L’absence de débats sérieux autour de la loi sur la diffamation est une preuve du bas niveau de la société civile haïtienne. Jamais, une loi sur la diffamation n’a été adoptée dans une démocratie, sans susciter des débats houleux sur son objectif, son application et les garanties pour la liberté d’expression. Dans les pays de la Caricom, des organisations de travailleurs de presse comme l’Association of Caribean MediaWorkers (ACM), se battent avec le support du CPJ (Committee to protect Journalists), RSF (Reporters sans Frontières) contre la pénalisation de la diffamation. Comment comprendre l’adoption par le Sénat haïtien, à l’unanimité d’une loi sur la diffamation, sans une large publication du texte pour un débat national dans des forums de citoyens, d’étudiants, de militants de droits humains ou de travailleurs de presse?
Normalement, les associations de presse et/ou de médias devraient avoir à se prononcer sur le projet de loi. Des organisations de droits humains et celles dites de la société civile devraient être consultées en conséquence. Le vide créé par l’absence du Professeur Jean-Claude Bajeux est encore une fois ressenti. Car, jamais, il n’aurait accepté cette loi sans exiger un débat dans la société civile. Déficit de concepts des militants actuels plus à l’aise à parler de Guy Philippe au mépris du principe de la présomption d’innocence qu’à défendre les principes démocratiques.
De plus, une nouvelle loi sur la diffamation en Haiti serait nécessaire, si elle avait adopté des dispositions pour punir les parlementaires qui diffament contre des citoyens. Car, depuis l’arrivée au pouvoir du Président Michel Martelly en 2011, les parlementaires sont les principaux diffamateurs qui utilisent les médias et la presse pour détruire des citoyens qui ne partagent pas leur opinion politique. C’est aussi le cas quand un parlementaire veut se venger d’un ancien comptable des deniers publics ou s’il voit en un citoyen un éventuel concurrent pour des prochaines élections.
Moise Jean-Charles n’est-il pas connu pour ses diverses accusations sans fondement contre des personnalités publiques ou privées afin de se faire une visibilité et de se porter candidat à la présidence? Lors de la séance de ratification de la politique générale du Premier Ministre Jacky Guy Lafontant, le Sénateur Jean-Renel Sénatus n’a t-il pas qualifié une citoyenne de folle sans aucune preuve ni aucun rapport d'expert?
C’est à ce niveau qu’il y a un vide juridique à combler. La loi ne dit rien sur les mesures à adopter quand un parlementaire utilise la diffamation pour détruire des citoyens. Alors que contre nous autres citoyens, il existe déjà une loi haïtienne sur la diffamation, forts de leur immunité, les parlementaires haïtiens sont toujours au-dessus des lois :
Ils ont le droit d’obtenir décharge, le droit de manipuler de fortes sommes d’argent liquide sans être accusés de blanchiment, le droit de mener une vie de Prince aux dépens de la caisse publique dans un pays pauvre, le droit de circuler avec des groupes d’hommes armés, le droit de diffamer, le droit d’intimider, le droit de bastonner, le droit d’harceler les jeunes filles et d’abuser des mineurs.…en un mot, le droit de commettre des crimes impunément. Pour ne pas être dénoncés ni dérangés dans leurs pratiques abusives, ils veulent une prétendue loi sur la diffamation comme arme pour intimider le citoyen et le peuple.
Haiti a surtout besoin d’une loi garantissant aux citoyens, aux journalistes, aux chercheurs et aux enquêteurs privés, l’accès aux dossiers de l’Etat pour une meilleure vigilance citoyenne.
Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti // 16 mars 2017
Lisez : Criminal Defamation Laws in The Caribbean.-
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