Le “brouillard de la guerre” l’oblige. Parfois, il faut se rendre sur le terrain.
En rentrant en Haïti par le poste frontalier de Ouanaminthe au mois de juillet 2021, j’ai vécu une scène impressionnante : Un humble agent d’immigration qui refuse de se laisser soudoyer par une dame.
En effet, j’étais au bout de la file d’attente. Il ne m’a pas vu.
La jeune dame lui avait présenté plusieurs passeports accompagnés de quelques billets de 500 gourdes.
L’Agent de l'immigration a pris le passeport de la jeune femme, il a vérifié son identité, puis a mis le sceau d’entrée. Et pour les autres passeports, il lui a posé la question suivante : “Où sont les détenteurs de ces passeports?”
Et, la dame de répondre : “Elles ne sont pas présentes. C'est la raison pour laquelle il y a ce cadeau à l’intérieur des livrets.”
L’officier a ouvert les documents et a vu l’argent. Et sans hésiter, d’un ton mécontent, il haussa la voix et répliqua : “Pas question! Je suis ici pour appliquer les règlements. Je ne fais pas ce genre de choses. Et, je vous conseille de ne pas insister et de ne plus recommencer! Car ce que vous faites là est illégal, cela peut vous causer des ennuis.”
Je fus ému de vivre ce moment, incognito!
Ce fut mon tour de me faire contrôler. Nom, prénom et je fus obligé d’enlever casquette, lunette pour qu’il puisse faire son travail. (En effet, depuis le 22 décembre 2002, ayant été victime d'agressions physiques et de menaces répétées, je mène une vie quasi-clandestine quand je suis en Haiti.)
Avec un sourire discret, l’agent d’immigration me salua de la tête et je lui ai dit : “ Mon cher, MERCI! Par cet acte courageux, vous venez de me remonter le moral. Car, je rentre au pays, découragé et désespéré. L’idée répandue au niveau international, c’est qu'Haïti est foutue, parce que tous les gens sont des corrompus; la société est pourrie. Et le pire, les médias haïtiens répètent ce cliché. Mais vous qui êtes un humble fonctionnaire de l’État, vous venez de prouver le contraire! Cela m’aide à espérer.”
J’ai dû m'isoler pour cacher mes émotions.
Et, à mon compagnon de route d’ajouter : “Cyrus, je vois que vous êtes vraiment touché par l'honnêteté de l’homme. Mais, franchement, il existe beaucoup de citoyens honnêtes dans le pays. Ceux qui veulent faire croire que nous sommes tous des corrompus ont leur agenda.”
En réalité, ceux qui veulent nous décourager, ne cherchent pas ce genre d’histoires. Ils ne rapportent que la réalité de certains milieux en Haiti, leurs observations dans la capitale haïtienne. Car, leur cercle social quand ils sont en Haiti ce sont les hôtels, les restaurants de luxe, les plages privées que fréquentent les corrompus, les trafiquants de drogue, les oligarques et la bourgeoisie voleuse et malpropre. Donc, par paresse ou par méchanceté, ils les considèrent comme des échantillons représentatifs de la société haïtienne.
Mais Haïti, c’est plus que l'État central, c’est plus que l’administration centrale. Haiti ne peut pas être réduite à la République de Port-au-Prince, ni à Pétion-ville. Il y a dans ce pays des leaders communautaires, des fonctionnaires qui malgré leur isolement, malgré leur souffrance, la précarité et la vie chère, résistent. Afin de pouvoir toujours passer le "test du miroir”; à savoir se regarder et être en paix avec sa conscience, sa culture, son éducation familiale, avec le sens de sa vie.
Dieu merci! La culture de l’ "argent facile" n’est pas encore généralisée en Haïti. Certes, elle est forte dans certains milieux influents.
Toutefois, il y a encore des hommes et des femmes de caractère qui, malgré la vie difficile ou impossible, continuent de résister. Ces braves citoyens intègres et fiers attendent notre contribution pour pouvoir mobiliser la frange saine de la nation afin d'engager la renaissance nationale.
Cet agent haïtien d’immigration, dont je me garde de citer le nom, m’a motivé. Pour moi, c’est un message de Dieu. D’autres diront que c’est un message de réconfort de nos ancêtres, en ce moment difficile de l’histoire nationale. Mais, pour ne pas compliquer les choses, disons simplement qu’il cadre avec la déclaration célèbre de Toussaint Louverture. A savoir, sur cette terre d'Haïti il existera toujours des "racines de l’arbre de la liberté des noirs", prêtes à assurer la renaissance.
L’âme d’une nation ne peut se résumer à des futilités, comme l’argent (des dollars), des voitures de luxe, le sexe, le snobisme... Il y a aussi la dimension transcendantale des valeurs qui donne un sens à l’existence. La nouvelle Haïti, la renaissance de notre pays meurtri, viendra des hommes et des femmes honnêtes.
Cyrus Sibert,
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10 Août 2021
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