dimanche 14 juillet 2019

L’analyse de la crise mondiale du capitalisme et d’Haïti, au-delà du “marxisme orthodoxe”.- #LeReCit

L’analyse de la crise mondiale du capitalisme et d’Haïti, au-delà du “marxisme orthodoxe”.- #LeReCit

Certains intellectuels haïtiens qui se donnent pour mission de réfléchir sur les causes historiques de la réalité actuelle, se réclament du marxisme. Dans notre pays, on n’a qu’à se présenter comme Marxiste pour se prévaloir d’une autorité à dicter ses opinions, à être Maitre de conférence ou censeur d’opinions.

Dans les humbles recherches que nous faisons, nous avons découvert que le Marxisme a beaucoup de lacunes, que nombreuses idées de Karl Marx sont dépassées et méritent d’évoluer. C’est ce qui explique que les intellectuels “marxistes” d’Haïti n’arrivent plus à comprendre la réalité jusqu’à formuler des pistes de solutions viables. Une tâche difficile et même impossible pour plus d’un qui se contente de réciter des textes comme des versets de la Bible ou du Coran de Karl Marx.

Dans le livre “Contre le libéralisme — la société n’est pas un marché” du philosophe Alain Benoist, il est clairement démontré comment la MARCHANDISATION du monde et LE PRODUCTIVISME sont les causes profondes des crises actuelles de sociétés. L’approche traditionnelle qui consiste à dresser le TRAVAIL face au CAPITAL, la lutte des travailleurs contre les capitalistes, est une erreur fondamentale, vu que le CAPITAL n’a jamais pris de la valeur (plus-value) sans son complice TRAVAIL. 

Ensemble, ils transforment l’homme, la nature et les rapports sociaux en MARCHANDISES, destinées au MARCHÉ, d’où l’idée du PRIX, le tout réifier en ARGENT.

Or, la Gauche, comme la droite, les révolutions marxistes à travers le monde, n’ont jamais renoncé à ce cycle infernal qui détruit l’homme, les valeurs humaines, les rapports sociaux et la nature. Elles n’ont fait qu’accélérer ce processus dans une logique de compétitivité, de productivité. Le tout basé sur la montée en puissance de l’INDIVIDUALISME RADICAL LIBÉRAL-LIBERTAIRE stimulé par le consumérisme publicitaire, la tyrannie du désir, la “théologie” des droits humains non respectueux des spécificités nationales acceptables (moeurs, coutumes, traditions, la famille, la communauté, le voisinage, la solidarité collective).

“ Tout l’avilissement du monde moderne, disait Péguy, vient de ce que le moderne a considéré comme négociables des valeurs que le monde antique et le monde chrétien considéraient comme non négociables” Note Conjointe sur M. Descartes [1914], Gallimard, Paris, 1969.

Telle est la problématique fondamentale qui devrait être l’objet de réflexions et de débats. Car, aujourd’hui, ceux qui se disent “marxistes” ou “révolutionnaires”, ne sont pas moins obsédés par l’argent, la consommation folle, ni les excès du désir, utilisant les droits humains pour justifier leur “individualisme anarchiste”, anti-social.

Pour stimuler le débat, nous publions au bas de ce texte, un long extrait du livre de Alain Benoist.

La Semaine prochaine, nous aurons à vous présenter le Chapitre sur “Le troisième âge du capitalisme”, de ce livre de Alain Benoist. En résumé : On verra comment l’utilisation des robots dans la production entraine de plus en plus de marchandises avec de moins en moins de travailleurs. Ce qui provoque l’exclusion continue d’une quantité monstrueuse de personnes du processus de production. Conséquences, baisse du pouvoir d’achat, l’exclusion de la majorité des habitants de la consommation, une armée de militants désœuvrés, la multiplication des revendications et protestations socio-politiques… le populisme. 

La République Haiti classée parmi les pays disposant d’une main-d’oeuvre non-qualifiée pour la production moderne, sera de plus en plus en difficulté… d’où la nécessité de nous positionner dans cette dynamique macabre.

Même quand on ne partage pas l’idéologie du Philosophe Benoist, il faut reconnaître que ses critiques soulèvent certaines évidences qui sont capables de faire avancer les idées et les réflexions politiques.

Cyrus Sibert, #LeReCit


Hegel disait : “ A ce dont un esprit se satisfait, on peut reconnaitre l’étendue de la perte”.
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Nous vous invitons à explorer avec nous, cet extrait d’Alain Benoist : ↓↓↓

Robert Kurz distingue le “Marx exotérique” et le “Marx ésotérique”. Que faut-il entendre par là? La réponse est simple.

Le Marx exotérique, le plus connu, c’est le Marx théoricien de la lutte des classes, celui du “Manifeste communiste” et des “Manuscrits de 1844”; le Marx ésotérique, c’est celui du Capital et des Grundrisse, le Marx de la maturité. Le premier se borne à critiquer le capital du point de vue du travail, en faisant de la lutte des classes le moteur de l’histoire. Le second met l’accent sur les formes de vie sociale historiquement spécifiques au capitalisme : la marchandise, le travail, la valeur, l’argent.

Le “marxisme traditionnel” s’en est généralement tenu au Marx exotérique, c’est-a-dire aux rapports de classes ramenés à l’exploitation de la plus-value, le socialisme étant défini par la propriété collective des moyens de production. Conception stérile pour plusieurs raisons. D’abord, parce que le système soviétique s’est effondré, après avoir obtenu les résultats que l’on sait. Ensuite parce que nous sommes entrés aujourd’hui dans une période post-prolétarienne, celle d’un capitalisme spéculatif déterritorialisé où la classe ouvrière a perdu de son importance, où les producteurs ont été transformés en consommateurs, ce qui a permis de les intégrer au système, tandis que les formes d’identité sociale qui ne se fondent pas sur des appartenances de classes s’affirment au contraire avec de plus en plus de vigueur.

Le Marx ésotérique, lui, ne se borne plus à analyser la seule opposition entre le capital et le travail, mais traite de la marchandise et du caractère fétichiste de la production de marchandises, du travail abstrait, de la distinction entre valeur et richesse, de la nature du capital comme “sujet automate”. Sa critique ne s’arrête pas au niveau des antagonismes de classe, mais va beaucoup plus loin.

Les théoriciens de la critique de la valeur se concentrent sur le premier chapitre du Capital de Marx, celui-là même dont Althusser déconseillait impérativement la lecture au double motif qu’il était d’inspiration trop “hégélienne” et trop “compliqué” (“ou bien on s’y embourbe, et on abandonne”, L’Humanité, 21 mars 1969).

Dans les “Manuscrits de 1844”, Marx avait déjà reproché au libéralisme de chercher à remplacer les anciennes formes de pouvoir et de dépendance par une nouvelle forme de domination abstraite qui s’impose à des individus réputés “libres et égaux” (ce qui veut dire déliés de toutes les relations d’interdépendance traditionnelles qui empêchaient leur aliénation) par le truchement de la loi de la valeur, cette loi prenant la forme d’une contrainte objective. Dans Le Capital, Marx développe systématiquement cette idée, en s’intéressant au contenu de la production, et non plus seulement à sa distribution ou à sa répartition. Il abandonne progressivement sa théorie universelle du travail et de la centralité anhistorique de la lutte des classes et s’attache à dégager la spécificité du système capitaliste, qui n’est dès lors plus simplement regardé comme un “stade” parmi d’autres de l’histoire des modes de production. Il comprend que l’essence du capital trouve son origine dans une pratique historiquement spécifique, et que le capitalisme se fonde sur des rapports sociaux fétichisés allant bien au-delà de la simple lutte des classes.

C’est précisément ce qu’affirme aussi la Théorie critique de la valeur, qui soutient que les thèses de Marx, loin d’avoir une validité transhistorique universelle, sont historiquement relatives à la société capitaliste moderne, et que les “coeur” de la pensée marxienne, c’est ce qui, au-delà des problèmes de domination classique, permet de comprendre la “fabrique sociale du capitalisme”. S’ensuit un redéfinition générale du capitalisme qui, dès lors, ne se définit plus par la seule exploitation (auquel cas il ne se distinguerait pas fondamentalement des systèmes qui l’ont précédé). Ce qui est le propre du capitalisme, ce n’est pas l’apparition d’une nouvelle classe politico-économique, mais l’avènement d’une société tout entière médiatisée par des catégories nouvelles.

“Mon point de départ, a écrit Marx, c’est la forme sociale la plus simple que prend le produit du travail dans la société contemporaine : la marchandise” (Notes critiques sur le traité d’économie politique d’Aldophe Wagner). Ailleurs, il dit que la marchandise est un objet plein de “substilités métaphysiques et d’arguties théologiques”. Ce qui caractérise la forme-marchandise telle que Karl Marx l’analyse, c’est qu’elle est constituée par le travail, qu’elle existe sous une forme objectivée (elle représente un imaginaire social-historique constitutif de certaines pratiques sociales) et qu’elle est de nature duale.

Toute marchandise possède à la fois une valeur d’usage et une valeur d’échange : d’un coté, elle est une chose concrète, ayant ses qualités propres, de l’autre une chose-valeur purement quantitative et abstraite. Cette distinction n’est pas nouvelle, puisqu’elle remonte au moins à Aristote. Mais elle prend un sens nouveau avec la modernité : la valeur d’usage, autrefois plus importante, s’efface devant la valeur d’échange. La nouveauté du capitalisme tient à la façon dont il privilégie l’échange sur la simple production, la généralisation de l’échange ayant été rendue possible par le fait que l’homme a été progressivement séparé de ses moyens d’existence, de subsistance et de production.

La valeur d’échange, c’est-à-dire la valeur qu’acquiert une chose quand elle est échangée, se définit par une pure quantité universelle et abstraite, ce qui permet de l’exprimer par un prix. C’est une valeur sa rapport avec ses qualités particulières d’objet, qui sont incommensurables, une valeur en tant que telle qui n’est relative qu’à la quantité d’argent correspondant au prix. “Produire directement pour le marché, c’est produire pour un champ d’équivalence où tout se vaut pareillement” (Jean Vioulac). Le but du capitalisme, c’est de faire passer dans la sphère du commerce et du marché tout ce qui auparavant y échappait. Dans le monde capitaliste, où presque personne ne travaille pour satisfaire ses besoins propres, est marchandise tout ce qui pour son possesseur n’a pas de valeur d’usage, mais seulement une valeur d’échange. Or, la notion d’échange suppose l’équivalence de toutes choses. Plus précisément, l’échange de choses différentes implique qu’on puisse toutes les ramener à un équivalent “neutre” universel, qui est l’argent. C’est en ce sens que Marx peut écrire que “l’argent lui-même est [devenu] la communauté et ne peut en tolérer aucune autre qui lui soit supérieure”.

Ce qui fait l’essentiel de ce que vaut une marchandise est sa capacité à etre échangée avant même que l’échange intervienne. Elle présuppose donc l’existence du capital, c’est-à-dire de rapports sociaux d’usage n’exprime pas de valeur sociale de production (il lui est indifférent d’être une marchandise), la valeur d’échange est un mode de socialisation qui impose sa structure à toute la société. La marchandise a de la valeur par sa forme matérielle et sa valeur d’usage, mais elle est une valeur par sa valeur d’échange, qui en fait une médiation sociale.

La forme-marchandise peut ainsi se définir comme un rapport social structurant spécifique à la formation sociale capitaliste, une forme spécifique de la pratique sociale et des rapports sociaux.

Le “fétichisme” de la marchandise, qualifié par Marx de “nouvelle religion profane” (il compare le rapport des individus aux marchandises à l’attitude des sociétés “primitives” vis-à-vis des fétiches), ne se définit nullement comme un appétit exagéré pour les marchandises, et n’est pas non plus une simple mystification, mais résulte du caractère automatique, anonyme et impersonnel d’un système où la relation sociale n’est possible qu’à travers la marchandise et où chacun doit se soumettre à la loi du marché. Le caractère fétiche de la marchandise réside d’abord dans le fait d’attribuer un caractère “naturel” aux catégories capitalistes (travail, marchandise), à doter d’une vie autonome impersonnelle des objets qui ne sont jamais que des productions humaines, ensuite dans l’inversion du rapport sujet-objet, avec la chosification (ou réification) des personnes dominées par les objets qu’elles produisent : sous effet des normes intériorisées par le règne de la valeur, les rapports des hommes entre eux se calquent de plus en plus sur les rapports aux choses ou aux objets. Le fétichisme de la marchandise se traduit par une renversement du rapport entre l’homme et ses propres productions : les choses désormais dirigent les hommes.

Cette forme de domination abstraite analysée par Marx ne peut absolument pas être comprise en simples termes de domination de classe. “Marchandises” et “capital” constituent en effet un système dynamique d’un genre particulier qui détermine toujours plus les buts et les moyens de l’activité humaine, alors même qu’il n’y a pas de propriétaire déterminé. (pages 321-326)

En réduisant le capitalisme à un système où les méchants propriétaires des moyens de production se borneraient à exploiter les travailleurs en leurs bénéfices, le “marxisme traditionnel” est passé à coté de l’essentiel. Le capitalisme est en réalité un système où ce sont les marchandises qui règnent et où les hommes ne sont que les exécutants de leur logique sous l’emprise abstraite de la valeur en mouvement. “Tous les groupes sociaux sont préformés par la valeur et donc constitués de façon capitaliste”, souligne Robert Kurz. Travailleurs et capitalistes ne sont que les “comparses d’un processus qui les dépasse”, la contradiction interne au mode de vie qui leur est commun.
La classe des travailleurs est un élément central du capitalisme, mais elle n’incarne pas son antithèse, sa négation. Le sujet de l’histoire n’est pas le prolétariat ou l’humanité, mais le travail, dont le capital représente la forme objectivée. Soustraite aux capitalistes pour être dirigé par les travailleurs, la production industrielle ne changerait pas de nature parce qu’elle représente la matérialisation, non seulement des forces productives, mais aussi des rapports de production.

Alors que Marx ambitionnait de faire une critique globale de l’économie politique, le marxisme traditionnel s’est borné à formuler une économie politique alternative. La principale erreur de beaucoup de “marxistes” est d’être restés prisonniers d’une philosophie du progrès qui doit beaucoup plus au capitalisme qu’au socialisme, et par suite d’une sorte de religiosité de la production. La plupart des marxistes “orthodoxes” n’ont jamais cessé de croire au caractère émancipateur de la croissance des forces productives (c’est pourquoi le communisme soviétique n’a jamais été qu’un capitalisme d’État). Leur intention n’était pas de sortir du productivisme, mais de changer les propriétaires de moyens de production tout en restaurant un mode de distribution ou de répartition plus “juste”. Même chose à propos du travail : le marxisme “traditionnel” voulait briser l’esclavage du salariat, mais ne remettait pas en cause le principe même du travail moderne ( le travail abstrait créateur de valeur d’échange au détriment du travail concret créateur de valeur d’usage).

Ce qui aliène, ce n’est pas tant les classes dirigeantes qu’un processus sans sujet : l’automouvement des choses créées par elles-mêmes (le sujet automate capital). Le capitalisme implique l’illimitation comme condition de sa propre survie. Le résultat, c’est une société où la totalité de la vie sociale, fondée sur l’imaginaire de l’égalité abstraite et “fluide”, est soumise à une forme nouvelle d’hétéronomie où seul le capital est autonome et où il n’est pas exagéré de dire que la valeur (marchande) remplace le lien social.

Critiquer l’inégale répartition des richesses reste stérile aussi longtemps qu’on n’en questionne pas la substance, qui n’est autre que la forme abstraite de la valeur. Toute véritable critique du capitalisme doit se centrer, non pas seulement sur l’exploitation des travailleurs, mais sur des catégories comme la marchandise, la valeur et le travail. “La lutte contre les hommes et la valeur, et non entre le prolétariat et la bourgeoisie, le travail et le capital”. La logique du capital s’étend à la totalité des groupes sociaux. Dès lors, comme l’a écrit Maxime Oueller, “émanciper la société du capitalisme veut dire sortir de l’ontologie du travail et de la valeur qui pousse les individus à une guerre de tous contre tous et les soumet à la domination dépersonnalisée du calcul intéressé”.
p.331 -333

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