samedi 17 mai 2008

Et merde !


par Lyonel Trouillot


Le Sénat avait pourtant bien fait les choses, assumant son rôle d'acteur institutionnel en prenant une décision difficile, mais souhaitée par une bonne partie de la population : le renvoi d'un gouvernement de plus en plus décrié, et en faisant suivre cette décision de la ratification du Premier ministre désigné par le président de la République. Etre ferme, mais aussi aller vite.


Mais il y a la Chambre des députés. Ce sont des messieurs très sérieux qui passent beaucoup de temps à discuter sur «bizawèl » et « tatawèl », sur les premiers et deuxièmes prénoms. Ce sont des messieurs très sérieux et amnésiques qui oublient tous les déficits des registres d'État civil, tels qu'on les connaît dans les villes où ils sont nés, tels qu'en s'y attardant personne ne pourrait être candidat à quoi que ce soit, ni à la députation, ni à la mairie, ni même aux examens de fin d'études primaires. Ce sont des messieurs d'un sérieux confirmé qui savent à l'avance, par divination, le néolibéralisme de la politique que s'apprêtait à conduire le Premier ministre désigné. (Quant au néolibéralisme, avec de tels ennemis qui, à les entendre, ne savent ni ce qu'il est, ni ce qu'ils font, ni ce qu'ils disent, il a des chances de sévir en core longtemps) Le ridicule lèverait nos rires, s'il n'y allait de la vie d'un peuple et de l'évolution d'une société. Et s'il n'y avait, derrière le ridicule, la vilenie, l'incompétence et le cynisme

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Le ridicule : les élus de la formation politique du président de la république ont rejeté la candidature proposée par le président. On a parlé de faux lors de cette séance qui prendra bonne place dans l'histoire de la honte et de la bêtise. Le plus grand faux de la vie politique est un mensonge institutionnel nommé LESPWA. Le principal responsable du mensonge en paye aujourd'hui les frais. Le problème, c'est que la république le paye avec lui. Car si le président Préval se fait une réputation de chef sans troupes dans la presse nationale et internationale, le plus grave c'est que LESPWA n'était qu'une association de candidats dont l'alliance n'a duré ni valu que le temps d'obtenir un vote.


Si tels étaient l'intention et le pacte, il y a bien eu cynisme; si le président Préval avait cru pouvoir fonder une alliance politique après l'échange de services électoraux, il aura été aussi crédule que vous et moi, ses dupes.


Vilenie, qu'en sais-je ? Mais personne de sensé ne peut croire les motifs si mal invoqués par les députés ayant voté contre la ratification. Personne de sensé ne les croit. La rue, la rumeur suggèrent des jeux de pouvoir et des marchandages qui oublient un peuple qui a faim et pour lequel il faut faire vite, et d'autres motifs que nous ne nommerons pas ici sauf à dire qu'ils ne sentent pas bon ou qu'ils n'ont pas d'odeur - dans ce cas-ci les deux expressions, pour contradictoires qu'elles paraissent, disent exactement la même chose. Le pire, dans tout cela. Messieurs les députés censeurs semblent se moquer éperdument de l'opinion, de l'urgence. Cette séance aura au moins servi à révéler deux choses. La première est, sur mode de foire d'empoigne et de défilé carnavalesque, l'enterrement d'un bluff politique : LESPWA. La deuxième c'est qu'à la Chambre des députés, il y en a qui peuvent dire et faire n'importe quoi pour des raisons qu'eux seuls connaissent. Intéressés, farceurs, farfelus, voilà les mots que j'entends pour qualifier les auteurs de ce vote. Mais se soucient-ils de l'image qu'ils donnent ?

LE MATIN du 14 mai 2008

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