L’entrée en scène de Me Alan Ross, l’un des grands avocats de la Floride, respecté pour ses succès dans les procès criminels liés au trafic de stupéfiants, semble avoir provoqué la décision du FBI de soumettre des enregistrements dits compromettants contre Guy Philippe. A première vue, on peut dire que le FBI vole au secours de la DEA; ne voulant prendre aucune chance, la justice américaine a mis le paquet.
Mais aussi, il parait que ce qui devrait être une opération facile d’élimination politique d’un adversaire, risque de devenir un dossier sensible capable d’éclabousser plus d’un. La décision de l’accusé de plaider non-coupable, si elle se maintient, risque d’être un véritable problème pour les hypocrites qui ont applaudi son arrestation. Car, des conversations, Guy Philippe en a eues avec des personnalités importantes qui risquent de se retrouver sur le banc des accusés.
Comme nous l’avons dit suite à l’arrestation de Guy Philippe : son avenir dépend de ce qu’il a fait et de ce qu’il n’a pas fait. Guy Philippe et le Gouvernement Américain sont les seuls à connaitre le contenu réel du dossier. La presse ne fait que réagir sur les évènements et sur les informations rendues publiques. Cependant, il y a des éléments confidentiels qui impliquent d’autres personnalités, d’autres institutions stratégiques de sécurité, des opérations de renseignement et de contrôle politique qui resteront sous scellés.
Toutefois, le timing de l’arrestation suivie du transfert de l’accusé correspond à une série d’actions de fin de mandat d’une administration de démocrates connus pour leur implication en Haiti au coté de Lavalas et de l’ancien Président Jean-Bertrand Aristide. C’est sur cette même administration que monsieur Aristide a pu revenir en Haiti grâce au lobby de son ami Danny Glover et du Black Caucus. Les cinq (5) années de mobilisation anti-Martelly suivies de la transition forgée du Sénateur Jocelerme Privert semblent être une opportunité offerte à Aristide/Lavalas pour reprendre le pouvoir, dans un contexte de retrait des forces de l’ONU (MINUSTAH) et de prise en main de l’ordre public par les haïtiens.
Malheureusement, comme d’habitude, le peuple héroïque d’Haiti fit échec à ce plan macabre. Dans cet ordre d’idées, l’arrestation de Guy Philippe a été la cerise sur le gâteau, avec comme principal objectif de laisser le champ libre à Aristide pour les années à venir. De plus, avec la mort subite, non encore élucidée, du Président René Préval, le baron de Tabarre suspecté d’assassinat et de trafic de drogue est le seul taureau dans l’arène. Pour corriger la situation, l’homme de Tabarre serait prêt à aller jusqu’à commettre un coup d’Etat. Son cri au “dechoukaj” durant la campagne électorale traduit son désespoir et les excès auxquels il peut se livrer. Le Président Jovenel Moise ne doit pas perdre de vue, ces hypothèses. Les récentes déclarations officielles de rébellion du Commandant en chef de la Police Nationale d’Haiti face au pouvoir civil que représente le Sénat de la République doitvent-être prises au sérieux.
Guy Philippe s’est retrouvé, dans un sens ou dans un autre, au milieu des luttes d’influence entre Démocrates et Républicains Américains sur Haiti. Ses actes politiques ont fait pencher la balance du coté des Républicains à un certain moment. De plus, lors des dernières élections, le Président Donald Trump avait critiqué le bilan des Clinton en Haiti. On rapporte même qu’il aurait promis de cesser l’impunité en faveur d’Aristide. Ainsi, on peut se demander si la décision du FBI de fournir des enregistrements de conversations entre l’accusé et ses partenaires, ne vise pas à impliquer une quantité importante de personnalités suspectées de trafic de drogue entre Haiti et les Etats-Unis, jusque là épargnées pour des questions d’intérêts politiques.
A l’avantage de l’accusé Philippe, s’il n’y a rien de solide dans le dossier d’accusation, aux Etats-Unis, les juges sont des JUGES i.e. des souverains vraiment indépendants. Des magistrats dignes de ce nom, capables de décider contre le gouvernement américain et même de bloquer les décrets du Président des Etats-Unis, l’homme le plus puissant du monde. Toutefois, pour gagner un procès aux Etats-Unis, l’argent reste un facteur déterminant. Mais, si vous avez la défense qui convient, rien n’est joué d’avance pour ceux qui vous poursuivent.
Enfin, ce qui intrigue, c’est l’hypocrisie qui existe dans la lutte contre la drogue. Que de personnalités impliquées qui ne sont pas inquiétées en Haiti. Les policiers, les magistrats et les journalistes qui osent attaquer ce fléau se retrouvent seuls, sans support et subissent des représailles. C’est le cas dans l’affaire Richardson Coicy, au Cap-Haitien, qui a mis au jour un puissant réseau criminel lié à des barons de la drogue de la capitale haïtienne. Les policiers qui ont enquêté sur ce crime organisé sont persécutés par des membres de la haute hiérarchie de la police entretenant des relations privilégiées avec les accusés. Comment peut-on prendre au sérieux le Directeur Général de la PNH, Monsieur Michel-Ange Gédéon, quand la majorité des hauts gradés de son institution sont riches, possédant des biens qui ne correspondent pas à leur salaire? On n’a qu’à regarder leur niveau de vie!
C’est aussi le cas pour la majorité des élus. Il est clair qu’en Haiti, les hommes et femmes honnêtes qui ne sont pas financés par le secteur privé, par les fonds détournés du Trésor public ou par l’argent sale de la criminalité organisée, n’arrivent pas à se faire élire lors des élections. Certes, il y a des candidats qui ont un soutien financier de la diaspora. Mais, ils ne sont pas nombreux; et, ce n’est pas difficile à retracer la provenance de ces fonds qui ne représentent pas grand-chose.
Aussi, en plus des questions d’intérêts liés à la succession du Président Michel Martelly, la conspiration contre le Premier Ministre Laurent Lamothe en 2014, n’a t-il pas eu à la base la volonté de trafiquants de drogue, de kidnappeurs, de contrebandiers, de corrompus et de bénéficiaires de pots de vin de mettre un terme à cette gouvernance qui refusait de cautionner leurs combines?
Par conséquent, ce qui est intéressant dans ce dossier : ceux qui ont livré Guy Philippe se sont tiré une balle dans le pied. Comme dans un jeu d’échec, ils risquent d’être pris en fourchette. Car, si Guy Philippe est libéré, il deviendra un leader puissant pour les 25 prochaines années; par contre, s’il y a assez d’éléments pour le condamner, les conversations qu’il a eues avec ces personnalités de la société haïtienne qui jusqu’ici se prennent pour des intouchables seront rendues publiques lors du procès. On imagine qu’ils sont nombreux, ceux qui implorent le Seigneur pour que Guy Philippe plaide coupable et négocie une sentence, en vue de garder ces conversations scellées.
Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti // 25 mars 2017
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