L'HYPERACTIF LAURENT LAMOTHE
Il a démissionné de ses entreprises pour se mettre au service de son ami de vieille date devenu président de la République. Une fois arrivé à la tête du ministère des Affaires étrangères, Laurent Lamothe se distingue par son dynamisme. Il a pratiquement changé la donne avec sa nouvelle théorie, dite ''diplomatie des affaires''.
Haïti: Il est devenu la marque du gouvernement. La référence. Il bouge tout le temps. Même quand il est assis, il fait de grands gestes avec ses mains, secoue régulièrement la tête, et ses pieds ne sont jamais à une seule position pendant cinq minutes. Manifestement, Laurent Lamothe est un hyperactif. Le chef de la diplomatie haïtienne, homme au teint clair et au crâne rasé, est toujours tiré à quatre épingles; cela impose. Costume bleu avec de fines raies blanches, chemise rose qui rappelle la couleur de campagne du président Martelly, il accepte volontiers d'accorder une interview au Nouvelliste à son bureau très bien entretenu sous le regard attentif de son chef de cabinet, Ady Jean Gardy.
Les rencontres privées avec des personnalités haïtiennes et étrangères se succèdent. Le bureau de Laurent Lamothe ainsi que les salles d'attente du ministère sont toujours occupés durant la journée. Beaucoup d'activités dans les locaux du ministère des Affaires étrangères qui méritent des feux de signalisation pour éviter la collision entre les employés et les visiteurs, comme cela se fait régulièrement.
Comme tout ministre qui se respecte, le chancelier est très rare et toujours pressé. « Vous ne pouvez lui parler que pendant dix minutes, il a tout de suite après vous une rencontre au palais national », lâche une jolie dame du cabinet privé de Laurent Lamothe avant l'interview.
Certains estiment que Laurent Lamothe est l'un des plus productifs ministres de ce gouvernement. Il le sait bien et ne fait pas de fausse modestie. « Je suis là pour ça.. Le président et le Premier ministre forment une équipe dont je suis membre. Ils me donnent des tâches que j'entends accomplir correctement au bénéfice de la population» , dit-il avec une certaine satisfaction.
Cet homme d'affaires, qui a visité 41 pays en 2009, ne lâche jamais son ipad et ses deux portables ultramodernes. Ceux qui le suivent sur twitter savent tout ce qu'il fait durant la journée. Il aime poster des messages sur son compte, il est branché et connecté.
A ceux qui disent que Lamothe va bien au-delà des limites de son poste de ministre des Affaires étrangères, il leur fait remarquer qu'il est actuellement un homme politique à trois casquettes. Chancelier, tout le monde le sait et on ne peut pas lui reprocher d'être très présent dans ce domaine. Il est aussi le coprésident du Conseil consultatif pour l'investissement, mais c'est surtout son poste de conseiller spécial du chef de l'Etat qui lui donne l'autorité de se positionner dans pratiquement tous les champs d'action du gouvernement. Un homme puissant que ce Lamothe.
Pour occuper ces trois postes - pas des moindres -, Laurent Lamothe dort beaucoup moins de nos jours. Pourtant, c'est quelqu'un qui n'a pas l'air fatigué. « J'avais l'habitude de travailler 18 heures par jour. Aujourd'hui, je travaille 21 heures, je dors à peine. Les tâches qui me sont confiées sont énormes. »
Pour donner plus de résultats et pour éviter des conflits d'intérêts, l'homme d'affaires a démissionné de ses entreprises et se considère comme un ancien homme d'affaires. Il était P.D.G. de Global Voice Group (Nopin), une société de télécommunications. Ce qui ne veut pas dire qu'il a tout vendu. « C'est un honneur pour moi d'être au service de mon pays... », avance-t-il sans hésiter ni clignoter les paupières.
Laurent Lamothe, qui a fait des études en sciences politiques et en administration, indique qu'il n'a jamais été le patron du président Martelly. Toutefois, il souligne que le chef de l'Etat a toujours été son ami. Il reconnaît l'avoir supporté financièrement pendant la campagne électorale, soulignant qu'il n'a pas été le seul à le faire.
En arrivant au poste de ministre des Affaires étrangères, cet homme dans la quarantaine, a voulu mettre du sien avec des idées innovatrices.
D'où son nouveau concept ''diplomatie des affaires''. « Nous devons pousser nos diplomates qui sont en contact avec les décideurs des pays étrangers à les aborder pour faire la promotion d'une bonne image d'Haïti et de ce qu'elle a de bon à offrir. Non seulement ils doivent faire leur travail de représentation mais je veux aussi qu'ils fassent la promotion des valeurs haïtiennes, de nos ressources, nos sites touristiques, nos belles plages... Un ambassadeur peut demander à rencontrer un ministre des Affaires étrangères, des hommes d'affaires et même le président du pays où il est en mission », réclame le chancelier.
Pour ce père de deux filles, Linka et Lara, Haïti est un cas unique dans le monde et ses dirigeants doivent penser autrement. Selon Laurent Lamothe, la population a besoin d'abord d'emplois. C'est pourquoi les ambassadeurs ont l'obligation de vendre les bonnes choses du pays pour inciter les investisseurs à venir s'y implanter. « C'est en ce sens qu'on parle de diplomatie d'affaires, qui part à la recherche du secteur privé, contrairement à la diplomatie traditionnelle. Le peuple doit bénéficier directement de ce qu'on fait en créant des emplois. »
Le profil des nouveaux ambassadeurs du pays
Laurent Lamothe est en train de mettre en place un ensemble de critères pour faire la sélection des ambassadeurs avant de les envoyer devant le Sénat pour ratification. Selon le chef de la diplomatie haïtienne, le prochain représentant du pays à l'étranger doit avoir l'habitude des gens dans les milieux d'affaires. Il doit aussi avoir le profil d'un promoteur. « Nous demandons à chaque ambassade de venir avec quatre missions d'affaires par an en Haïti. Ce qui fera 168 missions d'affaires chaque année. Nous leur demandons également de rencontrer les chambres de commerce des pays où ils sont et ils doivent communiquer.... », explique M. Lamothe.
Il dit avoir trouvé une situation anormale au MAE où la plupart des représentations diplomatiques du pays n'avaient pas d'ambassadeurs, comme c'est le cas pour le Mexique, la France, entre autres. Deux pays qui ont des ambassadeurs en Haïti et des relations très importantes avec nous.
Le coprésident du Conseil consultatif pour l'investissement se prépare à soumettre au Sénat la liste des ambassadeurs. « Nous avons d'excellentes relations avec le Parlement. Il est inclus dans la stratégie. Nous nous mettons d'accord sur le fait que le pays a besoin d'une représentation par des ambassadeurs. Un chargé d'affaires n'a pas la même influence qu'un ambassadeur », précise-t-il.
Perspectives pour 2012
Le chancelier Lamothe va renforcer les relations avec les pays d'Afrique. Pour cela, il a besoin de 21 consuls honoraires et de trois ambassadeurs dont un en Afrique du Sud, un autre en Éthiopie qui loge le siège de l'Union africaine. Le titulaire du MAE veut avoir une place à l'UA, ne serait-ce comme observateur. Il veut intégrer la Banque africaine de développement. « Haïti retournera à ses racines », dit-il.
Laurent Lamothe veut faire d'Haïti l'ami de tout le monde, en multipliant des rapports avec l'extérieur. Il n'écarte pas la possibilité d'intégrer toutes les structures capables d'apporter un plus pour le pays. Il a déjà demandé qu'Haïti devienne membre permanent du Sommet ibéro-américain. Il veut que le pays soit beaucoup plus présent en Asie. Le chancelier compte renforcer la solidarité avec les pays de l'Amérique du Sud, même si Haïti est déjà membre de la Communauté des pays de l'Amérique latine (CELAC). Il fera tout ceci avec le budget de 1,4 milliard de gourdes pour le ministère qu'il dirige et les 42 représentations diplomatiques.
En outre, le patron du MAE souhaite que des sociétés énergétiques étrangères soient implantées en Haïti pour combler le déficit de 400 mégawatts de courant électrique auquel fait face le pays, la construction des routes payantes, entre autres. Et cela doit être le travail des représentants d'Haïti à l'extérieur, selon Laurent Lamothe, qui se dit déterminé à y parvenir.
Un ambassadeur haïtien sera important à ses yeux que s'il arrive à faciliter l'investissement de sociétés étrangères dans le pays, avertit le ministre avant de conclure notre entretien et de passer à un autre rendez-vous.
Robenson Geffrard
rgeffrard@lenouvelliste.com
www.lenouvelliste.com/article..php?PubID=1&ArticleID=101147
"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles?
Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation prend la forme de monopole au 21e Siècle.
WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.)
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