Le livre "Idéologie, histoire et politique en Haïti” de Mac-Ferl Morquette est édifiant. Tous les jeunes haïtiens devraient le lire. Il est disponible en librairie en Haïti, c’est un cadeau d’un ami-frère qui a collaboré avec son auteur à la Primature, en 2016.
Au plus fort de moi, je pense que nous devons rendre justice au professeur Leslie F. Manigat. Une lecture du livre susmentionné, vous aidera à comprendre comment ce dernier a été diabolisé par les marxistes haïtiens qui ont refusé d’explorer la dimension ethnocentrique de certains événements dans le pays, se consacrant aveuglément à une “religion” marxiste. Au lieu de faire évoluer l’analyse matérialiste dialectique et l’adapter à la réalité haïtienne, comme le leader chinois Mao Zedong l’a fait en Chine, ils ont réduit le marxisme à une métaphysique révolutionnaire.
A la page 200, l’auteur consacre toute une section titrée “Néo-noirisme ou nouvelle approche plus commode de la question de couleur”. Je ne savais pas si quelqu’un avait déjà envisagé cette nécessité. Et cela m’a convaincu que la réalité historique est en train de nous dicter l’urgence de combler ce vide idéologique.
De plus, avec Trouillot Rolph et Leslie Manigat, l’auteur critique ce qui appelle "l'enthousiasme juvénile" chez la plupart de certains communistes “incitant à intégrer coûte que coûte, de manière scolaire, au vécu haïtien, des théories de Marx qui, bien souvent, sont en porte-à-faux par rapport au vécu”. p.208
Dans ses écrits, Trouillot a fait remarquer le caractère autonome de la couleur de peau comme facteur socio-économique et politique durant toute l'histoire d'Haïti. Aussi, la position du professeur Manigat sur la question, est-elle claire : “la contradiction ethnique n’était pas toujours nécessairement secondaire”. “La race elle-même (citant Engels) est un facteur économique.” p.206
Professeur Morquette reconnaît que “la thèse marxiste a pu se révéler un outil sérieux d’analyse des antagonismes de classes et des conflits sociaux en général. Mais, elle ne saurait exclure d’autres approches liées à d’autres particularismes nationaux, comme ceux de la formation sociale haïtienne aux prises, dès son origine, avec de sérieuses contradictions ethnoculturelles opposant des entités raciales différentes." p.208
Il conclut ainsi “la question raciale est prééminente comme élément d’analyse des rapports sociaux dans la genèse de la nation haïtienne et dans une très grande mesure, dans sa continuité historique, en attendant que d’autres paramètres, comme le facteur économique, s’imposent, eux aussi, comme éléments d’explication et d’analyse.” p.207
Toutefois, à la page 177, il utilise la théorie des “idoles” de Bacon pour nous mettre en garde contre “ la déformations du réel par réduction simplificatrice et la récupération subséquente (par mimétisme!) à laquelle cette déformation a donné lieu.”
L“authentisme” noir ou d’ailleurs mulâtre étant la forme démagogique des discours sur la couleur ayant comme unique objectif la prise du pouvoir souvent pour des visées exclusivistes de corruption, de rapines et d’enrichissements personnels… p.152
“Il faut sortir du discours authentique et concevoir un autre lié non plus à une perception globalement parasitaire de l’État, mais à une vision constructive, responsable, prônant un effort d’investissement tous azimuts producteurs de richesses et d'apaisement social.” p.163
Et à moi d’ajouter : un effort de lutte contre les discriminations coloristes en Haïti et ailleurs, la construction d’une épopée de la diaspora africaine basée sur le courage, les luttes, le génie, les accomplissements des noirs d’Afrique dès leur déportation vers l'Amérique au début du 16e siècle.
Car, contrairement aux discours construits dans des laboratoires de domination en vue d'empêcher aux noirs d'être fiers d'eux-mêmes et confiants en leurs capacités, l’histoire prouve que nous sommes des guerriers nés, avec la liberté dans nos gènes. Nous sommes de rudes travailleurs qui ont produit les richesses du monde moderne, une race qui n’a pas succombé face aux virus propagés par les européens, des hommes et des femmes intelligents - l’intelligence étant la capacité de s'adapter, un haut niveau de plasticité. Venus d’Afrique, nous nous sommes adaptés rapidement à l’environnement du nouveau monde. Et, depuis lors, nous n’avons jamais cessé de faire la guerre contre l’esclavage, contre la servitude, pour la liberté.
Un constat que fit le gouverneur espagnol Nicolas Ovando dès l'arrivée des premiers esclaves noirs en 1502. Ce commentaire fait à partir d’un rapport d’Ovando adressé à ses supérieurs, en est la preuve :
“il n’y a aucun doute que quelques uns (noirs d’Afrique) arrivèrent sur la Espanola (l'Île d'Haïti), car le même Ovando demanda au gouvernement en 1502 qu’on n’y envoie pas d’esclaves noirs, parce qu’ils fuyaient, en s’unissant avec les Indiens à qui ils enseignaient de mauvaises coutumes et qu’ils ne pourraient jamais être corrigés.”
( Traduit de l’espagnol, dans le livre “Quand la révolution, aux Amériques, était nègre…”, de Nicolas Rey, Ed. Karthala, 2005, p.20 )
Faut-il signaler deux points importants à l’attention des futurs lecteurs du livre “Idéologie, Histoire et Politique en Haiti” :
1- “la thèse de l’ethnocentrisme et du racisme occidental” basée sur “l'hypothèse d'Aristote, reprise par l’Espagne esclavagiste, que certains hommes étaient inférieurs, et donc destinés à être esclaves” p. 202
suivie
2- “des postulats de Diodore de Sicile trouvant les éthiopiens « primitifs » et de Pline l’Ancien inventant « au cœur de l’Afrique des sous-hommes monstrueux ».” p.203
Et, l’auteur de conclure “l’occident n’est pas que capitaliste” et “la division internationale du travail se double d’une hiérarchie des races et des couleurs….des cultures.” p.203
Les marxistes de la gauche haïtienne ont idéologiquement lynché l’historien Lesly Manigat, empêchant aux jeunes de comprendre et d’approfondir sa thèse.
Aussi, peut-on déduire que des idéologues racistes de la classe dominante coloriste-mulâtre ont profité de l'instauration de la démocratie après 1986 pour imposer leur astuce de déni de la réalité ethno-sociale de domination, basée sur la couleur de la peau. Pour le faire, ils ont utilisé l’affinité de couleur qui existait entre eux et certains marxistes opposants au régime de François Duvalier. Une mission encore plus facile quand de nombreux idéologues influents des mouvements communistes haïtiens sont des mulâtres.
Dès lors, parler de "racisme" est qualifié de "duvaliérisme" et même de "macoutisme". Ils sont allés jusqu’à nous imposer une Constitution interdisant à nous, la majorité haïtienne, d’exercer notre droit démocratique inaliénable de majorité citoyenne démocratiquement exprimée. Majorité neutralisée, majorité enchaînée!
Aux intolérants qui oseraient insinuer que l’auteur du livre est de tendance duvaliériste nous disons : Il est au contraire une victime de François Duvalier. Son père “Sénermil Charles Morquette fut saisi de corps dans sa propre maison, devant le regard atterré de ses enfants et de sa femme”, par des sbires du régime, un matin de l’année 1964, et a disparu depuis. Mais, sa probité intellectuelle lui a commandé d'écrire sur cette réalité tabou mais présente dans tous les espaces et rapports socio-économiques et politiques. Une constante historique qui soulève des questionnements, des contestations et mêmes de révoltes depuis Jean-Jacques Acaau, en 1843.
Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti
13 Mai 2021
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