Le Monde Diplomatique La valise diplomatique L'échec des Nations unies en Haïtipar Benjamin Fernandez Les résultats du vote du 28 novembre 2010 pour l'élection présidentielle haïtienne ne sont toujours pas connus. Le Conseil électoral provisoire a donc décidé de reporter le second tour prévu le 16 janvier. Dans son édition de janvier, Le Monde diplomatique consacre deux articles aux crises politique (Alexander Main, « Voter dans un pays qui ne s'appartient plus »), humanitaire et sociale (Christophe Wargny, « Haïti entre Dieu et ONG ») qui s'aggravent dans l'île. Alors que le nombre des victimes de l'épidémie de choléra augmente, la colère de la population vis-à-vis de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) - accusée d'avoir accidentellement introduit la bactérie dans l'île - s'intensifie. Deux enquêtes épidémiologiques internationales ont confirmé que la source de l'épidémie provenait du camp népalais de la Minustah, situé près de Mirebalais, dans le centre du pays. Les déchets produits par le camp infecté ont été déversés - « en quantités phénoménales », selon le premier rapport - dans un affluent du fleuve Artibonite, le plus important du pays. L'épidémie a déjà officiellement causé plus de 3 000 décès et affecté plus de 52 000 personnes. Mais, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre de cas pourrait atteindre 70 000, la maladie touchant environ 400 000 personnes au cours des douze prochains mois. De leur côté, les autorités sanitaires et les organisations non gouvernementales (ONG) se déclarent impuissantes à enrayer la contagion. Ces révélations viennent ébranler la crédibilité de la force internationale dirigée par le Brésil, dont l'efficacité a déjà été mise en question. Alors que l'incertitude sur l'issue du scrutin électoral et les suspicions de fraude provoquent une nouvelle flambée de violence dans la capitale, Port-au-Prince, que près d'un million de personnes vivent toujours dans des campements insalubres livrés aux gangs, l'action onusienne est ressentie une nouvelle fois comme un échec, échec d'ailleurs pleinement reconnu par M. Ricardo Seitenfus, qui représente l'Organisation des Etats américains (OEA) en Haïti depuis 2008 : « Haïti est la preuve de l'échec de l'aide internationale », a-t-il concédé dans une entrevue accordée au journal suisse Le Temps le 20 décembre. Immédiatement après ces propos, le haut fonctionnaire a été rappelé au siège de l'organisation. La Minustah est la cinquième mission de maintien de la paix organisée sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies (ONU), qui compte dix-sept ans de présence dans le pays. Elle a fait suite à l'intervention américaine qui renversa le président élu Jean-Bertrand Aristide : son mandat de « restauration de la démocratie » ne manqua pas de susciter quelques doutes parmi la population (...) Lire la suite de cet article inédit de Benjamin Fernandez : http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2011-01-12-Haiti _________________________ Aide internationale: ce qui se passe en Haïti
Un an après le séisme de Port-au-Prince, nombre d'observateurs et acteurs mettent en cause l'aide internationale: la reconstruction est encore au point mort, les sans-abri sont toujours dans la même situation et l'épidémie de choléra meurtrière rappelle le piteux état sanitaire du pays. Ce constat global, qui est également celui des Haïtiens, est factuel, au-delà de toute contestation. Pour autant, les responsabilités respectives de l'aide internationale (Etats, ONG et Nations unies considérés dans leur ensemble) et des autorités haïtiennes méritent d'être examinées d'une manière plus détaillée si l'on veut en tirer des leçons pour l'avenir. Les enjeux de l'aide d'urgence post-séisme sont en effet différents de ceux de la (re)construction, tandis que le choléra —autre urgence que le séisme avec lequel il n'a rien à voir— soulève d'autres questions. Elle se compose pour l'essentiel de trois éléments: les soins médicaux, les vivres et l'eau potable, et enfin les abris, le tout devant être soutenu par un lourd dispositif logistique, en l'occurrence l'acheminement sur place des équipes et des secours. On en conserve le souvenir d'une grande pagaille, d'une faillite de la coordination tant du point de vue du gouvernement que de celui des Nations unies. S'il est vrai que le plus grand désordre régnait, il n'en reste pas moins que les opérations de secours —soins médicaux d'urgence en particulier— ont démarré dans les premières heures de la catastrophe, ont monté en puissance pendant 15 jours pour atteindre un niveau sans précédent, dans des conditions d'accès difficiles (aéroport détruit, voies d'accès encombrées et endommagées, administrations publiques sinistrées). Des dizaines de milliers de victimes du tremblement de terre ont été soignées dans des conditions d'abord précaires, puis correctes compte tenu du contexte, grâce à l'afflux de dizaines d'équipes médico-chirurgicales. L'approvisionnement en eau, qui était assuré avant le tremblement de terre par un secteur privé dynamique, s'est très rapidement remis à fonctionner après le 12 janvier grâce notamment au soutien financier d'organisations internationales. Il faut noter que ce retour à la «normale» n'est pas un retour à la «norme» : les quantités disponibles sont limitées et le traitement de l'eau par osmose inverse ne permet pas de prévenir les contaminations ultérieures. La fourniture et la distribution de vivres ont été chaotiques. Une enquête rétrospective permettrait peut-être de mieux comprendre certaines défaillances pour y remédier mais on peut néanmoins avancer en première approximation qu'elles ont été menées d'une manière acceptable vu l'ampleur et la soudaineté du désastre. Notons que les questions de maintien de l'ordre sont rapidement venues au premier plan des discours publics comme ce fut le cas lors de l'ouragan Katrina de 2005 à la Nouvelle-Orléans. Dans les deux cas, des actes de récupération ou des violences marginales ont été qualifiés de «pillages» et d'«émeutes», montés en épingle comme autant d'appels à un quadrillage militaire dont la nécessité était loin d'être si évidente aux yeux de nombre d'Haïtiens et de membres d'ONG (MSF à tout le moins), et pas plus à ceux des habitants de la Nouvelle-Orléans. L'obsession de l'ordre, sous couvert de sécurité et d'efficacité, se lit dans nombre de déclarations concernant aussi bien la coordination de l'assistance (découpage des secours en clusters calqués sur les agences de l'ONU) que le déploiement de forces armées (Minustah et armée américaine en l'occurrence). S'il est vrai que l'afflux d'ONG et la multiplication d'initiatives de toutes sortes a ajouté à la pagaille, comme dans toutes les urgences fortement médiatisées et proportionnellement à la médiatisation, il faut alors ajouter que seul un gouvernement décidant autoritairement de filtrer les propositions d'aide peut résoudre ce problème. La Birmanie l'a fait récemment, cela n'a pas été porté à son crédit et on le comprend. «Le fatras est l'autre nom de la liberté», disait Paul Valéry. Quoi qu'il en soit, de très coûteux moyens de coordination et de maintien de l'ordre ont été mis en oeuvre dont on n'interroge pas le bien-fondé, tant les présupposés sur lesquels ils reposent sont tenus pour évidents. Les abris fournis aux sinistrés représentent le secteur défaillant de l'opération d'urgence. Distribuées tardivement, les tentes et les bâches plastiques fournissent en effet une faible protection contre la pluie et les cyclones, elles ont une espérance de vie limitée (6 mois pour les tentes) et offrent des conditions d'hygiène, d'intimité et de confort incompatibles avec la durée de séjour des sinistrés. L'histoire des catastrophes naturelles rappelle que la définition et la mise en œuvre des politiques de reconstruction (plan d'occupation des sols, appels d'offre, chantiers…) prend au minimum plusieurs années. Les sinistrés réoccupent l'espace et reconstruisent un habitat précaire bien avant que les plans d'urbanisation soient arrêtés. En Haïti, l'absence de cadastre et la faiblesse de la puissance publique laissaient présager une longue période de latence pendant laquelle les sans-abris devraient se débrouiller avec les moyens du bord. Le type d'hébergement proposé par l'aide internationale est inadapté à cette situation. D'autres types de réponse existent —bois et tôles (démontables), préfabriqués ou innovations technologiques—, proposées par UN Habitat, des ONG spécialisées et des cabinets d'études. Ces solutions autorisent un usage flexible des matériaux, permettant aux familles de se réinstaller ailleurs si elles le souhaitent (en raison de la congestion des camps, de l'incertitude foncière, etc.). Ne serait-ce que d'un point de vue de santé publique, nous devons prendre conscience que fournir les moyens de dormir (en particulier lorsqu'il pleut) devrait être un objectif primordial, bien avant la lutte contre d'improbables épidémies. 2/ La (re)construction. Elle n'est pas une affaire de bâti sur un terrain désert mais un ensemble de choix politiques, d'arbitrages et de mises en exécution prenant place dans une société dont les structures et les dynamiques n'ont pas été effacées par le tremblement de terre. Moins d'un an après le séisme, il n'est pas très surprenant que les chantiers de reconstruction aient à peine ou pas démarré et que la ville reste encombrée de gravas. Il a fallu deux ans pour déblayer les décombres du World Trade Center à New York. Dans les zones touchées par le tremblement de terre de 2009 en Italie, de 2005 au Pakistan ou de 2003 en Iran, la plupart des habitants vivent toujours dans des abris ou des logements précaires dans l'attente de la reconstruction de leur habitat. L'Indonésie qui a réalisé en cinq ans des grands projets d'aménagement du territoire à Aceh (côtes, maisons, routes, écoles, hôpitaux, etc. au point qu'il ne reste aujourd'hui pratiquement aucune trace du passage du tsunami à en croire la presse), fait à cet égard figure d'exception, qui s'explique par le volontarisme de l'Etat central et l'efficacité de son administration. Ces deux éléments font défaut en Haïti. Pour les diplomates des Nations unies, ce double handicap résulte de l'incompétence et de la moralité douteuse du gouvernement Préval. Pour le Ministre de la santé, Larsen, c'est la volonté des Nations unies et des bailleurs (principalement US) d'imposer un modèle de développement néolibéral (par le biais des experts internationaux mandatés auprès du gouvernement) qui explique en partie la paralysie du système. Partisan d'un système de santé inspiré du modèle cubain et reposant sur une offre de soins mixte (public/privé), il se serait vu imposer une politique de développement sanitaire fondée sur la recapitalisation du secteur privé. Quoi qu'il en soit, le manque de volontarisme et d'efficacité administrative de l'Etat haïtien ne sauraient être palliés par l'ONU. Celle-ci n'a ni la légitimité ni les moyens de se substituer à la puissance publique défaillante et d'administrer pour son compte les politiques de reconstruction (quant bien même ces politiques ne feraient que s'inspirer de l'avis des experts internationaux). Les acteurs de l'aide devraient adapter leurs politiques en conséquence —autrement dit se demander comment améliorer le quotidien des Haïtiens compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la reconstruction et non rêver de transformer la société haïtienne à leur place. En résumé, la «République des ONG» dénoncée par de nombreux intellectuels haïtiens est le symptôme et non la cause de la faillite de la puissance publique. 3/ Le choléra. Le bilan au 1er janvier est de 3 600 décès pour 171 000 cas. Précisons d'entrée de jeu que l'épidémie est sans rapport avec le tremblement de terre: elle a démarré dans une région et au sein de populations non affectées par celui-ci et sa propagation a épargné les quartiers de personnes déplacées, frappant les bidonvilles. À l'exception du département du Nord, le nombre de nouveaux cas est en diminution depuis plusieurs semaines et la létalité est désormais inférieure à 2%. Les principaux acteurs de la réponse à l'épidémie ont été les médecins cubains et MSF, prenant en charge plus de 90% des cas. Il est hautement probable qu'elle soit due à une évacuation intempestive d'excreta infectés en provenance du camp de casques bleus népalais de Mirebalais. Les Nations unies ont décidé le 6 janvier dernier l'envoi d'un groupe d'experts pour déterminer ses origines, suite aux conclusions de l'enquête menée en novembre par l'épidémiologiste français Renaud Piarroux. Selon que l'on confirme l'origine importée ou climatique, les moyens et les chances d'éliminer le choléra de l'île seront différents. En tout état de cause, il importe de souligner la faiblesse de la réaction internationale et les défaillances du dispositif de suivi épidémiologique de l'OMS. Les problèmes d'assainissement en Haïti sont majeurs et ne datent pas du tremblement de terre. Les sinistrés ont bénéficié dans l'ensemble de l'installation de latrines et de traitement des eaux usées inexistants dans les bidonvilles épargnés par la secousse. Le fait que les camps aient été beaucoup moins touchés par l'épidémie tend à confirmer la relative efficacité des mesures d'assainissement, le meilleur statut nutritionnel des sinistrés pouvant aussi expliquer leur plus grande résistance. Mais ce qui était réalisable avec les moyens de l'urgence dans les camps de sinistrés ne l'était pas dans les bidonvilles. Toutefois, quelles que soient les causes spécifiques de l'épidémie et les mesures de santé publique qui seront prises (information, vaccination, centres de soins), il importe de se rappeler que le choléra ne disparaîtra qu'avec la mise en place de stations d'épuration de l'eau et un contrôle sanitaire de sa distribution, objectifs auxquels l'aide extérieure peut activement contribuer mais qu'elle ne peut assurer elle-même. En résumé, l'aide d'urgence a rendu de très grands services aux victimes du séisme et peut donc être considérée comme un «succès», à l'exception de la fourniture d'abris inadaptés. La stagnation de la reconstruction, source d'immenses difficultés pour les sinistrés, est à mettre sur le compte de l'ampleur de la tâche et de la faiblesse des structures publiques haïtiennes que l'aide internationale n'est pas en mesure de compenser. Photo © Reuters: vue générale du palais national partiellement détruit, le 11 janvier 2011. _____________________ Haïti : l'aide internationale en questionIl y a un an, Haïti a été ravagé par un séisme d'une amplitude exceptionnelle. La communauté internationale s'est mobilisée pour exprimer sa solidarité malgré "l'impostutre des Nations unies en Haïti", écrit Jean-Philippe Belleau. Les ONG, quant à elles, se sont organisées pour acheminer l'aide aux Haïtiens. Un an après, la situation reste dramatique ; raison de plus pour "tenir ses promesses", insiste Olivier Bernard. Certes l'Europe a raison de réaffirmer qu'elle est et sera solidaire avec Haïti, rappellent Catherine Ashton, Andris Piebalgs, Kristalina Georgieva, il n'empêche, écrit Irina Bokova : "Il faut faire plus pour Haïti". Pour cela, il faudrait d'abord débarrasser les Haïtiens du fardeau de sa dette, propose Robert N. Zoellick. Aux ONG aussi de s'interroger sur leur mission, car le "modèle humanitaire dominant" est remis en question depuis la tragédie haïtienne, avertissent Pierre Micheletti et Daniel Henrys. Une tragédie haïtienne en trois actes, car après les secousses, il y a eu l'Acte II avec l'épidémie de choléra dont il est important de connaître les origines, insiste Marie-Pierre Allié. Puis l'Acte III, avec l'affaire des 318 enfants d'Haïti à adopter pour Noël, qui constitue pour Pierre Lévy-Soussan et Sophie Marinopoulos, une nouvelle maltraitance en matière d'adoption internationale. Pas sûr, lui répond, Jean-Pierre Brouillaud. "Ni bienfaiteurs, ni néo-colonisateurs, nous sommes seulement des parents adoptifs, clament les parents adoptifs d'une jeunes fille haïtienne. 12.01 | 12h04 _____________________________Si peu...
Six mois après le tsunami qui a dévasté l'Indonésie en décembre 2004, l'organisation humanitaire Architectes de l'urgence avait déjà construit des dizaines de maisons. Au premier anniversaire, près de 200 maisons et une poignée d'écoles étaient prêtes. Un an après le tremblement de terre en Haïti, cette ONG n'a rien bâti du tout. Elle n'est pas inactive pour autant et s'occupe de restaurer des écoles et des habitations dans quelques quartiers de Port-au-Prince. Mais des maisons neuves? Aucune. Pourquoi? Parce que l'argent n'est pas au rendez-vous, se désole le président de l'organisme, Patrick Coulombel. Son organisation ne représente qu'une petite goutte dans l'océan d'ONG qui a déferlé sur Haïti depuis le 12 janvier 2010. Mais son exemple n'en est pas moins révélateur. Les Architectes de l'urgence s'attendaient à recevoir une dizaine de millions de dollars pour contribuer à la reconstruction d'Haïti. Ils n'ont reçu qu'un tiers de cette somme, entièrement destiné à la restauration et à la construction d'abris temporaires. «Pour bâtir des logements neufs, nous n'avons rien. Zéro.» La comparaison entre le tsunami et le séisme haïtien a des limites, reconnaît Patrick Coulombel. Le premier a dévasté des régions rurales, peu habitées, alors que le second a frappé des villes surpeuplées dépourvues de registres fonciers. Construire à neuf sur du chaos, ce n'est pas évident. Un exemple: le Centre d'étude et de coopération internationale espère bâtir des maisons à partir de gravats recyclés à Léogâne, la ville la plus dévastée par le séisme. Les titres fonciers y sont un fouillis inextricable. «C'est comme un tunnel sombre et sans fin», dit Carine Guidicelli, porte-parole du CECI. Bref, le projet est en suspens. Mais aux yeux de Patrick Coulombel, la raison fondamentale du retard que l'on met à reconstruire Haïti est ailleurs: dans le choix politique de la communauté internationale, qui a insisté pour que les Haïtiens aillent voter et qui attend qu'un nouveau gouvernement se mette en place avant de se lancer vraiment dans la reconstruction. Entre-temps, des millions de dollars attendent d'être dépensés... Patrick Coulombel est furieux: «Attendre les élections pour commencer la reconstruction, c'est scandaleux! Pendant ce temps, les gens croupissent dans des tentes.» Il y a aussi les atermoiements des autorités haïtiennes, qui n'ont toujours pas publié le nouveau Code du bâtiment. Récemment, le ministère des Travaux publics a annoncé que les normes de restauration des anciens bâtiments seraient publiées... après les élections. Pour les constructions neuves, on n'en sait rien. Les architectes pourraient toujours s'inspirer des normes qui existent dans les pays exposés à des cataclysmes semblables à ceux qui s'acharnent sur Haïti. «L'ennui, c'est que, tant que la construction n'est pas encadrée, les bailleurs de fonds internationaux refusent de nous financer», dit l'architecte en colère... Pourtant, la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti, coprésidée par Bill Clinton, a été mise sur pied pour canaliser tous les efforts de reconstruction et les soustraire aux aléas de la petite politique. Lieu de toutes les lenteurs, cette commission a annoncé ses tout premiers projets seulement en décembre. Ne pouvait-elle donc pas aider les Haïtiens à produire en priorité un nouveau Code du bâtiment? Bilan: un an après le tremblement de terre, les Haïtiens sont toujours en mode survie. Ce retard s'explique, en partie. Mais il est aussi, en grande partie, inexcusable. ____________ Haïti tremble toujours Gérard Latulippe - Président de Droits et Démocratie, l'auteur était directeur du National Democratic Institute en Haïti au moment du séisme 12 janvier 2011. Photo : Agence Reuters Allison Shelley Un an après le tremblement de terre, on peut non seulement se demander comment Haïti peut se relever du séisme, mais aussi comment la reconstruction du pays peut être socialement, politiquement et économiquement durable. Ce jour-là, la terre a tremblé en Haïti, entraînant plus de 200 000 pertes humaines, plus de 300 000 blessés et 3,5 millions de personnes touchées par le séisme. Malheureusement, la terre tremble encore pour les Haïtiens qui vivent toujours dans des conditions inhumaines emportées par d'autres catastrophes naturelles, sanitaires ou politiques. Haïti est aux prises depuis plusieurs décennies avec une situation perpétuelle de crise sociale, politique et économique. Les effets cumulatifs des inondations de Gonaïves, du séisme du 12 janvier 2010, de l'ouragan Tomas, de l'épidémie de choléra qui a déjà tué plus de 2000 personnes depuis la mi-octobre ont porté la misère humaine à des niveaux intolérables. Séisme électoral Que dire du séisme électoral du 28 novembre dernier? Dans toutes les régions du pays, des observateurs nationaux et internationaux ont rapporté de multiples cas de fraude, de bourrage d'urnes, d'intimidation et de violence. Une crise politique sans précédent résulte d'un processus électoral qui était fortement contesté dès son origine, quoiqu'appuyé par la communauté internationale. Les sondages démontrent l'absence de crédibilité du scrutin dans la population. Un an après le tremblement de terre, on peut non seulement se demander comment Haïti peut se relever du séisme, mais aussi comment la reconstruction du pays peut être socialement, politiquement et économiquement durable. J'ai une admiration considérable pour ces milliers d'initiatives d'Haïtiens, de membres de la diaspora, d'étrangers de par le monde visant à aider le pays à se relever. Qu'il s'agisse d'un hôpital, de silos à grain ou même de l'aide fournie à une famille pour tenter de la sortir de la misère, le courage et la compassion de ces milliers de personnes sont remarquables. Toutefois, la reconstruction du pays tarde trop. Un an après le séisme, la situation en Haïti ressemble beaucoup à ce à quoi elle ressemblait immédiatement après le 12 janvier 2010. La lenteur des décaissements des donateurs est alarmante. Depuis longtemps, l'État haïtien souffre de faiblesses structurelles considérables qui engendrent des difficultés importantes dans la fourniture des services publics à la population. Il existe une crise de confiance majeure du peuple haïtien envers la gouvernance de leur pays. Elle a d'ailleurs atteint son comble avec l'inextricable imbroglio du processus électoral actuel. Coordination chancelante Il y a aussi les ONG. On appelle souvent Haïti la «république des ONG». Haïti est devenu, selon l'ancien président Bill Clinton, le pays qui a le plus d'ONG par personne sur la planète. Depuis des décennies, l'aide internationale passe plutôt par les ONG que par l'État haïtien. La coordination fait défaut. L'État ne sait pas qui fait quoi sur son territoire. Quant à eux, les donateurs n'ont souvent pas confiance dans la capacité de l'État à fournir efficacement les services publics. Ce sont les ONG qui remplissent souvent le rôle laissé vacant par l'État. Et il y a la corruption. Année après année, Transparency International classifie Haïti comme étant un des pays où la perception de la corruption est la plus élevée de la planète. Le pays se classait, par exemple, au 131e rang sur 133 en 2003 et au 168e sur 180 en 2009. C'est un cancer de la gouvernance qui affaiblit l'État et handicape sérieusement sa capacité à offrir des prestations de base à la population. Pas de refondation sans État Il n'y aura pas de reconstruction durable en Haïti sans une gouvernance intègre et légitime. La bonne conscience et le décaissement des milliards de dollars promis ne suffiront pas à reconstruire le pays et à le placer sur la voie du développement durable. La refondation de l'État haïtien doit être placée au coeur de la reconstruction du pays. Ce n'est pas ce qui se passe. La mise en place d'un État stable, fonctionnel, jouissant d'une légitimité démocratique, soucieux de transparence et du respect des droits de la personne est incontournable. Les citoyens haïtiens doivent être au coeur de la reconstruction de leur pays. Il n'y a pas de développement possible sans adhésion du peuple à son développement. L'histoire d'Haïti en est une d'exclusion et de rupture. Il y a l'exclusion des femmes, des jeunes, des paysans. Il y a la rupture entre le peuple et ses élites, la classe politique. Mobilisation des forces Le processus électoral ne réussira certainement pas à modifier cette dynamique d'exclusion et de rupture. La reconstruction d'Haïti ne peut être un projet émanant seulement du gouvernement haïtien et de la communauté internationale. Il faut une mobilisation des forces vives du pays sur l'ensemble du territoire dans le cadre d'un processus de participation permettant la construction d'un consensus national visant à briser le joug des faiblesses structurelles du pays et reconstruire ce merveilleux pays que j'aime. La communauté internationale doit accompagner, et non diriger, les citoyens d'Haïti à travers les méandres logistiques, techniques et culturels qui sont le propre d'une telle mobilisation. J'ai vécu le 12 janvier 2010 et Haïti est toujours demeuré présent dans ma vie et dans mes valeurs. C'est la raison pour laquelle je m'exprime aujourd'hui et cette opinion n'implique pas l'organisme pour lequel je travaille. __________ Courrier internationalL'anticipation au quotidien HAÏTI • Et si la terre tremblait de nouveau ?Un an après le séisme, le rédacteur en chef du Nouvelliste constate que rien n'a changé concernant les mesures de sécurité sismiques.De plus, l'aide est toujours aussi mal gérée. 10.01.2011 | Frantz Duval | Le Nouvelliste Haïti, le séisme et tout le tremblementUn retour sur le devant de la scène © AFP Le programme officiel des commémorations en relation avec le 12 janvier 2010 a été dévoilé le jeudi 6 janvier 2011 par la ministre de la Culture et de la Communication, Marie-Laurence Jocelyn Lassègue. Sans surprise, la sobriété et le recueillement vont être au cœur du souvenir de ce premier anniversaire du tremblement de terre. Mais tout le monde ne célèbre pas ce triste anniversaire dans la résignation. Lors de déclarations faites à la presse, Claude Prépetit, le géologue haïtien qui depuis des années tente de prévenir des risques d'un séisme majeur dans le pays, n'a pas caché son amertume et son désappointement. "Pas assez de leçons ont été tirées de la tragédie du 12 janvier 2010" déclare-t-il. Selon le scientifique, nous sommes toujours insouciants des failles [qui courent sous la surface de la capitale]. Nous ne sommes pas plus préparés un an plus tard que nous ne l'étions un jour avant le séisme à faire face à un nouveau tremblement de terre. "Goudougoudou" [onomatopée pour imiter, désigner, traduire ou interpréter le son ou le bruit provoqué par les mouvements du séisme du 12 janvier 2010] repointerait son museau que nous n'aurions d'autre choix que de courir et geindre. Compter les victimes et appeler à l'aide. Ni l'éducation de la population, ni les capacités des services d'urgence ne se sont adaptées à notre carte sismique. Le Cap-Haïtien et le nord du pays, qui vivent aussi au-dessus d'une ligne de failles, ne sont pas plus aptes à faire face aux forces de la terre que ne l'est Port-au-Prince. "Bon Dieu bon" [expression créole qui veut dire "à la grâce de Dieu"] est toujours la seule philosophie que nous pratiquons et notre seule planche de salut. Dans un autre registre, un an après le déferlement des ONG, nous ne sommes pas plus équipés pour contrôler ou simplement être informés de leurs actions. Il est de notoriété publique que le gouvernement, dans le cadre de la commémoration de la catastrophe du 12 janvier, va instituer un nouvel organisme pour prendre en charge le secteur de l'aide non gouvernementale. Mais c'est sans doute une rumeur qui restera sans suite. Nous aimons tellement l'aide, nous sommes tellement convaincus que l'argent des ONG leur appartient, à quoi bon chercher à savoir dans quoi elles l'investissent et combien elles dépensent ? Sauf qu'un jour, quand on fera les comptes, il sera dit qu'Haïti, encore une fois, a englouti des milliards pour rien. ____________________ "La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles? Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation prend la forme de monopole au 21e Siècle. WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.) |
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