vendredi 12 juin 2009

Propos d'adieu de l’Ambassadeur des Etats-Unis, Janet A. Sanderson,

TEXTE OFFICIEL

Ambassade des Etats-Unis d’Amérique
Bureau des Affaires Publiques

Tabarre 41, Boulevard 15 octobre
Port-au-Prince, Haïti
Tél: 2229-8351 / 2229-8903

Le 10 juin 2009
No 2009 /02

Propos de l’Ambassadeur des Etats-Unis, Janet A. Sanderson,
à l’occasion du diner d’adieu organisé par la Chambre de Commerce Haitiano-Américaine

Port-au-Prince, Haïti
le 9 juin 2009

Mesdames et messieurs, merci de cet accueil chaleureux. Il y a trois ans, je me tenais devant vous à titre de nouvel ambassadeur américain en Haïti, exprimant mes souhaits pour ce pays et pour notre relation. Ce soir, avant de partir, je veux vous parler de ce que j’ai vu durant mes trois années ici, et je veux parler de l’avenir d’un pays qui m’a profondément marquée. Bien que je ne serai pas avec vous lorsque vous mettrez Haïti sur la voie du changement, sachez que je laisse une partie de mon cœur ici.

Je voudrais remercier la Chambre de Commerce Américaine (AMCHAM) d’organiser cette soirée. Le grand support que vous m’avez apporté et les sages conseils que vous m’avez prodigués durant ma mission ici ont eu un impact majeur sur ma conception de ce pays fascinant. L'Ambassade et l’AMCHAM partagent une longue histoire, et je sais que vous serez heureux d’accueillir le nouvel ambassadeur comme ce fut le cas pour moi. Laissez-moi saisir cette occasion pour féliciter les nouveaux membres récemment élus au sein du Conseil de l’AMCHAM. Le leadership dont ils feront montre durant la prochaine année sera important, et je suis confiante que, comme leurs prédécesseurs, ils laisseront leur empreinte.

Une de mes toutes premières rencontres ici a été avec l’AMCHAM. C'était, si vous vous souvenez, un contexte très sombre. Il n’y avait pas de président élu, pas de Parlement. Les kidnappeurs opéraient en toute impunité. Il y avait très peu d’agents de police dans les rues et les investisseurs se faisaient de plus en plus rares. Quand j'ai rencontré l’AMCHAM en juin 2006, j'ai parlé d'un nouveau départ pour Haïti – mais c'était plus un fervent souhait qu’un fait certain.

Trois années se sont écoulées, l’espoir demeure encore. Haïti a fait des progrès bien que le combat ait été difficile. Un gouvernement et un parlement démocratiquement élus ont été installés. La police haïtienne patrouille les rues, la presse est en plein essor, et la société civile réfléchit sur les questions politiques et sociales pressantes. Des entrepreneurs de la Corée du Sud, des Etats-Unis et de la République Dominicaine analysent les opportunités d’affaires ici. Le découragement fait place à l’espoir de changement.

Toutefois, l'histoire nous enseigne de ne pas être complaisants. Les terribles événements de 2008 – les cyclones, les troubles politiques, les déboires économiques – sont toujours présents. Les défis sont évidents et je crois qu’il revient au gouvernement et à la classe politique d’avancer rapidement et avec des objectifs précis pour pouvoir les contre-attaquer.
Changement – le changement réel, irréversible et durable qui peut transformer des vies – n’a véritablement pas encore pris racine ici en Haïti.

Pourtant, je crois que ce changement viendra.

Je le crois parce que ce pays a bravé des puissances étrangères, s’est libérée de l’esclavage en 1804, pour devenir la deuxième République indépendante de l’hémisphère.

Je le crois parce que ce pays a son caractère propre: un art, une musique et une littérature vivante.

Je le crois parce que le peuple haïtien l’exige.

Le père fondateur de ce pays, Toussaint Louverture, était célèbre pour son intelligence à reconnaître et exploiter une ouverture politique. Il a compris que rater des occasions était aussi condamnable qu’échouer. Et il savait que certaines fois, il faut créer son momentum et le saisir pleinement.

Aujourd’hui, ce moment est venu pour Haïti. Fermement supportée par ses partenaires internationaux, inspirée par son peuple et par son passé, Haïti a encore la chance de reprendre complètement ses élans. Cette fois, cependant, le combat est celui pour la prospérité et pour la paix. Cette fois, si les Haïtiens ne saisissent pas les opportunités, ils peuvent les rater à jamais.

La conjoncture exige qu’Haïti ait un leadership à la hauteur de Toussaint Louverture: un leadership responsable, visionnaire, et énergique. Les Haïtiens tournent leur regard vers les élus afin que ces derniers fassent preuve de ce leadership mais font également appel, comme l’a fait Toussaint Louverture, à tous ceux qui ont une part de responsabilité dans l’avenir de ce pays. Y compris vous qui êtes dans cette salle ce soir.

Le futur exige également un regain de l’engagement au dialogue et à la discussion de la part de tous ceux qui croient en une Haïti paisible, prospère et démocratique. Un dialogue national, largement encadré et efficacement structuré est, je pense, important pour l’avenir de ce pays.
Tout aussi important, est un système politique qui permet aux gens de s’exprimer à travers des institutions et un processus démocratiques, y compris des partis politiques crédibles et responsables, et un gouvernement qui répond aux besoins et aux attentes du peuple.

L’écrivain Doris Kearns Goodwin, dans son livre intitulé «Team of Rivals», raconte comment Abraham Lincoln, confronté aux plus grandes menaces jamais connues dans l’histoire des Etats-Unis, a constitué un gouvernement avec des opposants. Ces hommes ont mis de côté leurs intérêts personnels et leurs ambitions politiques pour le bien-être de leur pays et de leur peuple. Et en agissant de la sorte, ils ont changé une nation. Lors de sa campagne électorale, le président Obama a noté que ces hommes avaient compris la relation essentielle entre responsabilité et destinée. Lincoln et ses collègues ont compris, comme Obama l’a dit, que nous sommes responsables de notre avenir.

Les problèmes d’Haïti sont sûrement différents que ceux qu’ont connus les dirigeants américains durant la guerre civile. Mais, nous partageons le même devoir qui est de tracer notre destinée. C’est pourquoi je crois fermement que ce qui arrive en Haïti dépend complètement des Haïtiens. Les Etats-Unis peuvent vous donner le support pour vous aider à réaliser vos rêves et organiser votre avenir, mais nous ne pouvons pas - nous ne ferons pas - le travail à votre place. L’avenir de ce pays est entre vos mains.

Toutefois, ne croyez pas que vous êtes seuls. Comme le Secrétaire d’Etat Clinton l’a dit au cours de sa visite ici, les Etats-Unis seront à vos côtés. Cet engagement a été ma passion durant mes années ici. Je suis fière que, travaillant de concert avec le gouvernement et le peuple haïtien, nous avons:

• Soutenu le développement du processus et des institutions démocratiques dirigées par des Haïtiens;
• Equipé et formé une force de police professionnelle qui respecte les prescrits des droits de l’Homme;
• Investi 20 millions de dollars à Cité Soleil à travers l’Initiative de Stabilisation pour Haïti (HSI);
• Fourni 160 millions de dollars dans l’assistance alimentaire, et dans d’autres programmes humanitaires;
• Commencé le processus de reconstruction suite aux passages des derniers cyclones, curé des rivières, construit et réparé des écoles et contribué à la promotion de la production nationale.

Durant ma mission ici nous nous sommes assurés que nos programmes d’assistance se focalisent sur les priorités du peuple haïtien. Encore, il faut que les Haïtiens jouent leur partition et prennent leur responsabilité.

Il est, je crois, néfaste pour Haïti de se poser en victime. Une telle attitude encourage un climat défaitiste pour un pays de tant de promesses et avec tant d’objectifs. Nous devons prioriser un système économique ouvert, un environnement bien régularisé et favorable à l’investissement et un secteur privé actif et engagé. Ce sont les clés de la croissance économique qui permettra le développement de ce pays.

Je suis donc très encouragée par le renforcement de la priorité accordée à la compétitivité. J’ai bien noté les récentes étapes entreprises par le gouvernement pour mettre fin aux anomalies et aux inefficacités qui ont gravement affecté cette économie au cours des années.
Ces efforts ont été longtemps attendus. Je salue toutes les initiatives qui portent sur les problèmes économiques d’Haïti. Elles ont défini et renseigné sur les prochaines étapes à franchir. Mais, comme nous disons aux Etats-Unis: Enough already. Assez, c’en est assez. Il est temps de cesser d’étudier et d’examiner Haïti. Il est temps de prendre des décisions. Il est temps de passer aux actes.

Juste avant de se rendre à la Conférence des Bailleurs – où elle a présenté une vision convaincante de l’avenir d’Haïti - le Premier Ministre Pierre-Louis a énoncé les priorités stratégiques de développement du pays. Elle a appelé au «courage, à la conviction et à la vision». Le Premier Ministre a laissé Washington avec la promesse d’une assistance importante. Elle a assuré les bailleurs qu’en retour de leur généreux engagement, le pays répondrait à leurs exigences qui sont d’être responsables et de rendre des comptes.

Comme les bailleurs, le peuple haïtien s’en tient à ce que le gouvernement, en effet, toute la classe politique, respecte ces exigences – Etre responsable et rendre des comptes. L'histoire nous relate qu’une classe politique qui ne fait preuve ni de compassion ni de compétences est incapable de donner de l’espoir à son pays. Et l’espoir est ce dont les Haïtiens ont le plus besoin aujourd’hui.

Vous qui êtes là ce soir devez être les porteurs et les acteurs de cet espoir. Vos réalisations sont nombreuses.

Certains d’entre vous jouissent de privilèges reçus à la naissance et d’une bonne éducation. Mais, votre succès est le fruit de travail ardu et d’opportunités dont vous avez bénéficiées. Ce qu’il vous revient de faire maintenant, c’est d’offrir ces opportunités à d’autres. Et ceux d’entre vous qui ont été chanceux – et nous savons tous qu’avoir de la chance, des fois, est aussi important qu’avoir du talent – alors, donnez un peu de chance aux autres.

Quand je suis arrivée ici il y a plus de trois ans, j’ai lancé un appel à ces chefs d’entreprises qui restaient inactifs, pour leur demander de réclamer le changement. L’AMCHAM a pris le devant dans cette initiative. Vos efforts dans la lutte pour l’adoption des lois Hope I et II, a conduit à la création de plus de 11.000 emplois. Votre support à l’étude de compétitivité entrepris par le groupe «On The Fontier» (OTF) a ouvert la voie à la création de la Commission Présidentielle sur la compétitivité et a contribué à susciter une discussion active sur le futur économique d’Haïti.

Mais, je vous exhorte à aller au-delà de ces efforts.

Je vous exhorte à investir dans la prochaine génération. Vos jeunes constituent un groupe remarquable: Ils nettoient les plages de la Côte des Arcadins, ils gèrent des usines, et ils créent des zones industrielles. Ces ressources ne doivent pas être gaspillées, mais conservées, organisées, entretenues et mobilisées. Vos jeunes dirigeants, de toutes conditions sociales, sont ceux qui vont entretenir ce pays et assurer son développement.

Je vous exhorte à renforcer le partenariat entre le secteur privé et le secteur public. Ceci est plus profond qu’une définition fantaisiste d’un nouveau modèle de coopération. C’est plutôt une façon de regrouper et d’engager les meilleures ressources de la société haïtienne, d’ici et d’ailleurs.

Je vous exhorte à combattre la corruption. Ce pays va progresser très lentement tant que ces pratiques qui affectent le système économique et politique ne seront pas éliminées. Ceux qui profitent de la corruption, qui la tolèrent, qui prennent avantage des incertitudes et des lacunes du système, devront tôt ou tard rendre des comptes à la nation.

Enfin, je vous exhorte à montrer le chemin. Je sais que les membres du secteur des affaires sont des citoyens de conviction, déterminés à prendre de grandes décisions. Vous avez une grande responsabilité en tant que dirigeants et modèles. Vos efforts, soient dans la construction d’écoles, soit dans les opérations de levées de fond, ou les offres de bourses d’études, sont des garanties pour l’avenir. Faites entendre votre voix – mais que cette voix soit constructive et positive.

Le temps n’est plus à la méfiance et à la dissension qui ont si longuement fait l’objet de débat public. Cela n’a aucun effet sinon que discréditer ceux qui élèvent la voix. Des voix plus calmes doivent montrer le chemin.

L’histoire d’Haïti a souvent été tragique, mais de diverses façons, elle a également constitué une source d’inspiration. Je crois en Haïti. Je crois que les Haïtiens sont prêts à saisir les opportunités du futur. Après ma mission ici, après avoir été témoin du combat, de la joie et de la détermination qui symbolisent Haïti, je crois que ce pays peut et va changer. Et je sais que le changement viendra avec le travail ardu et la détermination.

Je sais que les Haïtiens sont des gens courageux. Il faut du courage pour vivre sous une tente aux Gonaïves et chercher un emploi décent, de l’eau potable et de la nourriture pour la famille chaque jour. Il faut du courage à un journaliste pour faire la lumière sur des vérités dangereuses. Il faut du courage pour prendre des risques, espérer le changement dans le statu quo, même quand il paraît plus confortable – et profitable – de suivre le cours des choses. Du moins, c’est ce que je vous conseille, et ce dont je crois que ce pays a besoin – attend – de la part des dirigeants de la communauté des affaires.

Anpil fwa, mwen rankontre moun ki mande mwen, aprè twa lane mwen pase isit nan peyi Dayiti, si mwen kwè li ka chanje tout bon vre osinon si mwen panse pa gen okenn lespwa. Mwen gen anpil lespwa nan yon peyi kote manman yo, malgre tout difikilte, mete barèt nan tèt pitit fi yo pou voye yo lekòl, menm kan yo pap jwenn manje lè yo retounen lakay. Mwen gen anpil espwa nan yon peyi kote pwofesè kontinye ap bay ledikasyon menm kan se apre anpil mizè pou yo jwenn chèk yo. Mwen gen lespwa nan yon peyi, malgre tristès siklòn pote, ap travay pou li rekonstwi.

Epi mwen gen lespwa paske mwen konnen ke pèp ayisyen-an ap travay pou li viv tout bon vre deviz nasyonal li ya ki se: Linyon fè lafòs. Map gade lespwa paske mwen kwè Ayiti merite linyon sila-a.

Mèsi anpil. Merci beaucoup et au revoir.

(Fin du texte)

Micette Dubique
Information Assistant
US Embassy

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