Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles?
Par : Cyrus Sibert, souvenirfm@yahoo.fr
Ce mercredi 02 juin 2010 est lancée à Punta Cana, en République Dominicaine, une réunion internationale avec comme toile de fond : Sommet Mondial pour l'Avenir d'Haiti. On y parle de reconstruction et de collecte de fonds.
Le samedi 22 mai 2010 nous avions été invités à un débat sur Haïti. Au menu les sempiternels Plans de reconstruction d'Haiti. Des plans, pour justifier des dépenses qui, logiquement, seront présentées à des bailleurs internationaux. Depuis le 12 janvier 2010, on ne parle que de cela. Une multitude de plans, avec des sommes pharamineuses en termes de dépenses sans savoir d'où viendra l'argent. Nous supposons qu'ils sont nombreux ceux qui se positionnent en vue de faire une fortune « bien méritée ». En conséquence, on aime les plans, une démarche qui est synonyme de dépense, donc d'opportunité d'enrichissement. Dans cet objectif, on se remet au bon vouloir de la communauté internationale ; on a même voté une «loi indécente » pour prouver notre flexibilité : « Faites venir les milliards, le temps presse ».
Surprise, la communauté internationale a d'autres crises à gérer : l'effondrement de l'économie de la Grèce peut-être demain le Portugal et l'Espagne, le volcan dans le Nord de l'Europe, la marée noire dans le golfe du Mexique, les inondations et raz-de-marée en Europe. La communauté internationale peut ainsi justifier les retards dans le traitement du dossier d'Haïti. La petite nation pauvre de l'Amérique devra attendre. Jusqu'ici, seulement deux (2) pays ont respecté leur promesse de don et contribué pour la reconstruction d'Haïti. On se demande s'il ne serait pas mieux de compter sur des actions au niveau national, et plus réaliste de parler de REFORMES POUR LA RECONSTRUCTION D'HAITI ?
Nous disons réformes parce qu'en fait les plans de dépenses ne touchent pas les points essentiels qui constituent une barrière aux investissements directs donc au développement économique d'Haïti. La corruption du système judiciaire et le non-respect du droit de propriété ne donnent aucune garantie à ceux de la diaspora et aux étrangers qui malgré leur amour pour notre pays – Haïti n'arrivent pas à investir ou à s'intégrer dans un processus de création de richesse. La corruption administrative qui paralyse la création, le fonctionnement et le développement des entreprises, les barrières douanières et les contraintes fiscales contre-productives sont des problèmes que nous pouvons résoudre sans conférence internationale des bailleurs ni Représentant Spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies. La concentration des forces de police dans le département de l'Ouest en abandonnant les sections communales n'offre aucune garantie aux investisseurs du secteur agricole. Une mauvaise couverture policière du territoire national et un système carcéral troué, en un mot, une chaine pénale plus favorable aux bandits qu'aux investisseurs et aux travailleurs découragent tout projet d'investissement en Haïti. Le fait par l'Etat d'adopter une politique qui consiste à protéger des monopoles tue la libre concurrence des entreprises et constitue un élément de plus qui dissuade les investisseurs potentiels.
De tous les plans de reconstruction, il n'y a pas beaucoup sur ces éléments fondamentaux. On parle rarement du droit de propriété. Les planificateurs constructivistes passent tout leur temps à parler de milliards de dollars sans mettre l'accent sur les réformes de base qui permettront à Haïti de décoller pour de bon.
C'est dans ce contexte qu'on fait campagne, en vue de sensibiliser les bailleurs de fonds pour qu'ils puissent, encore une fois, allouer leurs millions de dollars à Haïti. Avec la certitude que ces fonds ne seront d'aucune utilité pour la reconstruction, ces derniers trouveront toutes sortes d'excuses pour ne pas respecter leur promesse. Car, l'argent que nous sollicitons n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat des réformes qu'ils ont eux-mêmes appliquées dans leur pays, le fruit de dur labeur de leurs contribuables.
Il est temps de penser à attaquer les vrais problèmes qui nous enfoncent dans la misère et l'instabilité.
Le week-end dernier, nous avons parlé à un ami. Un agriculteur qui a fait fortune dans la production des vivres et légumes dans la commune de Pilate. Aujourd'hui, il vit au Cap-Haitien. Il a partagé avec nous ses tristesses de voir qu'il n'arrive pas à investir dans ses terres. L'insécurité et le non respect de la propriété l'ont obligé à abandonner l'agriculture. Inutile d'investir, car vous n'avez aucune garantie sur la récolte. Impossible de faire l'élevage, vu que les voleurs emporteront le cheptel sans difficulté. Dans le temps, l'agriculture lui rapportait environ 50,000 dollars US l'an. Il payait les études de ses enfants en Amérique du Nord à partir du revenu de ses terres. Aujourd'hui, il est obligé de garder une épicerie au Cap-Haitien dans l'espoir que cela changera. Par amour pour son pays, il refuse de l'abandonner comme le veulent ses enfants. Il souhaite pouvoir recommencer.
Car, nous dit-il, dans un champ de plusieurs centaines d'hectares de terre, il suffit de planter du « Gombo ou calalou », une sorte de légume, à partir de 3 mois, vous pourrez récolter gros. Durant la saison de récolte, chaque trois (3) jours la plante offre des produits pour la vente et cela, durant plusieurs années. On peut mettre dans le même espace des tomates, et d'autres plantes maraichères : son jardin était une véritable source de produits et de revenus. Il pouvait embaucher des dizaines de travailleurs agricoles qui eux aussi trouvaient de quoi manger et avaient un salaire.
Cet investisseur du secteur agricole veut du concret. Il n'attend pas les milliards des bailleurs de fonds. Pour lui reconstruction est synonyme de décisions des gouvernants pour garantir ses droits et faciliter ses investissements.
La vraie reconstruction passe par des réformes en profondeur pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un Etat paternaliste qui en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions pour pouvoir agir dans des domaines qui ne le regardent pas.
« Réformer pour la reconstruction d'Haïti » est la seule décision réaliste. La société civile et la communauté internationale doivent faire pression en ce sens. C'est triste que la MINSUTAH, organe de la politique internationale face à Haïti, n'ait exercé aucune pression durant les cinq (5) dernières années pour des réformes structurelles en Haïti. Les diplomates se sont contentés à cautionner le statu quo dans l'espoir qu'ils pourront continuer à faire fortune au soleil de la Caraïbe. Ils n'ont même pas eu la décence de protester quand les dirigeants nageaient à contre courant des normes qui guident la croissance économique et les règles du droit. L'élan de solidarité en faveur d'Haïti après le 12 janvier 2010, démontre que s'il y avait un cadre institutionnel viable, des investissements viendraient de partout. Car, ils étaient nombreux ceux qui ont manifesté sans équivoque un attachement et une sympathie au sort désespéré des Haïtiens. Pourtant les réformes que nos dirigeants fuient ou rejettent dans le but de protéger les privilèges monopolistiques constituent le seul moyen qui nous permettra de développer les potentialités naturelles d'Haïti.
Cessons d'embarrasser les investisseurs, réformons l'Etat, attaquons les vrais problèmes : réformes dans les domaines suivants : la justice, la sécurité, le respect du droit de propriété, l'accès au crédit, les barrières au niveau de la douane et le dysfonctionnement de l'administration publique, la complicité de l'Etat dans la concurrence. Tel est le sens moral ou la priorité pour la reconstruction d'Haïti. RÉSEAU CITADELLE (Ré.Cit.), texte produit le 25 mai 2010, modifié et Republié le 02 juin 2010, 17 hres 11. |
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