vendredi 10 décembre 2010

Haïti : Sweet Micky ne rit plus.

08 Décembre 2010⁠ ⁠Par François Bonnet


L'élection présidentielle en Haïti a été massivement truquée ou, au mieux, loupée. Tout le monde en convient. Et il y a un perdant : Michel Martelly, dit Sweet Micky, l'un des grands chanteurs populaires de l'île.

L'homme avait mené une campagne étonnante, arpentant le pays en tous sens et jouant à fond de sa popularité de chanteur, souvent versé dans la guimauve. Il avait aussi su s'attirer le soutien de Wyclef Jean, le grand rappeur qui avait vu, en août, sa candidature rejetée par le conseil électoral provisoire.

Sweet Micky a officiellement perdu et les affrontements et protestations se multiplient depuis mardi soir à Port-au-Prince et dans le reste du pays. Selon les résultats proclamés par un membre du conseil électoral, qui a ensuite refusé de répondre à toute question et s'est éclipsé au plus vite, deux candidats s'affronteront pour le second tour, prévu le 16 janvier : Mirlande Manigat, arrivée en tête avec 31% des voix, et Jude Célestin, 22%. Sweet Micky est à un cheveu derrière : à peine 6.000 voix d'écart (sur un corps électoral de 4,7 millions d'électeurs).

Vu l'immense désordre dans lequel s'est déroulé ce premier tour, désordre amplifié par les violences et les fraudes diverses, autant dire qu'un tel écart ne vaut rien. Le soir même du premier tour, douze candidats appelaient ensemble à l'annulation du premier tour.

Ce mardi, les Etats-Unis ont été les premiers à se dire «préoccupés par des résultats incohérents ». Plusieurs observatoires électoraux indépendants (comme des sondages, même s'ils sont à considérer avec la plus grande prudence) donnaient en effet comme largement en tête Mirlande Manigat et Michel Martelly-Micky, reléguant Jude Célestin à environ 10% des voix.

Il faut donc en venir à Jude Célestin. Candidat du pouvoir, futur gendre du président sortant René Préval, l'homme a fait une campagne catastrophique malgré un déluge d'affiches et de spots télévisés. Quasi inconnu du public, dirigeant la compagnie nationale de travaux publics (le centre national de l'équipement), il s'est retrouvé propulsé candidat et chef de file du parti présidentiel "Inite" sans être même certain de l'avoir voulu. Initialement, le candidat et dauphin pressenti de René Préval devait être l'ancien premier ministre Jacques-Edouard Alexis.

Jude Célestin n'a que sa proximité avec René Préval et son manque de charisme comme de programme à faire valoir : cela explique son impopularité, le pouvoir sortant étant largement rejeté pour son immobilisme et son incompétence dans un pays dévasté par le tremblement de terre du 12 janvier.

Mais dès le début du mois novembre, un scénario bien rodé était décrit par les spécialistes de la vie politique haïtienne :

L'élection présidentielle se ferait en deux tours

Jude Célestin ne serait pas affiché en tête à la sortie du premier tour, ce qui aurait été trop gros. Il ferait environ 20% des voix

Mirlande Manigat arriverait en tête mais sans raz de marée. Cette femme, âgée de 70 ans, est une personnalité de l'île. Universitaire, spécialiste de droit constitutionnel, elle est jugée intègre. Elle est l'épouse de Lesly Manigat, qui fut brièvement président de la République à la chute de la dictature Duvalier à la fin des années 1980.

La campagne d'entre deux tours permettrait d'éliminer Mirlande Manigat et le vainqueur serait, in fine, Jude Célestin.

C'est donc ce scénario qui, dans un chaos apparent, est en train de se mettre en place sous l'œil attentif du président René Préval. Mais il demeure de solides inconnues : les violences qui risquent de paralyser le processus électoral ( le siège du parti Inite a été incendié par les manifestants ce mercredi à Port-au-Prince); la réaction de la communauté internationale qui se ridiculiserait en acceptant une telle pantalonnade après avoir poussé à la tenue de ces élections malgré la désorganisation totale de l'Etat haïtien et l'épidémie de choléra qui a déjà fait 2000 morts.

Les résultats proclamés mardi par le conseil électoral peuvent encore être contestés, a fait savoir ce mercredi la mission internationale d'observation des élections, dirigée par l'Organisation des Etats américains. C'est « un décompte provisoire. Il y a tout un processus à partir duquel il est possible de faire appel des résultats, toute une palette de recours ouverts », a expliqué son responsable. On va donc compter et recompter, au gré de tractations de coulisses.

« Depuis le départ de Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986, nous attendons certains soirs que le changement nous arrive d'un coup. Et le mieux avec. Plus de 24 ans que nous essuyons des déceptions », note simplement Frantz Duval, le rédacteur en chef du quotidien Le Nouvelliste.
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Et si vous aimez toujours, ce top sweet slow de Micky:
Envoyé par mon BlackBerry de Digicel

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