mercredi 9 août 2017

#Haiti - Enquêtes PetroCaribe : Jusqu’où ira la farce ? (LeNational.org)

La semaine dernière, je reçus un appel d’un collègue professeur qui feignait de solliciter mon opinion sur l’opportunité d’établir en Haïti un musée de la dictature. Vu que c’est un projet que j’ai toujours caressé depuis mon départ d’Haïti, je ne pus retenir mon excitation face à la possibilité que la diligence de mon ami ait raison de ma procrastination dans la concrétisation de l’idée. Mais mon enthousiasme se transforma rapidement en désillusion lorsque mon collègue me confia qu’à son avis, Michèle Bennett ferait une bonne conservatrice pour un tel musée. Je lui répondis qu’une telle suggestion était une insulte à mon intelligence. Et mon ami de renchérir : Mais vous trouvez normal que les enquêtes successives sur les fonds PetroCaribe soient menées par des sénateurs qui ont, en d’autres temps, pillé les caisses publiques ? L’analogie n’admettait pas de réplique.

Cette question, purement rhétorique, de mon ami, me fit réaliser l’ampleur du drame haïtien. Pour que notre pays sorte de l’ornière du sousdéveloppement, il faudra que la lutte contre la corruption soit menée de manière éthique et indiscriminée. Lutter contre la corruption revient à rendre justice aux enfants des bidonvilles qui, alors qu’ils sont condamnés à crever de faim, auront à payer les dettes encourues par l’État pour financer le luxueux train de vie de fonctionnaires et d’officiels qui confondent la caisse publique avec leur portefeuille. De ce fait, la lutte contre la corruption ne pourra se faire de n’importe quelle manière. Pour que la justice puisse triompher, ceux qui la rendent doivent avoir les mains propres. Sinon, nous continuerons d’être la risée du reste du monde en faisant siéger des disciples des consolidards comme juges à des rééditions amnésiques et loufoques du procès de la consolidation.

Les sénateurs qui, aujourd’hui, utilisent la lutte contre la corruption comme instrument de visibilité et de vengeance politique ont trop de squelettes dans leur placard pour être pris au sérieux. Lorsque, enfin, Haïti sera prêt à combattre la corruption, ces parlementaires auront à répondre aux questions de la justice. En conséquence, le fait par eux d’être en charge de telles enquêtes constitue un pied-de-nez fait aux citoyens et aux institutions de ce pays. Malheureusement, la société civile haïtienne a atteint un tel degré d’inertie que ceux qui sont au pouvoir peuvent tout se permettre. Dans un pays qui oublie avant même que ses blessures ne se cicatrisent, il arrive souvent que des loups travestis en bergers exterminent le troupeau sous le regard permissif d’une citoyenneté démissionnaire.

Il y a une autre raison, plus fondamentale, pour obtenir la cessation de cette parodie. Vu que les protagonistes de ces enquêtes ont les mains sales, qu’adviendrait-t-il de la crédibilité de leur travail si un jour nous décidions de combattre la corruption pour de bon, auquel cas ils ne manqueraient pas de se retrouver derrière les barreaux ? Ce n’est pas par hasard que dans les pays qui se respectent, ceux qui sont impliqués dans la lutte contre la corruption sont généralement au-dessus de tout soupçon. Si la Cour des comptes faisait son travail et décidait d’auditer l’administration publique de 1986 à nos jours, ou si nous exigions que nos officiels expliquent la provenance de leurs biens, les sénateurs en charge de l’enquête sur les fonds Petrocaribe ne sauraient à quel saint se vouer. Voilà pourquoi nous ne devons pas, en tant que citoyens, laisser des corrompus siéger à la cour de la lutte contre la corruption. Un jour, le moment viendra de passer à la caisse. Personne n’en sera exempté. Ce sera le dernier acte d’une comédie qui n’aura que trop duré. En attendant, les sénateurs-enquêteurs doivent avoir la décence d’arrêter de tourner le fer dans la plaie.


Martine Etienne, PHD

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