mardi 22 janvier 2008

Le mode de désignation de Guyler C. Delva, une menace pour la liberté de la presse.

Cyrus Sibert, AVEC L’OPINION,
Radio Kontak Inter 94.9 FM
Cap-Haïtien, Haïti
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Le journaliste Guyler C. Delva a été désigné par le gouvernement comme candidat haïtien au prix mondial de la liberté de la presse Guillermo Cano que décernera l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation la Science et la Culture (Unesco) le 3 mai prochain. « Nous avons porté le choix sur Guyler C. Delva pour l'engagement et la détermination qu'il a fait montre dans la lutte pour la liberté de la presse », déclare le ministre de la culture, Eddy Lubin, lors d'une conférence de presse le 17 janvier au siège du ministère. Le Ministre et son Directeur Général ont ainsi félicité notre confrère et justifié la décision du gouvernement haïtien de le nommer pour le prix international de l’UNESCO sur la liberté de la presse.

Pour certain secteur, c’est un bon choix. Sur Internet, dans le groupe de l’ACM (Association of Caribbean Media Workers), on lit des notes de félicitation. Tout le monde est aux anges. Le texte publié par AHP (Agence Haïtienne de Presse) circule sur tous les sites web. Monsieur Delva est satisfait de sa nomination. Il a déclaré : « Je remercie le Ministère de la culture pour le choix qu'il a fait de moi. Nous croyons que nous allons remporter le prix. Cela nous encourage à continuer la lutte, et aller de l'avant ».

Dans la société haïtienne, c’est le silence. On refuse d’opiner sur la question. Les associations de journalistes ne réagissent pas. Qui ne dit rien consent : on peut en déduire une acceptation de fait de la décision du gouvernement. Et l’on continue de croire, malgré tout, dans l’avancement de la démocratie en Haïti.

Nous partageons l’unanimité sur l’engagement continue de Guyler C. Delva en faveur de la liberté de la presse. Nous reconnaissons également en lui un journaliste professionnel qui travaille depuis longtemps dans des situations difficiles en vue d’informer la population et de permettre aux citoyens de faire entendre leur voix. De plus, nous avions été bénéficiaires de ses engagements et ses prises de position, quand en 2003, à Radio Maxima, nous étions sous les feux des chimères Lavalas et des attachés à la solde d’Aristide. Cependant, nous nous réservons le droit de contester la façon dont il a été désigné.

La liberté est le produit d’une lutte continue entre l’Etat - l’incarnation de la force et les citoyens légitimement munis de droits naturels. A la faculté de Droit de l’INUJED au Cap-Haitien, notre professeur de Droit administratif nous disait : L’Etat est envahissant. Il cherche continuellement à envahir l’espace privé. C’est aux citoyens de s’organiser pour établir les frontières à travers des lois. Ils doivent réviser en permanence les bornes et endiguer les propensions des autorités à outrepasser leurs prérogatives. L’Etat est naturellement totalitaire. Il cherchera à contrôler même les songes du citoyen. Le fascisme et le stalinisme en sont des exemples probants de dérives étatiques.

Suivant cette logique, comment comprendre cette façon de Préval et Alexis de s’arroger le droit de désigner un journaliste haïtien pour un prix international, sans consulter les associations de journalistes ? Après les dossiers d’assassinats de Jean-Dominique et de Brignol Lindor, peut-on accepter que le régime en place instrumentalise la presse dans le but de se créer plus de visibilité au niveau international ?

Si en 1990, des militants progressistes avaient accepté que toutes les luttes du peuple haïtien pour la liberté et la démocratie soient mises au service d’Aristide et de son gouvernement Lavalas, en 2008, les journalistes haïtiens doivent réagir pour contester, non Guyler C. Delva, mais cette tendance du Président René Préval à utiliser la presse à des fins gouvernementales.

A travers le monde les associations de journalistes et les organisations de droits humains luttent contre les projets des gouvernements à contrôler les organes d’expression. C’est le cas en Italie, en Russie, en France...
[Les médias sous contrôle de l’État (Le mythe de la liberté de la presse en France) : http://www.voltairenet.org/article14060.html]

Le mouvement indigéniste avec François Duvalier, l’armée d’Haïti (FAD’H) avec les généraux après 19986, le mouvement populaire pour la liberté et le progrès avec leaders de gauche/Lavalas en 1990, l’Eglise Catholique avec Aristide, la société civile avec des opportunistes en 2003 sont autant de mouvements instrumentalisés par des hommes en vue d’accéder et de garder le pouvoir d’Etat. Journalistes haïtiens, allez-vous accepter que la presse soit inféodée au Palais National après tant de lutte pour la liberté d’expression?

Même dans la misère et la faim dont parlait André Lachance, le journaliste-formateur canadien, nous ne devons pas accepter un tel état de fait.
[Lachance : http://www.mediamosaique.com/afficherNouvelle.asp?newsId=1325&bc=ffebcd&rub=Nouvelles]
Cette façon de désigner un journaliste pour un prix international sans consulter les principales associations de journalistes est un mauvais précédent. Les journalistes doivent élever leur voix pour dénoncer cette façon de faire. Si nous l’acceptons, demain un gouvernement dictatorial pourra désigner n’importe quel fanatique tortionnaire ou propagandiste pour le prix international de l’UNESCO sans nous consulter. Et nous serons bien obligés de l’accepter. La liberté est une lutte continue et sans relâche. Nous devons avoir le courage de dire non quand l’Etat dépasse ses limites. Il doit respecter ses frontières et ne pas s’immiscer dans la vie privée des citoyens et des associations.

Pour le jugement de nos confrères qui acceptent la mise sous tutelle de la presse par le gouvernement incompétent du Président René Préval et de son Premier Ministre Jacques Edouard Alexis nous citons :

Les douze mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont : I am from the Government and I am here to help you (je suis du gouvernement, je viens vous aider).

Ronald Reagan.
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« l’avorton surnaturel de la société », un « boa constrictor », « le plus grand scandale de la société et en même temps le foyer de toutes les corruptions », dont les fonctionnaires sont des « sycophantes grassement payés » et « un grouillement de vermine ».

Karl Marx (extraits de « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte » et de « La guerre civile en France », cités par Serge-Christophe Kolm)
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Ne demandez pas ce que l’Etat peut faire pour vous. Demandez ce que les hommes de l’Etat sont en train de vous faire.

David Friedman

Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
22 Janvier 2008

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