dimanche 23 novembre 2008

Analyse de Robert BENODIN


Thèmes de l’Emission de la semaine
Orlando le 21 novembre, 2008

Actualités Politiques : Grandes Lignes

Quand on réalise l’énormité et la complexité de la crise multiforme que confronte le pays et le comportement insouciant et irresponsable du gouvernement Préval/Pierre Louis. Quand on constate dans les faits la famine qui afflige les familles et particulièrement les enfants des endroits difficilement accessibles du territoire, tel qu’à la Baie d’Orange dans le Sud-est et dans le Nord-ouest en particulier. Quand on constate le fait que l’intervention gouvernementale face à la crise post-cyclonique est nettement marginale, insuffisante et insignifiante. Que Prévale lui-même conscient de l’inadéquation et de l’insuffisance de l’intervention de son gouvernement, a avoué à Miami son incapacité de subvenir aux besoins des sinistrés, avec la nuance, qu’il croit que, sans l’aide étrangère, le pays se transformera en un repère de terroristes et de narcotrafiquants, malgré le fait que 9 milles paires de bottes de la Minustah soient présentes sur le territoire. Nonobstant l’état de crise, de détresse, de délabrement, de famine et de désespoir, Préval annonce soudainement et sans aucune raison des élections sénatoriales pour le mois d’avril 2009. Alors qu’en novembre de la même année, 7 mois plus tard, on devra faire les élections des 2e sénateurs, de la totalité de la 48e législature et de toutes les autorités locales qui seront à la fin de leur mandat. Or l’un des reproches des plus persistants que Préval et ses thuriféraires font constamment à la Constitution de 1987, c’est la fréquence et le coût des élections. C’est un fait que ces élections sénatoriales annoncées pour le mois d’avril 2009, auraient dû avoir lieu en novembre 2007. Prévale a refusé intentionnellement de les faire pour éviter les élections indirectes qui devrait aboutir à la décentralisation, à la création et l’établissement d’un CEP permanent. Il a préféré diaboliser ce CEP provisoire qui l’a catapulté au pouvoir le 7 février 2006 pour le remplacé par un CEP provisoire totalement asservi.

Pourquoi vouloir maintenant se précipiter pour faire des élections dans une situation très peu propice, où la participation sera assurément extrêmement faible vu les circonstances et l’état de crise multiforme qui est en train de gruger la nation, alors que 7 mois plus tard en novembre 2009 les 2e sénateurs, la 48e législature et la totalité des autorités locales arriveront aux termes de leurs mandats ? Qu’est-ce que le pays a à gagner a avoir deux élections consécutives ? Ou qu’est-ce que Prévale lui-même a-t-il à gagner à faire deux élections en l’espace de 7 mois considérant le coût ? La communauté internationale qui depuis quelque temps finance ces élections, est-elle prête à faire ces élections séparément pour plaire a Préval, ou à les consolidées pour en réduire le coût ? Ne serait-il pas mieux, d’utiliser le coût des élections du mois d’avril 2009, pour subvenir aux besoins des plus vulnérables dans les circonstances exécrables dans lesquelles ils vivent ? (Voir sur le journal Le Matin la photo squelettique d’un enfant dans les bras de sa mère). Cette décision qui a porté Préval à vouloir faire des élections dans ces circonstances, ne met-elle pas en exergue son sens de responsabilité envers la nation et de déterminer où se situent ses priorités ?

L’omnipotence et la pérennisation du pouvoir politique, voilà où se situent vraiment les priorités de Préval. Ce n’est pas étonnant qu’il ait des œillères. Ce n’est pas étonnant non plus qu’une population meurtrie par cette crise multiforme, laisse Préval totalement insensible et indifférent. Préval est profondément obsédé par un troisième mandat. Quand il évoque la notion de la continuité de l’Etat, c’est de son pouvoir personnel qu’il s’agit. Le seul obstacle à l’accomplissement de cette obsession, ceux sont les garde-fous contenus dans la Constitution de 1987. Il ne veut pas d’amendement de la Constitution à la fin de la 48e législature. En tant que chef d’état siégeant il ne pourra pas en bénéficier. C’est ce qui explique son acharnement à vouloir le remplacement de la Constitution de 1987, mais pas son amendement.

Faire les élections sénatoriales en avril 2009 dans une situation où les masses sont obsédées par le danger de la famine, où 3 millions d’Haïtiens sont menacés par l’insécurité alimentaire, lui permettra de faire d’une pierre 3 coups :
-Confisquer ces élections, en escomptant sur une très faible participation ;
-Avoir la majorité des 2/3 et le droit de veto au Sénat ;
-Renvoyer les élections de novembre 2009 en provoquant automatiquement la caducité des 2e sénateurs, de la 48e législature et de toutes les autorités locales, le 2e lundi du mois de janvier 2010 (selon l’article 85 de la loi électorale).

Conscient d’une part de la faiblesse de son gouvernement, il ne s’aventurera pas à déclarer cette caducité, cette fois-ci. Mais d’autre part, comptant sur la Minustah comme garde prétorienne, il exploitera, autant que faire ce peut, cette caducité, pour en faire ce qu’il veut. En faite c’est le piège qu’il tend aux parlementaires et à leurs partis politiques. C’est l’histoire qui se répète. Ne s’était-il pas abstenu de faire les élections de novembre 1998 pour provoquer la caducité du parlement et des autorités locales le 11 janvier 1999 ?

Mais, entre fomenter toutes sortes de manœuvres machiavéliques, provoquant la caducité par abstention et réussir à forcer le remplacement de la Constitution de 1987 pour obtenir un troisième mandat, il y a un monde de différence. Le cadre politique de 2009 sera absolument différent de celui de 1999. Si les partis politiques se trouvant dans une situation ambivalente, craignant de perdre leur place à la table du pouvoir Préval/Pierre- Louis se résignent pour leur malheur à avaler cette couleuvre ; Pour le peuple haïtien qui jusqu'à présent a toujours défendu fermement la Constitution de 1987, ce sera la goutte d’eau qui fera renverser le vase. C’est ce qui peut porter le peuple à atteindre son seuil de tolérance. Ni le peuple haïtien, ni la communauté internationale n’accepteront pas cette abomination. Le rêve cauchemardesque du troisième mandat de Préval n’est qu’une chimère. Après un demi-siècle de régime populiste de droite fasciste et de gauche anarchique, on a :

-La déliquescence institutionnelle,
-La faillite de l’Etat,
-La monopolisation du pouvoir,
-La suppression de la possibilité d’alternance,
-La gestion du maintien de la cohésion sociale par la force,
-Le nivellement par le bas,
-Etre réduit à vivre et fonctionner qu’au niveau du plus petit commun dénominateur,
-Le replacement du système méritoire par le népotisme de la médiocrité, et faire croire aux masses que ce soit l’équivalant de l’égalité de chance,
-Etre parmi les 4 pays les plus corrompus du monde,
-Etre le pays le plus pauvre de l’hémisphère,
-Criminaliser la fonction et le pouvoir politique, etc.

Voilà le patrimoine que nous a légué un demi-siècle de populisme ! La nation haïtienne peut-elle continuer à patauger sans espoir et sans aucun sens de direction, dans l’ornière du régime populiste, ou doit-elle pour sauf-garder ses intérêts, se ressaisir et faire un effort pour changer de régime ? Avoir l’audace de l’espoir. Voilà ce qui nous manque ! Voilà ce qu’il nous faut !

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