lundi 25 août 2008

Au nom de l’ « Esprit de justice », libérez les pauvres soldats haïtiens !

Des soldats haïtiens hissant le drapeau blanc, au local de l’Ancienne Prison Civile,
en signe de leur volonté pacifiste, le 28 juillet 2008.

Depuis samedi 23 Août 2008, 15 militaires démobilisés sont en garde à vue au Commissariat central de la ville Cap-Haïtien. Important dispositif de sécurité, des chars de la MINUSTAH interdisent l’accès, la route passant devant le Commissariat à la Rue 18 et 19 A est fermée.

Aucune déclaration officielle pour informer la population. Les journalistes critiquent le comportement du Directeur Départemental Nord Joany Canéus qui viole, sous prétexte du secret de l’enquête, le droit des citoyens à l’information.

Nous apprenons de bonne source que les 15 détenus militaires et civils ont été transportés dans la ville du Cap-Haïtien dans le cadre de l’enquête de la DCPJ. Des maisons ont été fouillées par la police ce dimanche 24 Août 2008. Jusqu’à présent on a du mal à trouver un chef d’accusation pour les emprisonner. Car, en 2008, avec l’assistance de la MINUSTAH , le terme complot contre la sûreté de l’Etat devient indécent. Il faut en trouver plus.

Telle est la situation des soldats haïtiens. Le gouvernement se cache derrière l’appareil judiciaire pour ne pas rendre compte de son comportement irresponsable à l’égard de pères de famille qui ont commis le péché de se mettre sous le drapeau, à la disposition de l’Etat, en choisissant la carrière militaire.

Pourquoi chercher à emprisonner de pauvres soldats mal nourris qui avaient organisé un mouvement pacifique, rejetant, sous les conseils de la MINUSTAH, toute intention violente. Ils ont agi dans l’unique objectif d’attirer sur eux l’attention des gouvernants qui refusent de payer les fonds alloués dans le budget national en leur faveur ? Il est clair que les soldats démobilisés, une fois dans la ville, le 28 juillet dernier, n’avait aucune revendication politique.

S’ils ont été manipulés par un civil de comportement pas trop stable au point de crier VIVE USA, c’est la faute du gouvernement PREVAL/ALEXIS. On ne devrait pas entraîner des soldats haïtiens dans le désespoir à un point tel qu’ils puissent se laisser manipuler par le premier venant qui se targue d’avoir des relations aux Etats-Unis, au Pentagone, à la CIA, au sein du parti républicain, etc.

En abandonnant la prison civile en 2005, les militaires haïtiens avaient fait preuve de bonne foi et placé leur confiance dans l’Etat. Le commandant Manno avait dans un discours de circonstance demandé au premier Ministre Gérard Latortue de traiter le dossier des soldats en bon père de famille. Il avait sacrifié leurs exigences et avait démobilisé la base sous les conseils d’hommes - comme nous - qui lui avaient conseillé de trouver une entente avec l’Etat, sachant qu’avant les élections des dispositions seraient prises pour mettre fin à l’existence de bases de soldats démobilisés à travers le pays. Car, il était clair pour nous que le problème de l’armée est une question citoyenne et non l’affaire de quelques soldats ni d’officiers à la recherche de privilèges perdus. C’était une décision difficile et impopulaire. Commandant Manno et le Commandant Franklin, le Caporal Wilnès aujourd’hui détenu, avaient pris le risque d’être abattu par des soldats à la solde du Commandant Ravix. Ils ont été qualifiés de traites à la solde du gouvernement. Franklin a dû séjourner dans un lieu secret pour ne pas subir les représailles de soldats.

Aujourd’hui ses hommes sont abandonnés. Ils souffrent. Malgré leur savoir-faire militaire, on ne peut pas les reprocher d’actes de banditisme. Croyez-nous ils savent se battre, et pourront mettre en place un mouvement nuisible pour la MINUSTAH et le gouvernement en place. Et tous ceux qui les avaient conseillé de trouver un terrain d’entente avec les représentants de l’Etat sont tristes. C’était une erreur ! Il ne fallait pas demander à ces hommes de négocier avec l’Etat. Quand on rencontre l’un de ces soldats dans la rue : rien à dire ! On se sent coupable. Coupable d’avoir opté pour un règlement pacifique d’un conflit dans le but de renforcer la paix.

Le non respect des engagements de l’Etat envers ses soldats, pères de familles, justifie à leurs yeux, l’initiative de revenir à l’ancienne Prison Civile de la Rue 21P. Car, dans la ville, ils bénéficiaient d’une certaine visibilité. On leur apportait à manger. Ils recevaient de temps en temps une gratification des mains d’un supporteur anonyme. Rue 21, représentait pour ces soldats un espace de survie.

Aujourd’hui, les 15 personnes qui ont été déportées à Port-au-Prince pour être mis au service de la DCPJ (Direction Centrale de la Police Judiciaire) sont de retour au Cap-Haïtien. Au total 21, si l’on additionne les 6 autres personnes détenues au Cap-Haïtien pour des raisons inavouées.

C’est injuste, le mode de traitement infligé aux 21 soldats haïtiens qui revendiquaient leur droit d’exister. Le gouvernement traite leur dossier avec mépris et préjugé. Le pire, la MINUSTAH se laisse mener comme complice des actes de vengeance du Président Préval. Tandis que partout dans le pays des programmes ont été mis en place pour encadrer des anciens membres de groupes armés, allant jusqu’à intégrer d’anciens bandits comme Moise Jean-Charles, SAMBA BOUKMAN dans des commissions présidentielles, on humilie à longueur de journée les soldats haïtiens. On refuse de leur rembourser les fonds cotisés à la caisse de la pension militaire. La tradition d’exclusion, de justice arbitraire endémique sur fond de méchanceté, de ressentiment social viscéral et de malice continue dans ce pays. Et pour avoir bonne conscience on répète : l’armée d’Haïti comportait plusieurs assassins, tous les militaires haïtiens sont des criminels. Dans cette logique, nous sommes sûrs qu’ils accepteront qu’on qualifie tous les lavalassiens de trafiquants de drogue et de voleurs parce qu’aux Etats-Unis beaucoup hauts dignitaires de l’ancien régime sont condamnés pour trafic de drogue ou indexés de vol des avoirs de la Téléco.

205 ans après la publication de l’œuvre magistral de Charles Louis de Secondat Montesquieu « De l’esprit des lois », on a de cesse de faire des lois qui devraient mettre les citoyens à l’abri de l’arbitraire des autorités, un simple mécanisme au service des tyrans. En Haïti c’est avec tristesse qu’on observe la MINUSTAH, une mission internationale composée de ressortissants de pays à tradition libérale, faire le jeu des machinations des politiques à courte vue.

Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
25 Août 2008

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