Haïti : Le choléra, paradoxalement, notre sauveur. Par Cyrus Sibert Par Cyrus Sibert, Cap-Haïtien, Haïti. Le Ré.Cit. (Réseau Citadelle) : www.reseaucitadelle.blogspot.com En moins d'une semaine, les déclarations des acteurs de la gouvernance de l'Etat haïtien (responsables de l'Etat et communauté internationale) sont devenues révolutionnaires. Avec 300 morts et 3,500 personnes hospitalisées contaminées et un nombre inconnu de personnes infectées, nos dirigeants sont devenus plus conscients de la situation de la population. Alors que depuis le 12 janvier 2010 le concept reconstruction d'Haïti était synonyme de bétons au mépris de la reconstruction de la vie des victimes qui ont tout perdu dans la capitale, en moins d'une semaine les autorités de cet Etat prédateur qu'est Haïti ont fait des déclarations spectaculaires. Dans la presse on ne parle que de construction de centres de santé dans les villes de province, d'assainissement, de projet d'adduction d'eau potable dans les villages, de déploiement de 30,000 agents de santé pour prévenir de nouveaux foyers de choléra – une véritable campagne d'hygiène publique, le Premier Ministre Jean Marx Bellerive a même annoncé la construction d'hôpitaux dans les villes de province pour soigner la population. Quoi de mieux ! Grace au choléra, nos dirigeants et nos élites ont pu entendre raison. Quel miracle ! Pourtant, depuis des décennies, des rapports, des articles, des études avaient tous mis l'accent sur la nécessité de décentraliser le pays, de mettre des infrastructures de base dans les communes. Nos dirigeants ont su qu'il y avait de sérieux problèmes de santé et d'hygiène publiques. Dans leur logique de mépris, ils avaient abandonné les villes de province à elles-mêmes. En juin 2010, RESEAU CITADELLE a publié un article en ce sens : Cap-Haïtien : L'U.E. finance une campagne contre les excréments humains. (1) Malgré tout, nos gouvernants étaient trop occupés à détourner les fonds du trésor public et l'aide internationale avec la complicité des missionnaires de l'ONU, de l'OEA, du FMI et de la Banque Mondiale pour entendre les cris d'alarme. Aujourd'hui, tout le monde est obligé de corriger leur bêtise, car une épidémie comme le cholera en plein cœur de la Caraïbe peut nuire à l'économie de la région, il menace directement les intérêts acquis de l'élite du pouvoir. Ces dirigeants locaux et internationaux qui n'ont pas voulu encourager des réformes économiques capables de transformer Haïti en une plate-forme transaméricaine de par sa situation géographique, risquent de vivre Haïti comme une base d'exportation des bactéries de choléra dans la région. La menace est de taille. Dans une interview accordée au journal de Nouvelliste, Dr William Pape qui sait combien est virulente la bactérie, le Vibrio cholerae, qui cause le choléra déclare : « Il va nous falloir changer toute notre politique de l'accès à l'eau. Changer nos habitudes d'hygiène aussi, car le choléra quand il entre dans un pays, il n'en sort pas de sitôt. Il nous faudra aussi apprendre à neutraliser les matières fécales avec du chlore, par exemple, pour tuer le microbe et l'empêcher de se propager. Il est urgent que soit définie toute une politique d'évacuation des selles qui sont les principaux vecteurs de maladie » (2). Sur Radio Métropole, le ministre de la santé, Dr. Alex Larsen, annonce que des dispositions seront adoptées afin d'empêcher de nouveaux foyers de choléra notamment dans les centres d'hébergement. Une armée de 30,000 agents de santé sera déployée sur le terrain. La France, la Suisse, l'ONU, le Canada, les Etats-Unis, en un mot la Communauté internationale pose les vrais problèmes structurels. (3) Les dirigeants haïtiens et leurs complices de la communauté internationale sont devenus très perspicaces. En moins d'une semaine ils comprennent cette réalité qu'ils ont toujours voulu ignorer ou sous-estimer. Car toute leur action est basée sur une approche procédurale de la démocratie : Des élections pour un gouvernement et un parlement fantôme qui donneront à leur bureaucratie une apparence de souveraineté nationale. Malgré la douleur de voir des pauvres mourir faute d'hygiène de base et d'eau potable, nous pensons que cette situation est intéressante. Puisque nous mourrons chaque jour à petit feu dans des accidents de la circulation, des assassinats, sous des décombres, dans des inondations et de la faim, la mort est devenue notre réalité quotidienne. L'important dans toute l'histoire est qu'avec le cholera et les autres épidémies qui arriveront, on pourra plus nous ignorer. Les Etats-Unis ne pourront plus se contenter de bloquer les voyageurs clandestins et livrer Haïti à la dictature néo-lavalassienne de Préval parrainée par les impérialistes Sud-Américains. Car ils ne pourront pas bloquer les bactéries et les virus présents en Haïti, conséquences de la promiscuité ambiante. Ce qui est aussi le résultat de leur politique d'abandon, de mépris et de refus systématique d'aller au cœur et à la racine des maux. La décision de la République Dominicaine de contrôler ses frontières de peur que l'épidémie ne détruise son industrie touristique est logique. Le Venezuela de Chavez qui finance le projet politique des féodaux monopolistiques haïtiens avec le pétrole du peuple Vénézuélien se sent menacé. Il exige des mesures de contrôle pour éviter que le choléra notre nouveau produit d'exportation n'envahisse son territoire. La diplomatie hypocrite de Cuba, du Brésil, de Taiwan, du Canada, de la France, de l'Union Européenne, de la Caricom et de l'OEA qui consiste à fermer les yeux sur les abus, les crimes, les détournements de l'aide au profit des pauvres et la gouvernance destructrice en Haïti, a porté fruit. Aujourd'hui, je peux mourir en paix. Ils seront obligés de changer de politique sinon, nos bactéries et nos microbes finiront dans leurs assiettes. Je me souviens de ce livre GEOGRAPHIE DU SOUS-DEVELOPPEMENT lu en 1992. J'oublie le nom de l'auteur, mais il y a un chapitre sur l'aide internationale. L'auteur avait bien décrit les épidémies comme une peur bleue pour les dirigeants des pays riches. Ils peuvent toujours vous laisser crever de faim, ils peuvent abandonner une peuple au massacre – exemple du Rwanda, ils n'auront aucun problème avec le taux de mortalité infantile ou maternelle, mais quand il s'agit d'épidémies meurtrières capables de se propager rapidement à la faveur des moyens de transport moderne et de nuire à leur économie, ils réagiront sans perdre de temps. Donc, ils ne pourront plus ignorer la pauvreté et misère en Haïti. Ils ne pourront plus continuer à mettre des pansements sur les plaies d'Haïti avec l'aide des organisations centralisées comme le CIRH de Bill Clinton. Dieu dans sa miséricorde adresse un message à ces Pharaons du 21e siècle : « Mon peuple à trop souffert, je ne permettrai pas que vous continuez à le traiter ainsi. » Ces catastrophes continueront comme les plaies d'Egypte jusqu'à un changement radical de la gouvernance en Haïti. C'est ce que j'appelle « un sauveur ». La douane ne pourra plus bloquer l'aide humanitaire destinée à combattre l'épidémie sous prétexte de non respect de procédures administratives idiotes et anachroniques. L'internationale ferait un effort de voir le rôle négatif de cette boite dont le directeur n'a même pas honte de vanter que ses recettes représentent 80% des revenus de l'Etat, ce qui signifie que la douane est le principal outil de blocage des échanges. Hors, il n'y a pas d'économie sans échanges. Le FMI finira par comprendre qu'il est impératif de créer des emplois dans ce pays pour garder les haïtiens chez eux. Dans ce cas, on doit admettre qu'il est purement suicidaire de pénaliser outre mesure le seul élément de l'économie haïtienne qui fonctionne. Accepter que 80% des recettes d'un pays viennent de la douane est une aberration, messieurs. Les taxes devraient être tirées sur les revenus et/ou sur le patrimoine. Donc, il faut des réformes en profondeur pour faciliter des investissements, dynamiser l'économie en vue d'augmenter les recettes de l'Etat. C'est la seule façon d'encourager les haïtiens à rester dans leur pays avec leur bactérie. On pourra finir avec ces cadres ignorants qui règnent grâce au clientélisme, ces fonctionnaires incapables d'adapter le pays à la nouvelle situation mondiale d'échanges et de compétition. Il faut renvoyer ces lourdauds qui répètent comme des perroquets des textes de lois adoptées depuis les périodes féodales et/ou dictatoriales, comme si l'homme était fait pour la loi et non la loi pour l'homme i.e. adaptée à l'évolution de sa situation historique. Ces invertébrés utilisent toutes formes d'artifices administratives procédurales pour défendre le statu quo monopolistique, exclusiviste duquel ils reçoivent des pots de vin et des privilèges au mépris de la pauvreté qui règne dans le pays et la misère des masses. René Préval peut continuer à construire ses petits projets d'homme mortel limité, attaché à la chair et à la richesse, la réalité est là. Les camps immondes que vous ignorez aujourd'hui pour mieux vous occupez de vos femmes, de vos butins donc de votre continuité ne sont que des réserves de microbes et de virus qui n'épargneront pas vos amis monopolistiques, leurs maisons luxueuses et les colons de la bureaucratie internationale qui les supportent dans leur entreprise destructrice. Le cholera fera partir de la continuité. Vous payez les conséquences de vos inconséquences. Aujourd'hui mon peuple meurt et je suis prêt à partir avec lui. D'ailleurs la vie n'a plus trop d'importance ici. Mais, je lis avec plaisir les notes de l'OMS annonçant que l'épidémie est prévue sur le long terme. (3) A mes yeux, Haïti ne sera plus ignorée dans les années à venir. Que le cholera soit introduit en Haïti involontairement dans le cadre d'un projet qui viserait à nous enfoncer encore plus, je me réjouis du fait que les générations qui survivront de cette épidémie auront à leur disposition une certaine infrastructure sanitaire et hygiénique de base à leur disposition. Elles pourront enfin développer le tourisme et mener une vie descente dans un pays propre et hygiénique. Elles pourront participer à l'économie touristique de la région. Ce sera déjà pas mal. Comme le massacre des cochons indigènes a déstabilisé le milieu rural et créé des bidonvilles immenses un peu partout dans le pays, l'arrivée du choléra aura un effet structurel sur Haïti. Comme une armée sur le champ de bataille, nous acceptons les pertes en rêvant ce que sera notre situation après la victoire. ____________________ 1- http://reseaucitadelle.blogspot.com/2010/06/cap-haitien-lue-finance-une-campagne.html 2- http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=85010&PubDate=2010-10-25 3- http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=18386 4- http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=85097&PubDate=2010-10-27 RESEAU CITADELLE (Le Ré.Cit), le 27 Octobre 2010, 18 heures 47. ____________________ "La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles? Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation prend la forme de monopole au 21e Siècle. WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.) |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire