Le gouvernement Lamothe sort renforcé de la séance d'interpellation des ministres Pierre Richard Casimir, David Bazile et Jean Renel Sanon. Cette interpellation a occasionné des débats houleux au Parlement, jusqu'à fort tard dans la soirée de mardi. Au terme de cette séance, les trois ministres ont tous reçu un vote de confiance les habilitant à rester en poste et ce, malgré l'acharnement des sénateurs interpellateurs.
En dépit des accusations abracadabrantes de Moïse Jean-Charles, Francky Exius et John Joël Joseph, les sénateurs interpellateurs n'ont pas réussi à mobiliser le nombre de votes nécessaires pour sanctionner les ministres « Tèt kale ». Il convient de noter que ce vote de confiance constitue la victoire de la stabilite politique et de la continuité de l'État sur le chambardement. Un vote de censure aurait hypothéqué l'avancement de nombreux dossiers d'État, dont celui de plus de 200 000 Dominicains d'ascendance haïtienne rendus apatride par un arrêt scélérat de la Cour constitutionnelle dominicaine.
En guise d'illustration de la mauvaise appréciation des dossiers en cours par les sénateurs interpellateurs, la lettre de soutien d'une vingtaine de diplomates et d'anciens ministres, dans laquelle ces derniers attirent l'attention du Sénat sur la vitalité de la Diplomatie haïtienne grâce au dynamisme du titulaire du MAE, montre amplement le leadership du gouvernement Lamothe .
En conséquence, cette lettre ne manque pas de souligner le succès obtenu par le gouvernement Lamothe auprès des pays membres de la CARICOM dans le cadre du dossier de la Cour constitutionnelle dominicaine.
Dans la foulée, les associations des Casec et Asec en ont fait de même en faveur du ministre David Bazile en adressant une correspondance aux parlementaires interpellateurs dans laquelle ils demandent de maintenir le titulaire du MICT en poste. Les Casec et Asec en ont profité pour mettre en exergue le support indéfectible du gouvernement à l'endroit des collectivités territoriales.
Il demeure cependant vrai que la Constitution stipule en son article 129-2 que le « droit de questionner et d'interpeller un membre du gouvernement ou le gouvernement en entier » est reconnu « à tout membre des deux chambres ». Toutefois, à cause de leur mauvaise lecture de la conjoncture politique nationale et régionale, et l'engagement des ministres interpellés en vue de pallier les différents défis, contrairement à l'esprit de l'article 129-3 de la Constitution 1987 (maintenant amendée), les sénateurs interpellateurs n'ont pas pu obtenir les 16 voix nécessaires à la censure des trois ministres.
Les sénateurs interpellateurs, logiquement minoritaires en ce qui se rapporte à l'exigence de 16 voix sur 30 pour renvoyer les ministres interpelés, savent mieux que tous qu'il est stipulé à l'article 129-3 de la Constitution que toute « demande d'interpellation doit aboutir à un vote de confiance ou de censure pris à la majorité de ce corps ». Néanmoins, plus d'un pense que les sénateurs, trop emportés par la mentalité du « rache manyòk », n'ont pas pris le temps de mesurer les retombées diplomatiques d'un quelconque vote de censure.
En effet, sinon de l'acharnement politique, comment expliquer que des sénateurs se disant responsables et patriotiques auraient pu licencier plusieurs ministres sans même tenir compte des démarches qu'ils ont entreprises dans leur domaine respectif tant au niveau national qu'international en vue répondre à de nombreux défis internes?
Une fois de plus, rappelons diverses démarches diplomatiques visant à porter la Cour constitutionnelle dominicaine à réévaluer la portée discriminatoire de sa décision de dénationaliser plusieurs centaines de milliers de Dominicains d'ascendance étrangère, créant ainsi de nouveaux cas d'apatridie.
En dépit du manque d'aplomb des interpellateurs, le gouvernement Lamothe s'est, une fois de plus, plié aux règles du jeu démocratique en répondant, le mardi 5 novembre 2013, à la demande d'interpellation de trois de ses ministres. Il est clair que, à contre cœur, de même que le gouvernement s'est montré respectueux des principes démocratiques et règles de droit en vigueur en répondant à l'interpellation du Sénat, les interpellateurs n'ont, à leur tour, pas autre choix que de se courber aux résultats de ce vote.
Par ailleurs, entendu que les sénateurs ayant endossé la lettre d'interpellation sont pour la plupart des opposants farouches à l'administration Martelly/Lamothe, n'est-il pas de bon ton de se demander si, depuis cette gifle infligée par le pouvoir en place aux sénateurs interpellateurs, ce n'est pas toute l'Opposition politique (MOPOD, OPL, FUSION) au régime en place qui est sortie affaiblie de cette séance?
Il va de soi que le groupe des 14 interpellateurs ayant voté la censure des trois ministres, conformément à leur opposition au tandem Martelly/Lamothe, savait pertinemment qu'il n'était pas en mesure de renvoyer les ministres, entendu qu'ils ne disposent pas des 16 voix sur 30, tel que exigé par la loi mère de la République. Toutefois, ils ont quand même convoqué puis tenu cette séance.
Somme toute, l'interpellation des trois ministres Pierre Richard Casimir (MAEC), David Bazile (MICT) et Jean Renel Sanon (MJSP) a mis l'extrémisme et la raison face à face. Certains pensent que, compte tenu des résultats du vote de cette séance, la raison a triomphé sur le « jusqu'au-boutisme » et le faire-voir !
Peut-être les sénateurs interpellateurs finiront par se rendre à l'évidence et par comprendre qu'un vote de censure aurait tout simplement nuit à la bonne marche des institutions et, du coup, casser l'élan de maints projets en cours au niveau du gouvernement. Que la Constitution reconnaisse le droit d'interpeller est une chose, avoir le sens du momentum politique et savoir agir en hommes d'État en est une toute autre.
Guillaume L. Pierre
Le Nouvelliste | Publié le : 08 novembre 2013
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