25 novembre 2010 Michel Guilloux Tout va très bien en Haïti. Si l'on en croit les experts, chargés de mission et autres hauts responsables du Fonds monétaire international de Dominique Strauss-Kahn, de l'Organisation mondiale du commerce de Pascal Lamy, ou de la Banque mondiale du faucon des Bush père et fils, Robert Zoellick, organisme qui a « pour mission de lutter contre la pauvreté avec passion et professionnalisme ». Toutes ces institutions ont beau faire tout ce qu'elles peuvent pour placer ce bout d'île dominicaine sur la route de la croissance, de la prospérité, dans un souci de respect des hommes et de la planète, et il y a toujours un grain de sable qui vient ruiner tous leurs beaux efforts. Cela doit tenir à la fatalité des éléments ou à de la malédiction liée à la conjonction de l'arrivée de Christophe Colomb naguère et à l'absence d'État digne de ce nom aujourd'hui, comme a pu l'écrire si joliment un Laurent Joffrin, dans Libération, aux lendemains du séisme de janvier. En juin 2008, le bureau du FMI pour Haïti tenait à congratuler les autorités en place pour « leur bonne performance » et « les progrès réalisés dans la mise en œuvre des réformes structurelles ». Au même moment, qui ne se souvient de ces images d'enfants amenés à avaler des galettes de terre ? Fatalité et absence d'État ou résultat de la spéculation effrénée dopée aux liquidités des subprimes de financiers se rabattant sur le « marché » alimentaire ? En 2010, le FMI, dans sa grande magnanimité, a décidé de ne pas « ajouter » de nouvelles contraintes à celles existantes. Ces messieurs sont trop bons. Les efforts sont concentrés dans la mise en place d'un « fonds de garantie partielle du crédit » pour « créer des emplois », bien sûr, et « élaborer des règles pour le secteur de l'assurance ». Dans un de ses textes miséricordieux, à peine peut-on relever que les adhérents n'ont pas tenu leurs promesses ; ces bailleurs de fonds sont principalement les pays riches, ceux-là mêmes qui se réunissent de G20 en G20. On ne peut pas à la fois passer son temps à sauver les marchés financiers et restaurer les taux de profits, au prix d'une austérité sans précédent, et tenir des engagements qui auraient pu permettre de reloger les centaines de milliers de personnes sans abri après le tremblement de terre ou de prendre des mesures de protection contre la saison cyclonique. Cette dernière est arrivée. Fatalité et pays maudit, vous dit-on. Une épidémie de choléra ne viendrait que conforter cette thèse. Ces messieurs doivent être bien contrariés : cela retarde la manifestation grandiose de projets qui ne le sont pas moins. En novembre 2007, le gouvernement haïtien –
il existe – élaborait à son tour un beau texte intitulé : « Document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (2008-2010) ». On y lit que 2 % de la population capte 26 % du revenu national et que 80 % des Haïtiens doivent s'en partager même pas le tiers. Haïti est au premier rang mondial pour la corruption et devant Porto Rico pour la circulation du trafic de drogue. La moitié des enfants ne vont pas à l'école. La mortalité infantile y bat des records mondiaux et celle, maternelle, grimpe en flèche. L'espérance
de vie n'atteint pas cinquante-neuf ans. Et la moitié de la population n'a pas accès à un réseau d'eau potable. Ajoutons à cela le million d'hommes, de femmes et d'enfants à la rue depuis janvier, qui viennent de subir de nouveaux cyclones. Si le choléra fait alors des ravages, là non plus, on n'y peut rien. Quitte à utiliser de l'argent public, il est plus urgent de l'accorder à fonds perdus à des laboratoires pharmaceutiques aux profits eux aussi obscènes. Mais tout cela doit relever de la fatalité,
pas de choix politiques et économiques. Fatalité et pays maudit, vous dit-on. L'épidémie de choléra ne viendrait que conforter
cette thèse. La reproduction, la redistribution ou la syndication du texte ci-dessus, dans son intégralité ou en partie, nécessitent l'autorisation préalable et expresse de L'Humanité . ____________________ "La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles? Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation prend la forme de monopole au 21e Siècle. WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.) |
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