La communauté internationale, pourra-t-elle réussir en Haïti en commettant les mêmes erreurs? (Texte de Cyrus Sibert)
En 13 ans de tutelle déguisée, la mission internationale des Nations Unies a fait de la professionnalisation de la Police Nationale Nationale d’Haiti (PNH) sa priorité. Durant ces 13 années, toutes les résolutions du Conseil de Sécurité portent une mention spéciale sur la PNH. Or, selon la constitution haïtienne, “la Police est auxiliaire de la justice”. Quel est le sens de cette politique qui consiste à renforcer l’auxiliaire ou le subordonné PNH, tout en abandonnant la principale qu’est la Justice aux bandes criminelles et/ou aux oligarques corrompus?
Le cancer d'Haïti, c’est la corruption judiciaire. La création du CSPJ (Conseil du Pouvoir Judiciaire) sous pression des occidentaux avec la France comme de cheffe de file, a aggravé la situation. Si la police arrête des bandits, la justice les libère instantanément. Les magistrats rendent ouvertement des décisions intéressées, sans aucune motivation en fait ni en droit.
Le président René Préval avait pourtant refusé de former ce CSPJ qui n’est autre qu’une monstruosité de plus, au service des oligarques corrompus. Car, comment comprendre cette idée de faire de la justice un état dans l’Etat, sous prétexte d’indépendance, en plaçant sous l’administration et contrôle total des représentants des Barreaux et de personnalités à moralité douteuse qui s'autoproclament défenseurs des droits humains -- tous des affairistes au service de l’oligarchie corrompue et voleuse qui pille le pays dès son indépendance.
Pendant les 13 années que la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d'Haïti (MINUSTAH) a passé en Haïti, rien n’a été fait pour aider à corriger ce problème de la justice. L’accent a toujours été mis sur la Police.
En ce qui concerne la Police on peut dire que la MINUSTAH a réussi. Car, tant bien que mal, la police nationale est encore sur pied de guerre contre les gangs armés. Et, malgré les pertes énormes dans ses rangs par fautes de matériels adaptés à la situation, les policiers tiennent encore le coup. Même secouée par des rivalités de clans, les luttes pour le pouvoir et la corruption, la police fait preuve d’accumulation technique. On n’a pas encore observé de rébellion ni de désertion massive.
En matière de justice, c’est un échec cuisant. Aujourd’hui, des citoyens sont emprisonnés sans jugement; les tribunaux fonctionnent rarement. Les seules décisions rendues, de façon scelere et sommaire, sont en faveur des oligarques corrompus. Il y a là une volonté de la communauté de faire durer le chaos en Haïti.
Car, personne ne nous dira que c’est à cause du discours démagogique sur la souveraineté nationale scandé par les membres de la mafia du droit que la Communauté internationale qui exerce un droit d'ingérence pour raison humanitaire n’a rien fait de sérieux pour un bon fonctionnement de la justice.
Pour preuve, alors qu’elle pressure continuellement l'Exécutif en la personne du Président de la République, il n'existe aucune note contre les tenants du pouvoir judiciaire, aucune sanction, aucune exigence de vetting. La justice corrompue d'Haïti a reçu les pleins pouvoirs de la Communauté pour détruire le pays.
Sous pression internationale — avec la France comme cheffe de file, porte parole des oligarques collabos du paiement de la rançon appellée “dette de l’indépendance” qui ont capturé sa diplomatie — la justice haïtienne est devenue une institution mafieuse, gangrenée et pourrie qui transforme les prisons en camp de concentration de l’Allemagne nazi. Elle manipule les élections au moyen des fameux “procès-verbaux d'incidents” qui permettent d’annuler les bureaux de vote défavorables; et assure l’impunité des gangs criminels, des kidnappeurs et des bandes armées.
Pourra t-on stabiliser Haïti sans toucher à cette justice cadavérique?
La réponse est non. La justice haïtienne est une non-justice. Une injustice. Une anti-justice qui ne crée plus la confiance nécessaire aux investissements directs. Elle pose un “political risk” pour les grandes entreprises et les hommes d'affaires. Car, elle légitimise le grand banditisme, le crime organisé, participe au spoliation — au viol du droit de propriété et n’offre aucune garantie pour les capitaux étrangers.
Haïti n’a pas un problème de force publique. Une police nationale renforcée et une armée nationale bien équipée, accompagnées d’un programme de reconstitution de la police rurale qui permettait d’antan le contrôle effectif et efficace du territoire, peuvent rétablir la sécurité qui d’ailleurs n’est un problème géographiquement circonscrit dans la capitale haïtienne.
Il est clair que les corrompus du système international ont plus intérêts dans les missions de déploiement de forces. Car, derrière tout cela, il y a le marché de la logistique et de l’armement. C’est ce qui d’ailleurs explique les difficultés pour l’Etat haitien d’équiper ses forces de sécurités.
Mais, si réellement, on tient à obtenir des résultats concrets en Haïti, cette fois-ci, le “droit d’ingérence pour raison humanitaire” ne peut que cibler la justice ou l’injustice haïtienne. Car, sans une refondation du système judiciaire en vue de libérer l’Etat de l’influence des oligarques, des corrompus et du crime organisé, rien ne changera en Haïti.
Il faudra aussi imposer aux acteurs politiques le respect du jeu démocratique. Nous développerons ce point dans un autre texte.
Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti
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