ai eu des réunions avec des responsables des organisations de défense des droits de l'homme, aussi bien à Port-au-Prince et à Jacmel.
Radio Caraïbes : M. Gallon, avez-vous pris connaissance des recommandations de votre prédécesseur, Michel Forst. Avez-vous observé des progrès ? Et quel regard projetez-vous sur le programme d'éducation universelle du gouvernement ?
M. Gustavo Gallon : Bien sûr, j'ai pris connaissance des rapports faits par mon prédécesseur, M. Forst. Comme je l'ai dit, je réitère les recommandations que lui et d'autres experts et d'autres agences des Nations Unies et de l'Organisation des États Américains ont faits. Je constate particulièrement que les recommandations que M. Forst avait fait quant à la nomination d'une personne ou l'attribution des responsabilités d'une personne particulière dans le gouvernement pour prendre en charge les droits de l'homme, cette recommandation commence à prendre effet avec la nomination d'un délégué et la création d'un comité interministériel. J'ai parlé avec la ministre Déléguée qui m'a présenté le programme, les plans, les idées qui sont en discussion au sein de ce comité et c'est justement à partir de la réflexion sur les idées, que j'ai souligné l'importance du droit à l'éducation.
Maintenant, je passe à la deuxième question pour montrer comment pour assurer la jouissance des droits sociaux, économiques et culturels, le droit à l'éducation a une place clé pour renforcer la capacité des personnes d'avoir accès à d'autres droits sociaux, économiques et culturels. Le programme que le gouvernement est en train de développer a des aspects d'assistance sociale très importants. Mais pour que cela ne reste pas seulement un programme d'assistance sociale, mais un programme de droits humains, j'ai insisté sur la nécessité d'avoir une approche des droits et surtout d'avoir une stratégie pour assurer la réalisation et la reproduction de la capacité de réaliser ces droits sociaux, économiques et culturels au moyen d' un aspect significatif plus développés que celui qui est prévu dans le programme actuel concernant le droit à l'éducation.
RFM : A Propos des victimes du choléra, des organisations de la société civile parlent de la responsabilité morale des Nations Unies. Vous avez rencontré des organisations de droits humains. Ont-elles abordé ce sujet avec vous ?
M. Gustavo Gallon : En effet, j'ai eu des réunions avec des représentants de la société civile et aussi avec des agents de l'État qui m'ont exprimé cette préoccupation vis-à-vis des activités de la MINUSTAH et celles concernant le choléra. Et je vois qu'il y a un problème pour le développement d'une loi d'accès à l'eau qui est prévue pour diminuer et éliminer le choléra en assurant la jouissance de ces droits et en même temps, je ne suis pas un fonctionnaire des Nations Unies pour répondre à cette problématique. Mais en tout cas, je prends en compte ce qui m'a été dit pour le transmettre aux gens des Nations Unies que je rencontrerai.
Vision 2000 : Vous venez de passer quelques jours en Haïti, vous aviez fait des constats ? Vous aviez formulé des recommandations, dites-nous en ce qui concerne l'établissement d'un véritable État de droit dans le pays, est ce qu'Haïti est sur la bonne voie ?
M. Gustavo Gallon : Écouter, peut-être que je n'ai pas été assez clair. J'ai présenté des idées autour des cinq points et si on était dans la bonne voie je n'aurai pas besoin de proposer ces recommandations dans les cinq domaines. Je ne peux pas dire qu'il n'y pas de travail qui se fait à ce niveau mais je propose de les considérer de façon plus intégral avec une notion de droit et d'harmoniser les efforts qui se font faits autour de ces domaines en relation avec nos recommandations. Et j'espère que cela va contribuer à améliorer la situation en Haïti.
Caraïbes FM: M. Gallon, dites-nous avant de venir en Haïti vous avez eu des informations sur le pays. Les organismes de défense des droits humains, la société civile disent que ça mal s'agissant du respect des droits de l'homme en Haïti depuis l'arrivée au pouvoir du régime actuel. Alors que dans votre rapport vous mentionnez que ça va plus ou moins bien pour Haïti, pendant que les opposants du pouvoir ne peuvent pas manifester. Certaines manifestations sont réprimées par la police, ils reprochent à l'Exécutif de vouloir faire main mise sur le pouvoir judiciaire, les élections ne seront pas organisées à temps. Donc est ce que selon vous, s'agissant de la situation des droits de l'homme dans tous ses aspects, est-ce que ça va bien pour Haïti depuis deux ans.
M. Gustavo Gallon : Je n'ai pas dit ce que vous avez dit. Je n'ai pas dit que ça va bien ou que ça va mal. J'ai concentré mes efforts à déterminer les caractéristiques particulières de la situation d'Haïti. Je parlais d'une crise de droits humains. Je n'ai pas fait de bilan à partir du gouvernement actuel mais j'ai fait le constat de la situation elle-même, je qualifie la situation de crise, je ne crois pas qu'on puisse dire que c'est une bonne situation. J'ai réitéré les recommandations qui ont été faites dans des rapports précédents et j'ai souligné ces cinq aspects que je considère sont des aspects clés pour sortir de cette crise. Ce ne sont pas les seuls aspects dont l'État haïtien et la société doivent se soucier pour sortir de la crise des droits de l'homme, mais pour moi ce sont des aspects clés pour s'en sortir.
Merci.
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RESEAU CITADELLE : LE COURAGE DE COMBATTRE LES DEMAGOGUES DE DROITE ET DE GAUCHE , LE COURAGE DE DIRE LAVERITE!!!
"You can fool some people sometimes, (
But you can't fool all the people all the time."
Vous pouvez tromper quelques personnes, parfois,
Mais vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps.
) dixit Abraham Lincoln.
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