Le Grand Jury avait mis Guy Philippe en accusation le 22 novembre 2005 pour complot pour importer des stupéfiants aux Etats-Unis, blanchiment d'argent et transactions financières impliquant de l'argent sale. Si l'affaire avait été entendue par un jury, M. Philippe encourait une peine maximale de prison à vie pour le premier chef d'accusation, de vingt ans pour le deuxième et de dix ans pour le troisième.
Après l'obtention de la mise en accusation, l'arrestation de M. Philippe n'a eu lieu que le 5 janvier dernier à Pétion-Ville, alors qu'il sortait des studios de Scoop FM où il avait participé à l'émission Haïti-Débats animée par le journaliste-vedette Gary Pierre Paul Charles et ses deux comparses Marco et Eude. M. Philippe fut arrêté sur la base d'un mandat d'amener émis par Me Yvon Pradel, alors commissaire du gouvernement a.i. près le Tribunal de Première Instance des Cayes pour meurtre, tentative de meurtre et vol d'arme à feu, suite à l'attaque armée perpétrée dans la nuit du 16 au 17 mai 2016 contre le commissariat de police de cette ville. Au moment de son arrestation, M. Philippe, fraichement élu sénateur de la Grande-Anse avec 35.46% des voix contre 29.64 pour son rival Sorel Jacinthe, était à trois jours de sa prestation de serment.
Quelques heures après l'arrestation, le ministre de la justice, Me Camille Edouard, avait autorisé la police à remettre M. Philippe aux agents de la DEA, à travers une "remise extraordinaire", selon le jargon du droit international. Cette remise n'est intervenue ni dans le cadre du traité d'extradition existant entre Haïti et les Etats-Unis, ni dans le cadre de l'accord de 1997, ni dans celui des instruments internationaux signés par Haïti dans la lutte contre les crimes transnationaux. Les experts en droit les plus qualifiés du pays s'accordent à reconnaitre que l'arrestation et la remise subséquente de M. Philippe étaient réalisées en violation de la loi, notamment parce que selon la procédure tracée par le Code d'Instruction Criminelle, M. Philippe devait être amené par devant le commissaire du gouvernement qui avait émis le mandat pour interrogation; ce dernier, s'il y avait lieu, aurait adressé un réquisitoire à un juge d'instruction qui transformerait alors le mandat d'amener en mandat de dépôt. Cependant, le tribunal américain, en réponse aux arguments de la défense soulevant cette exception d'illégalité et conformément à la jurisprudence en la matière, avait précisé que l'illégalité présumée du processus en Haïti n'allait pas influencer sa compétence personnelle.
Une fois arrivé aux Etats-Unis, M. Philippe avait initialement plaidé coupable. Cependant, au cours de la période de communication de pièces, le FBI a mis à la disposition de la procureure huit enregistrements compromettants, dont cinq sur lesquels figurait la voix de M. Philippe. Deux jours après avoir reçu ces enregistrements, soit le 20 mars, la défense engagea Me. Alan Ross, avocat de carrière ayant, dans le passé, réussi des tours de magie dans les cours floridiennes. Le 23 mars, cependant, la défense allait solliciter une mise en continuation de l'affaire.
Cette mise en continuation a permis à la défense de mieux jauger ses chances d'enlever M. Philippe des griffes de la justice américaine. Apres cette période d'évaluation, le 24 avril, M. Philippe était devant Juge Altonaga où il a changé son plaidoyer de non culpabilité initial en un plaidoyer de culpabilité, après avoir conclu un deal avec la procureure fédérale, Me. Lynn Kirkaptrick. Selon les termes de ce deal, M. Philippe acceptait de plaider coupable de blanchiment d'argent et de partager avec les autorités américaines toutes les informations relatives aux crimes qui lui sont reprochés. Il a reconnu avoir amassé entre 1.5 et 3.5 millions de dollars dans ces activités au fil des ans. Il a aussi reconnu dans le même document que le gouvernement américain détenait assez d'informations pour obtenir sa condamnation pour les trois chefs d'accusation. M. Philippe avait aussi précisé qu'il avait été aidé dans ses activités illicites d'autres individus, dont des policiers.
Quant à la procureure fédérale, elle a accepté de mettre de côté provisoirement les deux autres chefs d'accusation, menaçant de résilier le deal si M. Philippe ne collaborait pas comme promis avec les autorités américaines avant la communication de la sentence. La procureure avait aussi accepté de faire, avec la défense, une suggestion commune de sentence de 9 ans d'emprisonnement. Très commune dans les affaires pénales, la suggestion commune de sentence est généralement respectée par les juges qui maintiennent, cependant, toute leur discrétion dans la détermination de la sentence.
Initialement fixée au 5 juillet, la date de communication de la sentence fut avancée à aujourd'hui parce que l'investigation présentencielle fut bouclée plus tôt que prévu. La sentence de neuf ans dont a écopé M. Philippe aujourd'hui peut être commuée à l'avenir, si la procureure estime précieuse la collaboration du défendeur.
Frandley Julien
http://www.lenational.org/neuf-ans-guy-philippe/
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