mercredi 11 janvier 2012

Haiti-Université : Pour la reformulation de la raison sociale du campus de Limonade

Haiti-Université : Pour la reformulation de la raison sociale du campus de Limonade

lundi 9 janvier 2012
 
Par Emmanuel Jeanty *

Soumis à AlterPresse le 6 janvier 2012
 
A quelques jours de l'inauguration du Campus de l'Université d'État d'Haïti dans le Nord, prévue pour le 12 janvier 2012, nous venons de faire une des plus inattendues remarques sur le portique principal de la dite institution. En effet, l'on y lit en lettres capitales : Université d'État d'Haïti Campus Roi Henry Christophe. Ce nom de Roi Henry Christophe inscrit sur le portique devrait généralement attiré l'attention de tous les intellectuels et en particulier les universitaires et historiens avisés.
 
Le rôle fondamental de l'université étant la transformation de la société, quel nom pourrait-elle porter ? Comment procéder pour attribuer une dénomination officielle à une institution ? Quels sont les paramètres et variables essentielles dans la formulation de la raison sociale d'une institution à vocation supérieure d'éducation ?
 
L'université a pour mission première de dessiller les yeux des membres du corpus social qu'elle dessert. En d'autres mots, l'Université, tel un éclaireur doit guider les pas de la société. Elle donne un sens au non sens, démythifie, désacralise… pour le plus grand bien de la communauté. Tenant compte de cette considération, de la profondeur et de la noblesse de sa mission, qui aurait cru qu'elle porterait un nom fictif, non significatif dans toute l'histoire de l'humanité ? Le Roi Henry Christophe a-t-il existé dans l'histoire ? Non. Et mille fois non. Ce personnage n'a jamais existé dans notre histoire de peuple. Pour la mémoire collective, pour l'histoire et pour la vérité, je crois – au nom de ceux qui tiennent encore le flambeau de l'intellectualisme et de ces jeunes avides de savoirs marchant sur nos traces – conseiller à la superstructure de l'Université d'Etat d'Haïti de se raviser et changer de raison sociale. Cette raison sociale collée au campus fraichement construit est fausse, inexacte et trompeuse. L'Université doit remplir pleinement sa mission en apportant à tous la vérité.
 
Henry Christophe a pris naissance à la Grenade le 6 octobre 1767. Il fut tour à tour général de brigade, commandant l'arrondissement du Cap (1802) [1] et président d'Haïti (1806) [2]. Ne pouvant accepter l'inacceptable à Port-au-Prince, il retourna dans le nord, y devint président et créa une scission avec la Constitution de 1807 dans laquelle il réserva une place spéciale pour une loi particulière qui se prononcera sur la nouvelle division territoriale. Son attitude fut exemplaire.
 
L'historien Vergniaud Leconte rapporta : « Ses lieutenants et ses admirateurs le trouvèrent et apte à une dignité conformes à ses aspirations, et ne se cachaient pas de lui conférer celle de Roi. Les termes de président et de généralissime de l'armée ne semblaient plus propres à qualifier ce souverain [3] … ». En 1811, le président et général Henry Christophe allait accéder à un nouveau statut plus significatif en tenant compte des conjectures de l'époque. Suivant le même historien : « Les préparatifs se faisaient en silence et sans hâte, les ornements se confectionnaient et les édits s'élaboraient avec la plus élogieuse méthode ». S'il faut comprendre très bien cette tranche d'histoire toute personne avisée et rationnelle devrait se rendre compte que rien de grand ne se fait à la hâte et sans méthodes. La nouvelle Constitution de 1811 en son article 1er fixait : « Le président Henry Christophe est déclaré Roi d'Haïti sous le nom de Henry. Ce titre, ses prérogatives et immunités sont héréditaires dans sa famille, pour les descendants mâles et légitimes en ligne directe, par droit d'ainesse à l'exclusion des femmes [4] ».
 
L'édit du premier avril 1811, la loi constitutionnelle reconnaissaient Henry comme Roi d'Ayiti, souverain des îles de la Tortue, Gonâve et adjacentes [5]. Aussi, lit-on dans, le premier code créé par des Haïtiens, le code Henry : « Henry, par la grâce de Dieu et la Loi constitutionnelle de l'État, ROI D'HAYTI (..).[Code Henry, version numérique, page 776.]] ».
 
L'historien émérite, le Docteur J.-C. Dorsainvil précisa avec autorité : « La réélection de Pétion, le 9 mars 1811, lui (Henry Christophe) causa un profond dépit ; il jeta le masque et se fit proclamé Roi sous le nom de Henry 1er (26 mars 1811) [6] ». Au cours de son règne, Il fut surnommé Roi bâtisseur pour avoir édifié des palais somptueux – dont plusieurs inachevés – au Cap, à Milot le magnifique palais Sans-souci, à Jean-Rabel, à Fort-liberté, à St-Marc et le palais aux 365 portes à Petite Rivière de l'Artibonite.
 
La Citadelle, ce chef d'œuvre architectural où est entreposée singulièrement une quantité importante de pièces d'artillerie du 18e siècle est la fierté et l'orgueil de tous les noirs du monde. Actuellement, elle figure sur la liste des patrimoines de l'Humanité de l'UNESCO et ce, depuis 1982.
 
Les points ci-dessus relatés au soutien des œuvres historiques ont montré avec éloquence qu'Henry Christophe, président inamovible, généralissime des forces de terre et de mer, chef de l'administration des finances, seul chargé des relations politiques ou commerciales avec l'étranger… a bel et bien existé [7]. Mais, en tant que Roi Il s'appelait : Henry 1er. Des preuves irréfutables établissent l'existence des faits et réalisation suivants : le Code Henry (promulgué le 24 février 1812) [8], le Cap-Henry, la Citadelle Henry et tous les documents du royaume portaient la signature d'Henry. Donc, le Roi avait pour prénom Henry d'où Sa Majesté : Henry 1er.
 
Raisonnons. À aucun moment de la durée, il n'y avait pas un Pape qui s'appelait Karol Wojtyla mais un cardinal. En octobre 1978, ce cardinal de l'Église catholique romaine devint Pape et porta le nom de Jean Paul II. C'est exactement le même cas de figure pour Henry Christophe qui devint Roi Henry 1er. De même, il n'y avait pas un empereur du nom de Jean Jacques Dessalines mais Jacques 1er, ni un Empereur du nom de Faustin Soulouque mais plutôt Faustin 1er.
 
L'Université – gardienne des valeurs – ne saurait être actrice et responsable de l'état de vacuité, vide moral et intellectuel, de la société. Elle se doit d'extirper le pays de cet abîme. C'est aux hauts dignitaires, acteurs et décideurs de l'Université d'État d'Haïti de comprendre instamment l'urgente nécessité de revisiter l'histoire nationale pour rétablir la vérité, par la reformulation de la raison sociale du campus et la suppression de la surcharge de ROI. Dès lors, la nouvelle dénomination rectifiée pourra devenir : Université d'État d'Haïti Campus Henry Christophe. Avec le choix d'un tel nom, les décideurs de l'Université d'État se sont acquittés d'un devoir de mémoire pour avoir perpétué et transmis à la postérité un modèle rarissime et un leader immortel.
 
Puisse l'université jouer sa partition dans le développement du pays et se revêtir de la toge visionnaire de l'idéal christophien à la dimension de l'humain du 21e siècle. « Pour que le peuple puisse passer de l'état sauvage à l'état de raison il lui faut : l'EDUCATION ».
 
À votre science !
…………………
Avocat 
Maitrise en Sciences sociales et humaines/Criminologie 
jeantyemmanuel@gmail.com
[1] LECONTE Vergniaud : « Henry Christophe dans l'Histoire d'Haïti » Edition de la collection du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti, Rotary Club du Cap-Haitien et l'imprimerie Henry Deschamps, pp. 97-107
[2] Ibid
[3] Ibid, p. 345
[4] Deux siècles de constitution haïtienne 1801-2011 (compilation) les Éditions Fardin 2011, page 37
[5] LECONTE Vergniaud, Op. Cit page 349
[6] Dr J.C Dorsainvil : Histoire d'Haiti cours supérieur, Edition Henry Deschamps, P-au-P, 1934, page 161
[7] Ibid
[8] Ibid, P 162
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"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles?
Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation  prend la forme de monopole au 21e Siècle.
WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.)
 

1 commentaire:

  1. L’Université de la Honte
    Comment expliquer qu’après 208 ans d’indépendance qu’on n’ait pas penser à avoir des campus universitaires sur tout le territoire? De surcroit Qu’il nous a fallu attendre un don de 50 millions de dollars américains du peuple dominicain pour la construction d’un campus.
    Aucun moment de réflexion à savoir du pourquoi aujourd’hui ? Après plus de deux cents ans!!!
    Mais de préférence nos sempiternelles luttes pointent déjà à l’horizon pour savoir qui va gérer ce campus de la honte qui porte le nom du <>, <>
    Henri Christophe comme nous l’a fait croire une certaine histoire, <> qui attacha une grande importance à l’éducation. Pourquoi ne pas la nommer Université Christophe Colomb, limonade ayant été le lieu de rencontre entre Colomb et Guacanagaric, pourquoi pas Université Rafael Léonidas Trujillo Molina ou
    Université Joaquim Balaguer Ricardo en hommage au peuple dominicain pour ce don si précieux qui donnera la possibilité à 10000 de nos compatriotes de rentrer à l’université en terre natale ce qui aidera peut être à à l’avenir à décongestionner les universités de la république voisine.
    Donnant ainsi à nos profs d’université (Ils sont combien?) de faire le va-et-vient entre Port-au-Prince et Limonade via notre nouveau métro fraichement inauguré, Ah ! le métro se trouve de préférence de l’autre coté de la frontière.
    Y aura t-il des profs étrangers? Ils logeront ou ? dans le campus bien sur qui fonctionnera à coup sur à l’aide d’un groupe électrogène qui devra l’alimenter 24/24.Avec un accès internet à haut débit.
    Le peuple Dominicain de mon point de vue a mis les charrues avant les bœufs, Haïti n’est pas prêt .Et de toutes façon il est grand temps que l’Haïtien apprenne à prendre ses responsabilités. Attendre que l’initiative de la construction d’un campus universitaire vienne de l’extérieur (République Dominicaine ou un autre pays) est une Honte pour la première république noire
    Peut-être qu’ils nous aideront aussi à relancer l’industrie sucrière en Haïti ce qui aidera d’une part à rapatrier nos frères et à ”booster” l’économie.
    Souhaitons que le gouverment Marthelly/Conille qui donne priorité à l’éducation puisse construire des centres universitaires à travers tout le pays qui pourront égaler d’une part cette réalisation en souhaitant qu’ils penseront d’abord aux infrastructures de base devant précéder une telle construction.
    L’incursion de l’armée dominicaine le jour de l’inauguration ? (sans commentaires !!!)

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