«Je n'ai pas entendu vos pieds!», hurle un chef de peloton aux volontaires, tous vêtus de pantalons cargos, casquettes et t-shirts kakis marqués des lettres jaunes: CONAMID - Forces armées d'Haïti.
Les quelque 400 jeunes volontaires s'appliquent à leur tâche avec zèle. L'événement se veut historique. Dix-sept ans après le démantèlement de l'armée haïtienne, ils s'apprêtent à défiler sur l'artère principale de Port-au-Prince.
Par son enthousiasme, la population présente lors de cette parade, le mois dernier, traduisait le désir d'une majorité d'Haïtiens de nouvelles forces armées dans le pays. Les volontaires, précédés par une fanfare, ont parcouru la ville sous les cris de joie et les regards amusés.
Ces 400 hommes et femmes reçoivent encore aujourd'hui jusqu'à trois fois par semaine un entraînement axé principalement sur la marche en peloton.
La Coordination nationale des militaires démobilisés (CONAMID) affirme encadrer la formation sans armes de près de 2500 volontaires à Port-au-Prince et en région. Les «inscrits» n'ont toutefois aucune garantie qu'ils feront partie de la nouvelle armée d'Haïti promise en campagne électorale par Michel Martelly.
Certains détracteurs qualifient ce regroupement de «milice rose», couleur associée au président. Mais pour la plupart des Haïtiens, la résurrection de l'armée va de soi.
Remplacer la MNUSTAH
«Il faut que la MINUSTAH (la force de l'ONU en Haïti, accusée d'avoir introduit le choléra) quitte le pays, s'indigne comme plusieurs de ses compatriotes le sergent Lafalaise, un des dirigeants de la CONAMID.
En entrevue avec La Presse, l'ancien militaire rappelle que Michel Martelly a visité l'une de ses bases d'entraînement durant sa campagne électorale et salué son initiative pacifique.
La mission de la future force militaire, la rapidité avec laquelle le président tente de la mettre en place, tout comme le peu de consultation qui l'aura précédée, alimentent néanmoins les débats et raniment certains souvenirs de l'ancienne armée responsable de plusieurs coups d'État.
Celle-ci faisait par exemple un travail très proche de la population, ce qui rendait plus faciles les abus de pouvoir. La candidate défaite à la présidence Mirlande Manigat réclame en ce sens que cette future force ne fasse aucun travail «de police».
Le sergent Lafalaise reconnaît qu'il y a eu des abus de pouvoir commis par des membres de l'armée avant son démantèlement. Il salue à ce propos le professionnalisme de l'état-major uruguayen face aux cinq soldats de la MINUSTAH qui ont été accusés d'agression sexuelle sur la côte sud du pays. Les militaires des forces armées d'Haïti «qui ont ordonné des crimes par le passé devraient eux aussi être jugés devant une cour martiale», soutient-il.
Une ébauche du projet de Martelly a beaucoup circulé par courriel et dans certains médias. En plus de la mise sur pied d'une force de 3500 personnes, celle-ci prévoyait la présentation des premiers effectifs des nouvelles forces armées ce vendredi, comme l'ont d'ailleurs rappelé plusieurs discours de Martelly.
Le chanteur devenu politicien a finalement reculé la semaine dernière, annonçant le report du lancement de quelques semaines et un renforcement des effectifs de la police nationale d'ici là. Ce n'est donc que le plan pour la nouvelle force militaire qui devrait être dévoilé officiellement vendredi.
La date sera symbolique. Le 18 novembre est la journée où l'on commémore la capitulation militaire française qui a mené à l'indépendance d'Haïti et la libération des esclaves.
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