jeudi 20 février 2014

Dénationalisation-RD-CIDH - La République dominicaine mise à nu à l'OEA

Le Nouvelliste | Publié le : 19 février 2014
Discrimination, violation du droit à la nationalité, intolérance et incitation à la violence, c’est ce que retient la Commission interaméricaine des droits de l’homme dans son rapport sur la République dominicaine, présenté mercredi au Conseil permanent de l’OEA. Les représentants de plusieurs pays ont une nouvelle fois condamné la décision de la Cour constitutionnelle dominicaine.
La représentante de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Celia A Prince 
Juan Manuel Herrera/OEA
La représentante de la République dominicaine, Mayerlyn Cordero Díaz 
Juan Manuel Herrera/OEA

Suite à la demande formulée par la mission permanente de St-Vincent-et-les-Grenadines à l’OEA au nom de la CARICOM, le Conseil permanent de l’Organisation des Etats américains a discuté des observations préliminaires de mission de la CIDH en République dominicaine. En effet, une délégation de la Commission interaméricaine des droits de l’homme a mené une investigation en terre dominicaine du 2 au 5 décembre 2013. 

Une privation arbitraire de nationalité Dans le rapport présenté à l’OEA mercredi, la CIDH a fait état de la situation alarmante qui prévaut de l’autre côté de la frontière. « La Commission interaméricaine a reçu pendant sa visite des informations préoccupantes concernant de graves atteintes aux droits à la nationalité, à l’identité, à l’égalité devant la loi et à la non-discrimination. La violation du droit à la nationalité, que la Commission avait observée lors de sa dernière visite qui a eu lieu en 1997, se poursuit, et la situation s’est aggravée en raison de l’arrêt 168/13 de la Cour constitutionnelle», peut-on-lire dans le rapport de la commission. 

L’arrêt 168/13, une décision arbitraire et discriminatoire selon la CIDH. « La Commission estime que l’arrêt de la Cour constitutionnelle entraîne une privation arbitraire de la nationalité. Cette décision a un effet discriminatoire, étant donné qu’elle touche principalement les Dominicains d’ascendance haïtienne; qu’elle les prive de la nationalité de façon rétroactive; et qu’elle rend apatrides les personnes qui ne sont considérées comme des ressortissants par aucun Etat, aux termes de sa législation ».

« Nombre de personnes touchées par l’arrêt 168/13 de la Cour constitutionnelle sont des personnes qui sont nées en République dominicaine et qui précédemment ont été reconnues par l’Etat comme étant de nationalité dominicaine, au moyen de l’établissement par les institutions de l’État d’un document faisant foi. Ces personnes ont des liens étroits avec la République dominicaine: elles ont payé des impôts et créé de la richesse, elles ont contribué à la sécurité sociale, elles ont été élevées et instruites dans le pays et elles y ont établi leur cellule familiale. Dans leurs témoignages devant la CIDH, elles ont déclaré avoir un profond sentiment d’identité dominicaine. Comme l’a dit un jeune à Santo Domingo: “je suis né sous le drapeau dominicain et je n’en connais aucun autre”.

Discriminations à multiples niveaux

La visite des experts de la CIDH en territoire dominicain les a permis de découvrir que le niveau de discrimination à laquelle font face les fils des immigrants est très élevé. « La Commission fait observer que la décision 168-13 ne touche pas seulement un nombre élevé de personnes nées en République dominicaine, mais porte aussi atteinte de façon disproportionnée à des personnes déjà sujettes à de multiples formes de discrimination, en particulier fondées sur la race et la pauvreté. Sur ce point, dans son analyse de la situation en République dominicaine en avril 2013 en cours, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a mentionné trois aspects particulièrement pertinents: la persistance du racisme structurel et de la discrimination fondée sur la couleur et l’origine nationale; le lien entre la pauvreté et le racisme en général; et la ¨négation ferme¨ par l’État de l’existence d’une discrimination raciale, qui constitue un obstacle important à l’exécution de ses obligations internationales ». 

Les commissaires de la CIDH se sont aussi rendus dans les bateyes où la situation est de plus en plus alarmante. « La CIDH a visité plusieurs bateyes dans divers endroits du pays et a constaté les conditions de pauvreté, d’exclusion et de discrimination dans lesquelles vivent leurs habitants. La pauvreté touche de façon disproportionnée les personnes d’ascendance haïtienne et cela est en rapport avec les obstacles auxquels elles se heurtent pour obtenir leurs documents d’identité ». 

Intolérance et incitation à la violence en république voisine  

Mis à part les cas de discrimination raciale, la CIDH a reçu des témoignages concernant de nombreux actes d’agression perpétrés contre les immigrants, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme depuis la publication de l’arrêt 168-13. « La publication de la décision 168/13 de la Cour constitutionnelle de la République dominicaine du 23 septembre 2013 a suscité dans le pays des réactions défavorables. En particulier, elle a créé un climat hostile à l’encontre des personnes qui ont critiqué cette décision et ont défendu le droit à la nationalité dominicaine des personnes concernées. Selon une information reçue par la Commission interaméricaine, les propos adressés à des journalistes, intellectuels, avocats, hommes politiques, défenseurs des droits de la personne et personnages publics qui ont critiqué cette décision ont atteint des niveaux d’agressivité alarmants. Ces personnes ont été qualifiées de “traîtres à la patrie” et ont fait l’objet de graves menaces sur les réseaux sociaux, de commentaires dans les journaux en ligne et de consignes lors de protestations et de manifestations appelant à donner la “mort aux traîtres”. La Commission interaméricaine se déclare préoccupée par les menaces et propos calomnieux proférés à l’encontre des personnes qui ont exprimé des critiques sur la décision en question ». 

Ces révélations faites par la CIDH au Conseil permanent de l’OEA n’ont pas laissé indifférents les représentants de plusieurs pays. La plupart des intervenants ont sévèrement critiqué la démarche de la république voisine et la pressent à revenir sur la décision discriminatoire de la Cour constitutionnelle. Plus impressionnantes étaient les déclarations de la représentante de St Vincent-et-les-Grenadine, Celia A Prince, qui a appelé les Etats membres de l’OEA à éviter « que le continent ne devienne la partie du monde comptant le plus d’apatrides ». L’ambassadrice Celia A Prince, qui avait demandé à l’OEA de diligenter une enquête sur le terrain a insisté sur le caractère discriminatoire de l’arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine.

« La situation qui prévaut actuellement en République dominicaine est loin d’être un dossier bilatéral, concernant uniquement Haïti et la République dominicaine. Cela concerne tous les pays du continent dans la mesure où ça concerne la violation des droits de l’homme », a soutenu le représentant de la Jamaïque, Stephen Charles Vasciannie. Face à ces vives critiques, la représentante de la République dominicaine est montée au créneau pour défendre son pays, rappelant à la salle qu’un processus de dialogue est enclenché entre Haïti et son pays. « Il n’y aura aucune déportation de personnes détenant la citoyenneté dominicaine ». L’Etat dominicain prend les dispositions pour régulariser les étrangers présents sur son territoire », a martelé Mayerlyn Cordero Díaz.

Louis-Joseph Olivier 
ljolivier@lenouvelliste.com
Source: Le Nouvelliste
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RESEAU CITADELLE : LE COURAGE DE COMBATTRE LES DEMAGOGUES DE DROITE ET DE GAUCHE , LE COURAGE DE DIRE LAVERITE!!!
"You can fool some people sometimes, 
But you can't fool all the people all the time."
 (
Vous pouvez tromper quelques personnes, parfois, 
Mais vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps.
) dixit Abraham Lincoln.

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